La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2021 | FRANCE | N°19BX00683

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 19BX00683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701457, 1701458 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire, enregistré le 26 mai 2020, M. et Mme H... représentés p

ar Me A... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701457, 1701458 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire, enregistré le 26 mai 2020, M. et Mme H... représentés par Me A... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des année 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- que la procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre est irrégulière dès lors que les dispositions du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales permettant de déroger à l'envoi d'une mise en demeure ne leur sont pas applicables ; au surplus, il résulte des dispositions combinées des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts et de l'article R. 123-3 du code de commerce, dans leurs versions applicables au litige, que les contribuables percevant des revenus imposables au titre des bénéfices commerciaux ne provenant pas de l'exercice d'une " activité à titre de profession habituelle " ne sont pas astreints à se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises de sorte que l'administration était tenue de leur adresser une mise en demeure préalable à la taxation d'office de leurs revenus ;

- que M. H... n'a pas déployé une activité de négoce de vins Petrus en primeur imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux dès lors que, d'une part, la réalisation d'au plus deux opérations de ventes ne révèle pas l'exercice d'une profession au sens de l'article 34 du code général des impôts ou l'exercice de manière habituelle d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce au sens des dispositions des articles L 110-1 et L 110-2 du code de commerce et que, d'autre part, l'acquisition des 20 caisses de vins de Petrus s'est faite initialement à des fins de consommation personnelle sans recherche de profit ni accomplissement de diligences particulières ce que confirme d'ailleurs le bref délai séparant l'achat et la revente ; l'instruction fiscale 4 F 111 § n° 11 reprise au BOI-CHAMP-10-20 § n°1 du 12 septembre 2012 confirme que l'exercice d'une profession commerciale suppose l'accomplissement de manière habituelle d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce ;

- que la pénalité pour activité occulte n'est pas justifiée car elle ne peut s'appliquer qu'à l'hypothèse ici non vérifiée où l'activité est exercée par un contribuable qui, cumulativement, soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce alors qu'il y était obligé, soit s'est livré à une activité illicite, et n'a pas accompli d'obligations déclaratives dans les délais légaux ; or, les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, ne peuvent être astreints à immatriculation que lorsqu'ils exercent leur activité à titre de profession habituelle ; en tout état de cause, M. H... est de bonne foi et si le tribunal de grande instance de Bordeaux l'a déclaré coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt commis au cours des années 2012 et 2013, le juge administratif n'est lié ni par la qualification ni par l'interprétation donnée à ces faits sur le plan pénal.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 août 2019 et 2 décembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... G...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant les intérêts de M. et Mme H....

Deux notes en délibéré présentées par Me A... ont été enregistrées les 20 et 21 janvier 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme H... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012. Dans le cadre de ce contrôle, M. H... a notamment indiqué avoir effectué en 2012 et 2013, des opérations d'achats " en primeur " de bouteilles de vins Petrus en vue de les revendre. Cette information a conduit l'administration à diligenter une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013 à l'issue de laquelle, constatant que le contribuable n'avait pas accompli les formalités d'immatriculation auprès du centre des formalités des entreprises, elle a notifié à M. H... selon la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison de l'exercice d'une activité professionnelle indépendante de négoce de vins. M et Mme H... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

En ce qui concerne l'exercice d'une activité commerciale par M. H... :

2. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". L'accomplissement à titre professionnel d'actes réputés " de commerce " par la loi commerciale est une activité commerciale au sens de ces dispositions. L'article L. 110-1 du code de commerce répute actes de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre. L'exercice d'une profession commerciale suppose l'accomplissement habituel, par les personnes relevant de l'impôt sur le revenu, d'opérations de nature commerciale, industrielle ou artisanale, pour leur propre compte et dans un but lucratif. La question de savoir si un contribuable exerce une activité commerciale relève d'un régime de preuve objective.

3. Il résulte de l'instruction que M. H... a acquis en primeur, le 7 mars 2012, 120 bouteilles de Pétrus 2009, pour un prix de 75 348 € TTC et le 28 mars 2013, 120 bouteilles de Pétrus 2010, pour un prix de 89 700 € TTC. La marchandise a été mise à sa disposition par ses fournisseurs respectivement le 7 juin 2012 et le 9 avril 2013, dates auxquelles ces bouteilles de vins avaient déjà été revendues par M. H... à la société Descaves pour un prix respectif de 180 000 € et 195 000 euros. Le requérant n'a, ce faisant, jamais pris possession des bouteilles qu'il a acquises. Ces achats-reventes, répétés à deux reprises, et dont résulte un profit important caractérisent, alors même que M. H... s'est abstenu de toute démarche commerciale, l'accomplissement habituel par le contribuable d'opérations de nature commerciale à des fins lucratives qui sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et qui sont exclusives de toute gestion d'un patrimoine personnel. La chronologie de ces opérations ne traduit pas davantage la possibilité d'un achat de bouteilles pour une consommation personnelle.

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa version applicable au litige : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ; ". Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ". Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts et de l'article R. 123-3 du code de commerce, dans leurs versions applicables au litige, que les commerçants doivent se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. Les bénéfices commerciaux d'un contribuable peuvent alors, sans mise en demeure préalable, être évalués d'office par l'administration fiscale.

5. En l'absence de toute déclaration fiscale, par les requérants, des revenus dégagés sur les opérations commerciales mentionnées au point 3 du présent arrêt et de porter à connaissance de cette activité commerciale à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et alors que les requérants n'établissent pas qu'ils ont commis une erreur justifiant qu'ils ne se soient acquittés d'aucune de leur obligations déclaratives, l'activité commerciale de M. H... est réputée occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Par suite, le service n'était pas tenu de mettre en demeure les requérants de déclarer le revenu catégoriel concerné avant de mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office de leurs revenus commerciaux en application du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition d'office doit donc être écarté.

Sur la charge de la preuve et le bien fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

7. En l'occurrence, les impositions mises à la charge de M. et Mme H... ayant été établies à l'issue de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation prévue par l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, il leur appartient d'en établir le caractère exagéré. Les requérants ne soutiennent ni même n'allèguent que ces redressements présentent un caractère exagéré.

En ce qui concerne la majoration de 80% en cas de découverte d'une activité occulte :

8. Aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. H... n'a pas souscrit la déclaration de ses revenus qui proviennent de son activité commerciale et n'a pas fait connaître celle-ci à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et l'intéressé n'établit pas qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations. Dès lors, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle exercée par M. H... et est fondée à faire application de la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... H... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... C..., présidente,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

M. F... G... premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

La présidente,

Evelyne C...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX00683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00683
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL LANGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;19bx00683 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award