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04/02/2021 | FRANCE | N°20BX02785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 février 2021, 20BX02785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 25 octobre 2017 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé le bénéfice du regroupement familial à la soeur de son épouse.

Par un jugement n° 1800415 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du

tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Gir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 25 octobre 2017 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé le bénéfice du regroupement familial à la soeur de son épouse.

Par un jugement n° 1800415 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Gironde du 25 octobre 2017 rejetant sa demande de regroupement familial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplit les conditions matérielles et financières requises par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de son caractère tardif ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 9 juillet 1977, de nationalité marocaine, s'est marié le 7 mai 2009 au Maroc avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident et est entré en France le 15 mars 2011 à l'issue d'une procédure de regroupement familial. Une carte de résident lui a été délivrée, valable du 15 mars 2011 au 14 mars 2021. Le 26 août 2016, M. C... a déposé une demande de regroupement familial en faveur de la soeur de son épouse, née en 1999, dont la charge lui avait été confiée en 2011 par un acte de " kafala ". Par une décision du 16 juin 2017, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, ce rejet ayant été réitéré le 25 octobre 2017 à la suite d'un recours gracieux formé par M. C.... Ce dernier relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2017.

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. C..., le préfet s'est fondé, dans sa décision du 16 juin 2017, d'une part, sur l'absence de justification, sur la période de douze mois précédant la demande, de ressources au moins équivalentes à la moyenne du salaire minimum de croissance pour une famille composée de plus de trois personnes et, d'autre part, sur le fait que l'enfant pour lequel le regroupement familial était demandé n'avait pas une filiation légalement établie au sens de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11 (...) ". L'article L. 314-11 du même code précise : " L'enfant visé aux 2°, 8° et 9° du présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Il est constant que la soeur de l'épouse de M. C... ne relève pas des catégories d'enfants visés à l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvant bénéficier du regroupement familial. Si l'appelant fait valoir que, depuis le décès de sa mère en 2009, sa belle-soeur réside au Maroc avec son père qui serait dans l'incapacité de s'en occuper, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C... et sa famille auraient noué des liens d'une intensité particulière avec la jeune fille confiée à l'appelant par acte de " kafala " depuis 2011. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision refusant d'accorder à M. C... le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de sa belle-soeur ne peut être regardée comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de la jeune fille confiée à M. C... ni comme ayant porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus. Par suite, cette décision n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 31 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans (...) ". L'article R. 411-4 du même code dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, sur la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, les ressources du couple s'élevaient à 13 357 euros, soit une moyenne mensuelle de 1 113 euros, montant inférieur au revenu minimum exigé par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que c'est à bon droit que le préfet de la Gironde a estimé que l'intéressé ne remplissait pas la condition prévue au 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

Le rapporteur,

D...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02785 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02785
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-04;20bx02785 ?
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