Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté
du 8 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801982 du 28 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 8 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme totale de 3 000 euros pour la première instance et l'appel, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il appartient au préfet de justifier de la remise d'une notice explicative et d'un modèle de certificat médical, du rapport médical établi et transmis par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), et de l'avis du collège de médecins de l'OFII, dont il n'a jamais eu connaissance ;
- le préfet, qui n'apporte aucune précision sur les traitements qui existeraient en Guinée, s'est estimé lié par l'avis des médecins de l'OFII ;
- dès lors qu'il demandait le renouvellement du titre de séjour délivré en raison de son état de santé et qu'il n'est pas démontré que son traitement serait devenu accessible en Guinée en 2018, la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- " dans les circonstances de l'espèce, notamment de santé ", la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 5 septembre 2019.
Par ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée
au 16 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public,
sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité guinéenne, a déclaré être entré en France le 23 août 2013.
Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides
le 22 octobre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mai 2015. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, valable du 16 décembre 2017 au
17 juin 2018. Par un arrêté du 8 octobre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai
de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 87-2018-09-18-001 du
18 septembre 2018, publié au recueil des actes administratifs n° 87-2018-081 du 20 septembre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a donné délégation à M. Jérôme F..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. F... doit être écarté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Enfin, selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. M. D... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer les réponses apportées par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'absence de remise d'une notice explicative et d'un modèle de certificat médical, et de ce que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
5. Le préfet a établi, par la production d'une attestation de la directrice territoriale de l'OFII, que le rapport médical avait été établi le 30 janvier 2018 par le médecin rapporteur et transmis le même jour au collège de médecins. Il a également justifié de l'existence de l'avis de ce collège du 12 mars 2018, lequel n'avait pas à être communiqué à l'intéressé dans le cadre de l'instruction de sa demande.
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu
de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, le 12 mars 2018, que l'état de santé de M. D... nécessitait
une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences
d'une exceptionnelle gravité. Le requérant avait produit en première instance des certificats médicaux dont il ressortait qu'il était suivi par le service des maladies infectieuses du CHU de Limoges pour une hépatite B chronique diagnostiquée en décembre 2013, nécessitant
une surveillance clinique et biologique régulière, sans qu'aucune précision soit apportée sur les conséquences d'un défaut de surveillance. La mise en place d'un traitement depuis mars 2019, postérieure à la décision du 8 octobre 2018, ne peut être utilement invoquée pour en contester la légalité. La circonstance que le titre de séjour dont le renouvellement a été refusé avait été délivré après un avis des médecins de l'OFII selon lequel un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ne suffit pas à contredire l'appréciation portée par le collège de médecins le 12 mars 2018. Par suite, M. D... n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, si M. D... résidait en France depuis cinq ans à la date de la décision contestée, il ne s'y prévaut d'aucune attache, et la seule circonstance qu'il y bénéficiait d'un suivi médical ne suffit pas à faire regarder le refus de titre de séjour comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.
8. En troisième lieu, le préfet n'est tenu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne pouvait prétendre de plein droit au renouvellement de son titre de séjour. Par suite, le défaut de saisine de cette commission est sans incidence sur la légalité de la décision.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays
de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...). " Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de M. D... pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
11. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Pour le motif exposé au point précédent, l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié en Guinée ne peut caractériser une méconnaissance de ces stipulations.
12. Pour le même motif qu'aux points 10 et 11, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme J... H..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... G..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2021.
La rapporteure,
Anne C...
La présidente,
Catherine H...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03711