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19/01/2021 | FRANCE | N°20BX02793

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 janvier 2021, 20BX02793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a signalé dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2003331 du 3

1 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a signalé dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2003331 du 31 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2020, M. A... représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 juillet 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'éloignement sans délai méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle dès lors qu'il réside en France depuis 14 ans, que son épouse réside régulièrement sur le territoire français, qu'il a trois enfants en bas âge et travaille en France ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il est exposé à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Turquie ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans méconnaît l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 21 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... F...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 14 janvier 1980 à Mus (Turquie), est entré irrégulièrement en France en 2006 selon ses déclarations. Il a fait l'objet de mesures d'éloignements le 21 août 2008 et le 15 juillet 2010 et d'un arrêté portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans en date du 28 octobre 2013 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 13 février 2014. Il s'est maintenu irrégulièrement en France. Il relève appel du jugement du 16 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont les demandes d'asile ont été rejetées par la cour nationale du droit d'asile le 7 juillet 2008 et suite à une nouvelle demande, par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 mars 2019, n'a jamais exécuté les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet en 2008, 2010 et 2013 et que sa concubine a fait l'objet d'une mesure identique le 23 décembre 2019. En outre, M. A... a été condamné le 22 janvier 2019, à une peine de deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis par la cour d'appel de Paris pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 et financement d'entreprise terroriste. Par suite, eu égard tant aux conditions de séjour de l'intéressé en France qu'à la gravité des faits pour lesquels il a été pénalement condamné et alors même qu'il vit en France depuis environ 14 ans, a trois enfants en bas âge de 6, 4 et 2 ans nés en France dont deux sont scolarisés et qu'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier qualifié, la mesure d'éloignement litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

5. M. A... fait valoir qu'il craint pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Turquie du fait de son origine kurde et de son implication dans l'activité du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il fait d'abord état, d'une manière générale, de la politique menée par l'Etat turc tant contre les kurdes que contre les membres du PKK mais n'établit pas, ce faisant, qu'il est exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie alors d'ailleurs que ses demandes d'asile basées sur les mêmes craintes ont été rejetées tant par la cour nationale du droit d'asile le 7 juillet 2008 que par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 mars 2019 dans le cadre de la procédure prioritaire. En outre, si le requérant produit, pour la première fois en appel, un mandat d'arrêt délivré par le tribunal correctionnel de Varto pour apologie du terrorisme, ce document comporte toutefois une discordance entre sa date de signature, le 20 septembre 2013, et le numéro de dossier n° 2019/306 qu'il mentionne, et ne présente donc pas de garanties d'authenticité suffisantes de nature à établir la réalité des risques auxquels le requérant serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

6. En premier lieu, faute d'avoir établir l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir par voie d'exception que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait dépourvue de base légale.

7. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte, d'une part, de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1. D'autre part, il en résulte que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

8. Il ressort des pièces du dossier, comme indiqué au point 3 du présent arrêt, que M. A... ne justifie pas de liens privés et familiaux d'une particulière intensité, que le comportement de l'intéressé est de nature à constituer une menace à l'ordre public eu égard à la nature de l'infraction qu'il a commise et qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement. Ainsi, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant une décision portant interdiction de retour sur le territoire français de M. A... pendant une durée de trois ans.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2021.

La présidente

Evelyne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02793
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LASSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-19;20bx02793 ?
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