Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sabre Le Port a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le préfet de La Réunion a refusé de lui accorder l'agrément prévu par les dispositions de l'article L. 123-11-3 du code de commerce pour exercer une activité de domiciliation d'entreprise au sein de ses locaux situés au 46 bis avenue Commune de Paris sur le territoire de la commune du Port, et d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer cet agrément.
Par un jugement n° 1700032 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2018, la société Sabre Le Port, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2018 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler la décision du préfet de La Réunion du 26 septembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer l'agrément, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ; elle repose sur des suppositions quant à la superficie du local, alors qu'il n'existe pas de norme juridique sur ce point ; elle rappelle les dispositions de l'article L. 123-11-2 du code de commerce relatives à l'usage des locaux, sans toutefois les appliquer au cas d'espèce ; elle n'est pas motivée en droit ;
- elle remplissait les conditions requises pour obtenir l'agrément sollicité ; la condition tenant aux " locaux ayant une consistance réelle " est tirée, non d'un texte légal ou réglementaire, mais d'un fascicule explicatif édité par la préfecture elle-même ; cette condition révèle une confusion entre l'activité de domiciliation et celle de loueur de bureau ; elle justifie proposer aux entreprises une grande salle principale, leur permettant de procéder à tous travaux de reprographie, y compris de communication commerciale, et de relever et consulter leur courrier, et une pièce distincte pour y tenir des réunions ; la pièce spécialement destinée aux réunions et à la conservation des archives des sociétés, dont il est justifié qu'elle est fermée et séparée du reste des locaux, satisfait aux conditions posées par le code de commerce ; sa taille est largement suffisante au regard de la fréquentation et de l'usage, et un tel critère n'est ni pertinent ni même évoqué par un quelconque texte ; contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, cette pièce est située au rez-de-chaussée de l'immeuble ; cette pièce permet d'assurer la confidentialité des échanges ; aucun texte ne prévoit d'exigence en terme de superficie de cette pièce de réunion.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés et s'en rapporte aux écritures produites devant le tribunal par le préfet de La Réunion.
Par une ordonnance du 26 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2020 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente ;
- et les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 26 septembre 2016, implicitement confirmée sur recours gracieux, le préfet de La Réunion a refusé à la société Sabre Le Port l'agrément qu'elle avait sollicité le 28 juillet 2016 pour exercer l'activité de domiciliation d'entreprises. La société Sabre Le Port relève appel du jugement du 5 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision de refus d'agrément en litige, qui cite les articles L. 123-11-2 et L. 123-11-3 du code de commerce relatifs à l'activité de domiciliation d'entreprises, comporte les éléments de droit qui la fondent. Cette décision indique par ailleurs qu'il n'est pas justifié de ce que la pièce que la société souhaite mettre à disposition des entreprises, dont la superficie déclarée de 15 m² est largement surévaluée, permettrait d'assurer la confidentialité des réunions, et est ainsi suffisamment motivée en fait. Ni la circonstance que cette décision rappelle l'interdiction d'exercer une activité de domiciliation d'entreprises dans un local à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel, sans en tirer de conséquence pour la société Sabre Le Port, ni celle qu'elle reposerait sur des motifs erronés en droit, ne sont de nature à affecter la régularité formelle de sa motivation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-11-3 du code de commerce : " I. - Nul ne peut exercer l'activité de domiciliation s'il n'est préalablement agréé par l'autorité administrative, avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. / II. - L'agrément n'est délivré qu'aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes: 1o Justifier la mise à disposition des personnes domiciliées de locaux dotés d'une pièce propre à assurer la confidentialité nécessaire et à permettre une réunion régulière des organes chargés de la direction, de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise ainsi que la tenue, la conservation et la consultation des livres, registres et documents prescrits par les lois et règlements (...) ". Aux termes de l'article R. 123-166-1 du même code : " L'agrément prévu à l'article L. 123-11-3 est délivré par le préfet du département où est situé le siège de l'entreprise de domiciliation (...) ".
5. En vertu des dispositions précitées, il appartient au préfet saisi d'une demande d'agrément de vérifier, notamment, que le demandeur est en mesure de mettre à disposition des entreprises domiciliées une pièce présentant des caractéristiques, notamment en termes de dimension, de nature à permettre à ces entreprises, d'une part, de réunir leurs organes dirigeants dans les conditions de confidentialité requises, d'autre part, de conserver et consulter les livres, registres et documents prescrits par les lois et règlements. Ainsi, en fondant son refus d'agrément sur l'exiguïté de la pièce que la société Sabre Le Port se proposait de mettre à disposition des entreprises domiciliées, le préfet n'a pas ajouté une condition de superficie aux dispositions de l'article L. 123-11-3 du code de commerce mais a seulement estimé que les caractéristiques de cette pièce ne permettaient pas de satisfaire aux conditions prévues par le 1° de cet article. Il n'a dès lors pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
6. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan des locaux, que, contrairement à ce que la société Sabre Le Port a déclaré lors de sa demande d'agrément, la pièce qu'elle souhaite mettre à disposition des entreprises domiciliées au titre du 1° de l'article L. 123-11-3 du code de commerce présente une superficie, non pas de 15 m², mais de l'ordre de 9 m². Il ressort des clichés photographiques produits par la société que si la superficie de cette pièce permet de réunir jusqu'à cinq personnes autour d'une table de réunion, son exiguïté ne permet en revanche ni d'accueillir des réunions des organes dirigeants susceptibles de regrouper un nombre plus important de participants, ni encore d'assurer également la tenue, la conservation et la consultation des livres, registres et documents prescrits par les lois et règlements. Dans ces conditions, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation en refusant, pour ce motif, d'accorder à la société requérante l'agrément sollicité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sabre Le Port n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sabre Le Port est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sabre Le Port et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... D..., présidente,
Mme A... B..., présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
La présidente-assesseure,
Anne B...
La présidente, rapporteur
Catherine D...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03814