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04/02/2021 | FRANCE | N°20BX02091

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 février 2021, 20BX02091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 avril 2020 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ainsi que l'arrêté du 16 mai 2020 par lequel il a été assigné à résidence.

Par une ordonnance n° 2001246 du 2 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2

020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 avril 2020 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ainsi que l'arrêté du 16 mai 2020 par lequel il a été assigné à résidence.

Par une ordonnance n° 2001246 du 2 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 2 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2020 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ainsi que l'arrêté du 16 mai 2020 par lequel il a été assigné à résidence.

3°) subsidiairement, d'annuler l'arrêté du 16 mai 2020 en tant qu'il fixe une obligation de présence de 10h à 16h au domicile ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers n'était pas tardive en application de la prorogation des délais prévue par l'article 9 de l'ordonnance du 15 avril 2020 dès lors qu'elle a été enregistrée le 28 mai 2020, soit antérieurement à la fin de l'état d'urgence sanitaire fixée au 10 juillet 2020 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- l'existence d'une menace réelle, actuelle et grave pour l'ordre public n'est pas établie ;

- sa famille réside en Angola et non au Congo ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- il n'entre dans aucune catégorie d'étrangers pouvant faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence alors que cette mesure n'est pas nécessaire en vue de son départ ; il n'existe pas de perspective raisonnable d'un départ dans le délai de 90 jours ;

- le délai de 90 jours est illégal ;

- l'obligation de présence quotidienne au domicile de 10h à 16h est entachée d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande dirigée contre l'arrêté du 2 avril 2020 est tardive et par suite irrecevable en application de l'ordonnance du 25 mars 2020 telle que modifiée par celle du 13 mai 2020 ;

- les moyens soulevés par M. D... au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 mai 2020 ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... ressortissant congolais né le 26 mai 1962, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2013. Il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le 10 février 2015. Il a ensuite été incarcéré du 27 novembre 2015 au 16 mai 2020 pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans. Par un arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Puis, par un arrêté du 16 mai 2020, la même autorité administrative l'a assigné à résidence. M. D... relève appel de l'ordonnance du 2 juin 2020 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté, pour tardiveté, sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision (...) Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée par l'ordonnance du 13 mai 2020 et applicable au litige : " I.- Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif. II. - Par dérogation au I : 1° Le point de départ du délai des demandes et recours suivants est reporté au 24 mai 2020 : a) Recours prévus à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception de ceux prévus au premier alinéa du III de cet article ; (...) 2° Les délais applicables aux procédures prévues (...) au premier alinéa du III de l'article L. 512-1 (...) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas l'objet d'adaptations. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Vienne du 2 avril 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, auquel était jointe la mention des voies et délais de recours, a été notifié, par voie administrative, à M. D... le 6 avril 2020. Le délai de recours contentieux d'une durée de 48 heures, prescrit par les dispositions citées au point 2 ci-dessus, a commencé à courir, selon les dispositions rappelées au point 3, le 24 mai 2020. Ainsi la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2020 qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 28 mai 2020 était tardive et, par suite, manifestement irrecevable ainsi que l'a retenu le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.

5. En revanche, l'arrêté du 16 mai 2020 par lequel le préfet de la Vienne a assigné M. D... à résidence sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui de l'article L. 561-2 du même code, n'est au nombre ni des décisions entrant dans le champ d'application du II de l'article L. 512-1 de ce code, ni de celles entrant dans le champ d'application du II de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 telle que modifiée par l'ordonnance du 13 mai 2020. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a estimé tardive sa demande dirigée contre l'arrêté du 16 mai 2020 qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 28 mai suivant. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a statué sur cette demande.

6. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2020.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mai 2020 :

7. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (...) L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Lorsque l'étranger est assigné à résidence en application des 5° ou 6° ou au titre d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3 à L. 523-5 ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du 16 mai 2020 mentionne, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'en comprendre les motifs et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit ainsi être écarté.

9. Contrairement à ce que soutient M. D..., il entre dans le champ d'application des dispositions citées ci-dessus dès lors qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. L'assignation à résidence pouvant être prise, selon ces mêmes dispositions, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de cette obligation, M. D... ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'une telle perspective. Par ailleurs, la durée de l'assignation, fixée par le préfet à 90 jours, est inférieure à la durée maximale de six mois renouvelable une fois prévue par les mêmes dispositions. Enfin, M. D..., qui était incarcéré jusqu'au 16 mai 2020 pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, pouvait être regardé comme présentant une menace pour l'ordre public, de sorte que l'obligation qui lui est faite de rester au domicile pendant une période quotidienne allant de 10 heures à 16 heures, soit une durée inférieure à la durée maximale prescrite de 10 heures, n'est pas excessive. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2020.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulée en tant qu'elle rejette la demande de M. D... dirigée contre l'arrêté du préfet de la Vienne du 16 mai 2020.

Article 2 : La demande de M. D... dirigée contre l'arrêté du préfet de la Vienne du 16 mai 2020 présentée devant le tribunal administratif de Poitiers ainsi que le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02091
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-04;20bx02091 ?
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