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16/02/2021 | FRANCE | N°18BX04115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 18BX04115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Aveyron a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de quatre aérogénérateurs au lieu-dit " la Grifoulière " sur le territoire de la commune de Rieupeyroux.

Par un jugement n° 1600982 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et d

es mémoires enregistrés le 30 novembre 2018, le 3 décembre 2018, le 10 avril 2019 et le 28 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Aveyron a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de quatre aérogénérateurs au lieu-dit " la Grifoulière " sur le territoire de la commune de Rieupeyroux.

Par un jugement n° 1600982 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 30 novembre 2018, le 3 décembre 2018, le 10 avril 2019 et le 28 novembre 2019, ce dernier non communiqué, la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur, représentée par Me X..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Aveyron a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de quatre aérogénérateurs sur la commune de Rieupeyroux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de reprendre l'instruction de la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- une société par actions simplifiée est régulièrement représentée par son président conformément à l'article L. 227-6 et L. 227-7 du code de commerce ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a retenu à tort la recevabilité de l'intervention de l'association Segal'air, des communes de Prévinquières, Salvetat-Peyralès, du Bas Ségala, et des personnes physiques ;

- le tribunal a fait une application inexacte de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et c'est à tort qu'il a confirmé le refus du préfet au motif que le projet porterait atteinte aux paysages et aux lieux avoisinants dès lors que le projet s'insère de façon satisfaisante dans le paysage, que le site d'implantation ne présente pas d'intérêt particulier au sens des dispositions de cet article et qu'il ne porte pas atteinte aux lieux avoisinants ni au paysage.

Par un mémoire en intervention enregistré le 30 septembre 2019, l'association Segal'Air, la commune de Previnquières, la commune de La Salvetat-Peyrales, la commune de Le Bas Ségala, M. AK... AD..., M. AL...-J... K..., M. et Mme AC... AO..., M. AB... K..., M. AL...-AQ... P..., Mme AQ...-AS... R..., M. AA... AG..., M. Q... AJ..., M. G... T..., M. C... AJ..., Mme AF... O..., M. AL...-C... F..., M. et Mme AP..., M. AE... M..., Mme AQ...-AR... H..., Mme B... D... veuve E..., Mme I... Z..., M. et Mme N... Z..., le GAEC du Rocher, Mme AI... AH..., et Mme U... AH..., représentés par Me AN... demandent à la cour de rejeter la requête de la SAS Parc Eolien Aveyron Segala Viaur.

Ils soutiennent que :

- ils ont un intérêt à intervenir en défense dans cette instance ;

- la requête de la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur est irrecevable dès lors que la société requérante doit démontrer qu'elle a mandaté un représentant pouvant la représenter dans le cadre de la présente instance ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2019, la ministre chargée de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée 28 novembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme S...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me L..., représentant la société par actions simplifiées (SAS) Parc éolien Aveyron Segala Viaur, et de Me W..., représentant l'association Segal'Air, la commune de Previnquières, la commune de La Salvetat-Peyrales, la commune de Le Bas Ségala, M. AK... AD..., M. AL...-J... K..., M. et Mme AC... AO..., M. AB... K..., M. AL...-AQ... P..., Mme AQ...-AS... R..., M. AA... AG..., M. Q... AJ..., M. G... T..., M. C... AJ..., Mme AF... O..., M. AL...-C... F..., M. et Mme AP..., M. AE... M..., Mme AQ...-AR... H..., Mme B... D... veuve E..., Mme I... Z..., M. et Mme N... Z..., le GAEC du Rocher, Mme AI... AH..., et Mme U... AH....

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiées (SAS) Parc éolien Aveyron Segala Viaur a déposé le 18 décembre 2014 un dossier de demande d'autorisation unique pour la réalisation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs, d'une puissance nominale de 2 MW et d'une hauteur totale en bout de pale de 150 mètres, au lieu-dit " La Grifoulière ", sur le territoire de la commune de Rieupeyroux. Par arrêté du 24 décembre 2015, le préfet de l'Aveyron a rejeté cette demande. Par un jugement du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2015. Par la présente requête, la société Parc éolien Aveyron Segala Viaur relève appel de ce jugement.

Sur l'intervention en appel de l'association Segal'air, des communes de Previnquières, La Salvetat-Peyrales, Le Bas Ségala, et des autres personnes :

2. Il résulte de l'instruction, notamment de ses statuts modifiés le 23 janvier 2015, que l'association Segal'air qui a notamment pour objet de " protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites et les paysages de la communauté de communes Aveyron-Segala-Viaur et des communes avoisinantes (...) En plus de lutter contre les projets d'installations industrielles (...) notamment contre les usines d'aérogénérateurs dites " parcs " éoliens ", et de " défendre l'environnement et protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, la qualité des paysages, des sites et du patrimoine du département de l'Aveyron ", a intérêt au maintien du jugement attaqué rejetant la demande de la SAS Parc Eolien Aveyron Segala Viaur contre l'arrêté préfectoral refusant de lui délivrer l'autorisation de réaliser un parc éolien. Cette association est intervenue en première instance à l'appui du mémoire en défense du préfet de l'Aveyron, de même que les communes de Previnquières, La Salvetat-Peyrales, Le Bas Ségala et les autres personnes, et ils étaient donc sans qualité pour faire appel du jugement qui a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aveyron en date du 24 décembre 2015. Dans ces conditions, en revanche, leur intervention est recevable devant la cour.

Sur la recevabilité des interventions de l'association Segal'air, des communes de Previnquières, La Salvetat-Peyrales, Le Bas Ségala et des autres personnes en première instance :

3. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'association Segal'air, au regard de son objet statutaire, justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la décision en litige par laquelle le préfet de l'Aveyron a rejeté la demande d'autorisation unique présentée par la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur pour l'implantation de quatre aérogénérateurs sur la commune de Rieupeyroux, au lieu-dit la Grifoulière. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'intervention collective de l'association Segal'Air, la commune de Previnquières, la commune de La Salvetat-Peyrales, la commune de Le Bas Ségala, M. AK... AD..., M. AL...-J... K..., M. et Mme AC... AO..., M. AB... K..., M. AL...-AQ... P..., M. et Mme A... V..., Mme AQ...-AS... R..., M. AA... AG..., M. Q... AJ..., M. G... T..., M. C... AJ..., Mme AF... O..., M. AL...-C... F..., M. et Mme AP..., M. AE... M..., Mme AQ...-AR... H..., Mme B... D... veuve E..., Mme I... Z..., M. et Mme N... Z..., le GAEC du Rocher, Mme AI... AH..., M. J... AM... et Mme U... AH..., dès lors que l'un au moins des intervenants était recevable, pouvait être admise dans son ensemble, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal administratif.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a détaillé au point 7 de son jugement les raisons pour lesquelles il a estimé que l'arrêté préfectoral en litige était suffisamment motivé en fait et en droit, a exposé au point 9 du jugement les raisons pour lesquelles cette motivation ne révélait pas que le préfet se serait estimé lié par l'avis " paysager commun " des différents services de l'Etat rendu le 30 octobre 2015 et enfin, en a conclu que le préfet n'avait pas l'obligation d'annexer cet avis à son arrêté. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ni qu'ils n'ont pas suffisamment répondu à " l'ensemble des éléments de droit qui leur ont été soumis " qu'au demeurant elle ne précise pas. Si elle soutient également que le tribunal s'est borné dans son jugement à reprendre les termes de l'avis paysager commun des services de la DREAL, de la DDT et du service territorial de l'architecture et du patrimoine (STAP) de l'Aveyron, sans en vérifier le bien-fondé, il ressort des termes du point 11 du jugement qu'après avoir rappelé la teneur de cet avis, le tribunal s'est longuement prononcé au regard des éléments, en particulier photographiques, apportés par la requérante ainsi que des autres pièces du dossier dont il détaille le contenu, et notamment de l'étude d'impact et de l'étude paysagère. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas du jugement que les premiers juges auraient statué " ultra petita ", alors même que selon la requérante ils auraient confondu les projets du site de la Grifoulière et du site de La Bonnelle, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée : " I. - A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions (...) Midi-Pyrénées (...). ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (..). ". Aux termes de l'article 3 de ladite ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : / 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; (...) ". En outre, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement issu de cette dernière ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

7. Enfin, aux termes de l'article 10 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " (...) II. - Le représentant de l'Etat dans le département : 2° Recueille, le cas échéant, l'accord de l'architecte des Bâtiments de France conformément aux articles L. 621-32 du code du patrimoine et R.* 423-67-1 du code de l'urbanisme. / Par exception aux dispositions de l'article R.* 423-67-1 précité, le délai à l'issue duquel l'architecte des bâtiments de France est réputé avoir donné son accord est de deux mois lorsque le projet est situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ; / 3° Sollicite les accords mentionnés à l'article 8, lorsque le dossier ne les comporte pas. Ces accords sont délivrés dans les deux mois. Ils sont réputés donnés au-delà de ce délai. Les désaccords sont motivés. ". Aux termes de l'article 12 du même décret : " I. _ Le représentant de l'Etat dans le département rejette la demande d'autorisation unique en cas de désaccord consécutif aux consultations menées conformément aux 2° et 3° du II de l'article 10. / Ce rejet est motivé par l'indication des éléments mentionnés dans ce ou ces désaccords. / II. - Le représentant de l'Etat dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : / 1° Le dossier reste incomplet ou irrégulier à la suite de la demande mentionnée à l'article 11 ; / 2° Le projet ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée ; / 3° Le projet est contraire aux règles qui lui sont applicables. / Ce rejet est motivé. ".

8. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage. En l'espèce, pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Aveyron a considéré que le projet d'implantation de quatre éoliennes au lieu-dit La Grifoulière, sur un espace de plateau entaillé de vallées boisées, impactait fortement les hameaux de Miquels, Rhodes, Le Sablis, Bertrand et Recoules, que le rapport d'échelle était disproportionné vis à vis des éléments paysagers environnants et qu'en raison de la topographie, de la taille et de la situation des machines au niveau de la " dorsale " de Rieupeyroux, celles-ci seraient très " impactantes " sur le grand paysage.

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet en litige consiste en la réalisation d'une centrale éolienne composée de quatre aérogénérateurs tripale d'une puissance nominale de 2MW et d'une hauteur en bout de pale de 150 mètres sur le territoire de la commune de Rieupeyroux, au lieu-dit " La Grifoulière ". Ce projet prévoit de s'implanter sur un plateau dominant, dans un paysage bucolique préservé, très ouvert, composé d'une succession de pâtures, de lacs collinaires, de boisements, sur des sols au relief modelé et sur un territoire rural parsemé de hameaux. Dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation unique déposée par la société requérante, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées, la direction départementale des territoires (DDT) de l'Aveyron et le service territorial de l'architecture et du patrimoine (STAP), consultés sur le projet en application de l'article 10 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, ont émis un avis défavorable au projet aux motifs que ce territoire est vierge de toute éolienne, la centrale la plus proche se trouvant à 43 km à vol d'oiseau à l'est, et que de nombreux axes routiers et lieux de vie, mêmes éloignés, seront fortement impactés par l'installation de ces quatre machines. Il résulte effectivement des photomontages produits par les parties, notamment des documents produits à l'appui de la demande de la requérante, que le site d'implantation du projet a un caractère exclusivement naturel et agricole d'où est absente toute installation industrielle et dont les axes routiers offrent des perspectives paysagères de qualité. Compte tenu du caractère très ouvert de ce paysage vallonné présentant, selon les termes de l'étude paysagère, " des profondeurs importantes qui peuvent être découvertes du fait de la très faible présence des haies bocagères entre les pâturages " les éoliennes projetées seront visibles depuis les axes routiers principaux, offrant jusqu'alors une vue dégagée sur le paysage typique du Ségala, et depuis plusieurs hameaux, notamment de Miquels, Rhodes et Sabis, situés respectivement à 580 mètres, 1,4 km et 1,39 km. Selon les termes mêmes du volet paysager de l'étude d'impact produite par la société requérante " c'est une nouvelle échelle qui s'introduit dans le paysage quotidien de ces hameaux " et la " confrontation visuelle avec les futures machines ne peut être évitée même si les reculs appliqués ainsi que l'orientation préférentielle des habitations au sud vient en atténuer l'impact " et enfin, les éoliennes ne seront pas masquées par des boisements ou de la végétation, " dans la configuration précise de ces paysages d'altitude ". A cet égard, l'avis " paysage commun " précise que les lieux de vie seront fortement et directement impactés et que le rapport d'échelle disproportionné vis-à-vis des éléments paysagers environnants induit par la taille des machines sera très perturbant pour leurs habitants, altérera leur paysage quotidien et provoquera un effet d'écrasement. Ainsi, même si la requérante soutient qu'un soin particulier a été porté aux hameaux avec le recul réglementaire prévu de 500 mètres, et que les deux autres projets initialement prévus à proximité du projet litigieux sur le site de la Bonnelle et du Rech ont été abandonnés, ces circonstances n'apparaissent pas suffisantes pour limiter l'impact du projet de La Grifoulière sur ces hameaux et sur le paysage en raison de leur proximité et de la dimension des quatre éoliennes. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, notamment des pièces produites par la requérante, que les machines seront masquées par les bâtiments agricoles ou la végétation compte tenu de leur hauteur et de leur lieu d'implantation. Enfin, concernant le grand paysage, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages et de l'étude paysagère, que compte tenu de la topographie, de la taille et de la situation dominante des machines au niveau de la dorsale de Rieupeyroux à une altitude comprise entre 637 et 684 mètres, ces dernières seront très impactantes sur le grand paysage jusqu'à une distance de 10 km et bien au-delà. Les documents d'études de l'impact paysager joints à la demande précisent d'ailleurs sur ce point, photomontages à l'appui, que les caractéristiques paysagères résultant de " la succession de croupes étirées et de profonds vallons " accentuent la perception des machines dans le grand paysage. Les documents photographiques produits démontrent également que les éoliennes projetées sont en covisibilité directe avec la chapelle de Rieupeyroux située sur un point culminant, lieu de pèlerinage et monument médiéval très visité même s'il ne fait pas l'objet d'une protection particulière. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, alors même que le secteur est considéré comme favorable au développement de l'éolien par le " schéma régional éolien ", que le préfet n'avait pas entaché sa décision de refus d'erreur d'appréciation s'agissant de l'impact paysager du projet compte tenu du site d'implantation et des atteintes visuelles aux hameaux et lieux dits et sur le grand paysage.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Aveyron a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de quatre aérogénérateurs sur la commune de Rieupeyroux. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 25 septembre 2018 et de l'arrêté du 24 décembre 2015 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Segal'Air, la commune de Previnquières, la commune de La Salvetat-Peyrales, la commune de Le Bas Ségala, M. AK... AD..., M. AL...-J... K..., M. et Mme AC... AO..., M. AB... K..., M. AL...-AQ... P..., Mme AQ...-AS... R..., M. AA... AG..., M. Q... AJ..., M. G... T..., M. C... AJ..., Mme AF... O..., M. AL...-C... F..., M. et Mme AP..., M. AE... M..., Mme AQ...-AR... H..., Mme B... D... veuve E..., Mme I... Z..., M. et Mme N... Z..., le GAEC du Rocher, Mme AI... AH..., et Mme U... AH... est admise.

Article 2 : La requête de la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Parc éolien Aveyron Segala Viaur, au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association Segal'Air et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Y... S..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 16 février 2021.

La présidente-rapporteure,

Evelyne S...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX04115


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET BCTG et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 16/02/2021
Date de l'import : 03/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18BX04115
Numéro NOR : CETATEXT000043178479 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;18bx04115 ?
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