Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de six mois et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2003669 du 14 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 25 juin 2020 et a enjoint au préfet du Lot de délivrer à la requérante un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 octobre 2020 et le 4 décembre 2020, le préfet du Lot demande à la cour d'annuler ce jugement n° 2003669 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que :
- le magistrat désigné n'était pas compétent pour connaître de la requête dès lors que la demande de titre de séjour présentée par Mme F... en 2020 n'était pas concomitante au rejet de sa demande d'asile intervenu en 2016 ; il revenait donc à la formation collégiale, compétente en application du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur cette demande ;
- au fond, le magistrat désigné ne pouvait juger que la requérante remplissait les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ; les certificats médicaux produits par l'intéressée n'étaient pas assez circonstanciés pour permettre d'estimer que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il n'était pas non plus établi que la requérante aurait été dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, Mme F... épouse C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Mme F... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... F... épouse C... est une ressortissante congolaise née le 8 février 1988 qui est entrée en France en juillet 2013 selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejetée par une décision du 20 mai 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 mai 2016. Mme F... épouse C... a cependant obtenu, le 20 septembre 2016, un titre de séjour d'un an en raison de son état de santé. Sa demande de renouvellement de ce titre a été rejetée par le préfet du Lot qui a pris un arrêté en ce sens le 8 janvier 2018, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi, et dont la légalité a été, en définitive, confirmée par la cour d'administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n° 18BX03977 du 23 mai 2019. Une nouvelle demande de titre de séjour pour raison de santé a été présentée par Mme F... épouse C... le 25 février 2020 mais elle a été rejetée par un arrêté du préfet du Lot du 25 juin 2020, lequel comporte également une obligation de quitter le territoire français dans un délai de six mois et la désignation du pays de renvoi. A la demande de Mme F... épouse C..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 juin 2020 et prescrit au préfet du Lot de délivrer à cette dernière un titre de séjour par un jugement du 14 septembre 2020. Le préfet du Lot relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Dans son avis du 4 juin 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme F... épouse C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En conséquence, le collège de médecins ne s'est pas interrogé sur l'accès effectif à un traitement approprié à sa pathologie dont Mme F... épouse C... pourrait bénéficier dans son pays d'origine.
5. Selon un certificat médical du 9 septembre 2019, Mme F... épouse C... souffre d'hypertension, de céphalées et d'un syndrome d'apnée du sommeil nécessitant un appareillage. Un autre certificat médical du 11 septembre 2019 indique que l'intéressée est suivie au centre anti-douleur de l'hôpital de Cahors pour des douleurs chroniques invalidantes et réfractaires " mettant en jeu son pronostic fonctionnel, son état clinique global et justifiant une prise en charge médicale importante avec appareillage, indispensable pour écarter tout risque notable d'aggravation avec engagement du pronostic vital ". Toutefois, ces certificats et notamment celui du 11 septembre 2019, ne sont pas suffisants pour considérer que l'absence de prise en charge médicale de la requérante exposerait celle-ci à des conséquences d'une exceptionnelle gravité contrairement à ce qu'a estimé le préfet, sur la base de l'avis collégial des médecins de l'OFII.
6. Dans ces conditions, c'est à tort que le magistrat désigné a estimé que le Congo n'étant pas équipé de dispositifs respiratoires pour la prise en charge de l'apnée du sommeil, Mme F... épouse C... ne pourrait bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Au demeurant, il ne peut être déduit de la teneur des certificats médicaux produits au dossier que le Congo serait dépourvu des appareils nécessaires au traitement des syndromes de l'apnée du sommeil, contrairement à ce qu'a estimé le préfet.
7. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de première instance soulevés par Mme F... épouse C... à l'encontre de l'arrêté en litige.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté en litige :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F... épouse C... a été privée de la possibilité, pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire état des éléments pertinents quant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le contenu de la décision se prononçant sur cette demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Depuis qu'elle est entrée en France en juillet 2013, selon ses déclarations, Mme F... épouse C... y a séjourné comme demandeur d'asile jusqu'au rejet définitif de sa demande par la CNDA le 6 mai 2016 puis en raison de son état de santé à la suite d'un titre de séjour d'un an délivré le 20 septembre 2016. Par eux-mêmes, ces titres de séjour, en raison de leur objet, ne lui conféraient pas un droit à se maintenir sur le territoire français. Mme F... épouse C... se prévaut, par ailleurs, de la relation qu'elle a nouée avec un ressortissant français qui a attesté vivre maritalement avec elle depuis le 11 décembre 2018. Cette relation était toutefois récente à la date de l'arrêté en litige et la requérante ne produit aucun autre élément permettant d'établir qu'elle aurait tissé en France des liens privés et familiaux présentant un caractère ancien, intense et stable alors même qu'elle y a exercé une activité salariée pendant plusieurs mois. Enfin, entrée en France à l'âge de 25 ans, Mme F... épouse C... a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où vivent ses parents et son fils mineur. Dans ces conditions, le préfet du Lot n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations et dispositions précitées.
11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les blessures que Mme F... épouse C... a reçues au Congo auraient été causées par des militaires alors que, au demeurant, tant l'OFPRA que la CNDA ont estimé qu'elle ne pouvait être admise au séjour en France au titre de l'asile. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste en estimant que cette dernière ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires lui permettant de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.
13. En cinquième lieu, les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obligent le préfet à saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme F... épouse C... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour et le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités alléguées, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
16. En premier lieu, le préfet a relevé que Mme F... épouse C... n'a pas établi la réalité des évènements et menaces dont elle aurait fait l'objet dans son pays d'origine et donc le bien-fondé de ses craintes si elle devait y retourner. Il a précisé que l'intéressée n'a produit aucun nouvel élément de nature à faire regarder sa vie comme menacée au Congo, de sorte que la décision prise ne méconnait pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé sa décision.
17. En second lieu, il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que la décision contestée n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision n'a pas, non plus, porté une atteinte disproportionnée aux droits que l'intéressée tient de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet du Lot est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 juin 2020 et lui a prescrit de délivrer un titre de séjour à Mme F... épouse C.... Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance et d'appel, y compris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par Mme F... épouse C... doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°2003669 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 14 septembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel présentées par Mme F... épouse C... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... F... épouse C... et à Me E....
Copie pour information en sera délivrée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. D... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03353 4