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04/02/2021 | FRANCE | N°20BX03296

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 février 2021, 20BX03296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2002530 du 18 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet

arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2002530 du 18 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de Mme G... et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'État la somme de 750 euros au bénéfice de Me E... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, et, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée, la même somme au bénéfice de Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 septembre et 15 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 août 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu collégialement de sorte que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a retenu un vice de procédure entachant l'arrêté litigieux ;

- il n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2020, Mme G..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de solliciter du préfet et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la communication de la preuve de la collégialité de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des extraits Thémis de l'instruction de son dossier, des documents médicaux et des extraits de la base de données accessible uniquement au collège national des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui ont fondé l'avis selon lequel elle peut bénéficier effectivement des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine et tout document médical sur lequel le collège s'est fondé pour rendre son avis ;

2°) de rejeter la requête du préfet ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et de lui remettre, sous la même astreinte et dans le délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à elle-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si la demande d'aide juridictionnelle est rejetée.

Elle soutient que :

- l'arrêté est signé par une autorité incompétente, faute de publication de l'arrêté de délégation de signature du 2 avril 2020 ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les signatures des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont irrégulières ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante algérienne née le 18 mars 1956, est entrée en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 6 août 2017 au 1er février 2018. Elle a sollicité, le 12 février 2018, son admission au bénéfice de l'asile. Sa demande a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2018. Elle a alors sollicité, le 29 janvier 2019, son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 18 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme G... et a mis à la charge de l'État la somme de 750 euros au bénéfice de Me E..., avocate de Mme G....

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. En vertu des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Les articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables pour la mise en oeuvre de ces stipulations, précisent les conditions dans lesquelles est émis l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

3. Pour annuler l'arrêté du 20 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a considéré que le préfet ne justifiait pas que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, préalable à la décision de refus de séjour, avait été rendu à l'issue d'une délibération collégiale.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 mai 2019 concernant la situation de Mme G... porte la mention, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège. La circonstance que ces trois médecins exercent dans des villes différentes ne sauraient permettre de tenir pour établi que l'avis n'aurait pas été rendu collégialement dès lors que la règlementation en vigueur précise que la délibération du collège de médecins peut prendre la forme d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Par ailleurs, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas une autorité administrative au sens de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relatives aux échanges entre les usagers et les autorités administratives et entre autorités administratives, la circonstance, à la supposer établie, que le procédé ayant permis aux trois médecins d'apposer leurs signatures électroniques sur l'avis ne serait pas conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné à l'article 9 de cette ordonnance ne permet pas de considérer que ces signatures électroniques seraient irrégulières. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de mettre en oeuvre les mesures d'instruction sollicitées, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé que l'avis du collège de médecins n'avait pas été rendu à l'issue d'une délibération collégiale, en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a annulé pour ce motif l'arrêté litigieux.

Sur les autres moyens invoqués par Mme G... :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

5. Par un arrêté du 2 avril 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions prévues aux articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision litigieuse doit être écarté alors même que le recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 n'est pas mentionné sur le site internet de la préfecture.

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence algérien :

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 27 mai 2019, que si l'état de santé de Mme G... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Les attestations médicales produites par Mme G..., si elles justifient de son état de santé, ne sont pas de nature à infirmer l'avis collégial rendu sur son accès effectif à des soins appropriés en Algérie. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien citées au point 2 ci-dessus.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien doit être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 6 ci-dessus, le préfet n'a pas, en obligeant Mme G... à quitter le territoire français, méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 20 mai 2020, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme G... et a mis à la charge de l'État la somme de 750 euros au bénéfice de Me E..., avocate de Mme G.... Les conclusions présentées par Mme G... aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi qu'en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées par voie d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G..., au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03296
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-04;20bx03296 ?
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