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11/01/2021 | FRANCE | N°19BX02245,19BX02393

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 janvier 2021, 19BX02245,19BX02393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 28 décembre 2016 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie.

Par un jugement n° 1700889 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision du 28 décembre 2016 et a enjoint à La Poste de reconnaitre l'imputabilité au service des congés de longue maladie de Mme B....

Procédure devant la cour :
r>I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2019 et le 12 novembre 2020, sous le n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 28 décembre 2016 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie.

Par un jugement n° 1700889 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision du 28 décembre 2016 et a enjoint à La Poste de reconnaitre l'imputabilité au service des congés de longue maladie de Mme B....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2019 et le 12 novembre 2020, sous le numéro 19BX02245, La Poste, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'état de santé de Mme B... est sans lien avec son activité professionnelle ainsi que cela résulte des certificats médicaux qui n'établissent pas de lien entre le syndrome anxio-dépressif de l'agent et le service ;

- la CAA dans son arrêt n°17BX03782 a écarté la discrimination et le harcèlement moral de La Poste sur Mme B... ; le comportement fautif de Mme B... est à l'origine de son préjudice ;

- les conclusions de Mme B... à fin d'injonction n'étaient pas recevables et le surplus du jugement doit être confirmé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2020, Mme F... B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce que les frais d'expertise d'un montant de 960 euros soit mis à la charge de La Poste et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence d'état pathologique antérieur et compte tenu des difficultés professionnelles qu'elle a connues, le lien direct entre sa maladie et le service doit être retenu ;

- elle n'a commis aucune faute détachable du service.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2019 et le 12 novembre 2020, sous le n°19BX02393, La Poste, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'état de santé de Mme B... est sans lien avec son activité professionnelle ainsi que cela résulte des certificats médicaux qui n'établissent pas de lien entre le syndrome anxio-dépressif de l'agent et le service ;

- la CAA dans son arrêt n° 17BX03782 a écarté la discrimination et le harcèlement moral de La Poste sur Mme B... ; le comportement fautif de Mme B... est à l'origine de son préjudice ;

- les conclusions de Mme B... à fin d'injonction n'étaient pas recevables et le surplus du jugement doit être confirmé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2020, Mme F... B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence d'état pathologique antérieur et compte tenu des difficultés professionnelles qu'elle a connues, le lien direct entre sa maladie et le service doit être retenu ;

- elle n'a commis aucune faute détachable du service.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant La Poste, et de Me A..., représentant Mme B....

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 15 décembre 2020, présentée pour Mme B... par le cabinet ARCC.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était chargée, depuis 2008, de la gestion de crise, en qualité de contrôleur opérationnel rattaché à la direction " Risque, Qualité, Sûreté et Environnement " au sein de la direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) Aquitaine Nord de La Poste. A la suite de difficultés relationnelles avec certains collègues ainsi qu'avec sa hiérarchie, elle a été mutée, par une décision du directeur opérationnel territorial courrier Aquitaine Nord de La Poste du 5 décembre 2013, sur un poste de contrôleur de gestion rattaché à la direction financière de la DOTC Aquitaine Nord. Par un arrêt n° 17BX02066 du 18 janvier 2018, la Cour a estimé que cette décision, quand bien même elle avait été prise en considération de la personne, constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. Mme B... a été placée en congés de maladie ordinaire à compter du 15 novembre 2013, puis en congés de longue maladie à compter du 11 novembre 2014. Elle a sollicité, par courrier reçu le 28 octobre 2016, la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie. Sa demande ayant été implicitement rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de la décision implicite de rejet née le 28 décembre 2016 du silence gardé sur sa demande. La Poste relève appel du jugement du 1er avril 2019 par lequel le tribunal a annulé cette décision du 28 décembre 2016 et sollicite son sursis à exécution.

2. Les requêtes numéros 19BX02245 et 19BX02393 présentées par La Poste sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement contesté et l'appel principal :

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) ".

4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

5. Le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de la décision du 28 décembre 2016 au motif que l'état anxio-dépressif dont souffre Mme B... trouvait son origine dans les difficultés et les changements professionnels auxquels elle a été confrontée.

6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient La Poste, que les certificats médicaux produits relatent à partir des déclarations de Mme B..., dans des termes généraux et peu précis quant aux évènements à l'origine de la maladie en cause, un état réactionnel qui serait dû selon l'intéressée à un problème professionnel. Ces certificats ne permettent pas ainsi de démontrer le lien entre la maladie et le service. Les circonstances que Mme B... n'ait pas présenté d'état dépressif antérieur et qu'elle n'entre pas dans un registre délirant ne sauraient davantage suffire à établir le lien direct entre sa maladie et le service. En outre, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté, que l'intéressée qui évoluait depuis plusieurs années dans le même service sans aucune difficulté a soudainement remis en cause la légitimité de sa hiérarchie et a présenté une attitude d'opposition systématique, qui a compromis la bonne marche du service. Ce comportement de Mme B... ne peut être rattaché à un fait ou à des circonstances particulières de service. Aussi, en l'absence de tout élément permettant d'estimer que les faits à l'origine du comportement de Mme B... auraient été favorisés par les conditions d'exercice des fonctions de l'intéressée, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B....

7. Par suite, c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l'affection dont Mme B... souffrait pouvait être regardée comme présentant un lien direct avec un événement survenu dans le cadre du service et a annulé la décision du 28 décembre 2016 de La Poste refusant l'imputabilité au service du congé de longue maladie de l'intéressée. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du 28 décembre 2016 et en tant qu'il a enjoint à La Poste de reconnaitre l'imputabilité au service des congés de longue maladie de Mme B....

8. S'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B..., cette dernière n'a pas invoqué d'autre moyen que celui tiré de l'erreur d'appréciation commise par La Poste en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie.

Sur l'appel incident de Mme B... en ce qui concerne les frais d'expertise :

9. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu de laisser à la charge de Mme B... les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 960 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 21 janvier 2019. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que soit mis à la charge de La Poste les frais d'expertise.

Sur les autres conclusions :

10. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2019, les conclusions de la requête n° 19BX02393 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme que La Poste demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 19BX02393.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1700889 du 1er avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 3 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux et son appel incident sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 19BX02245, 19BX02393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02245,19BX02393
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Congés de longue maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET ARCC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-11;19bx02245.19bx02393 ?
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