Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision
du 14 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de Villefranche-de-Rouergue a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral et de condamner cet établissement à lui verser les sommes de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et de 20 000 euros au titre de son préjudice financier et de carrière.
Par un jugement n° 1504781 du 6 juin 2018, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 30 juillet 2018 et des mémoires enregistrés
les 23 novembre 2018 et 26 décembre 2019, M. E..., représenté par Me G..., demande
à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue
du 14 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au CH de Villefranche-de-Rouergue de lui accorder la protection fonctionnelle et de prendre en charge, à ce titre, l'intégralité des frais de procédure qui s'élèvent à 13 076,85 euros au 27 décembre 2019 ;
4°) de condamner le CH de Villefranche-de-Rouergue à lui verser les sommes
de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et de santé et de 10 000 euros au titre de son préjudice financier et de carrière ;
5°) de mettre à la charge du CH de Villefranche-de-Rouergue une somme
de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré du manquement du CH à son obligation de prévention et de protection ;
- le tribunal a également manqué à son obligation de motivation et renversé la charge de la preuve en jugeant que l'absence de réponse à ses alertes ne constituaient pas un harcèlement moral ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le harcèlement moral n'était pas caractérisé ;
En ce qui concerne la légalité de la décision du 14 août 2015 :
- le CH de Villefranche-de-Rouergue était tenu de lui accorder la protection fonctionnelle du seul fait qu'il était partie civile dans une instruction ouverte par le Parquet dès lors que le directeur, mis en cause, s'est attribué cette protection ;
- les agissements répétés de refus de prise en considération de ses alertes, de mépris affiché à l'encontre des autres médecins et de lui-même, les critiques, menaces et insultes
de M. A..., les agressions qu'il a subies de Mme A..., les mesures injustifiées dont il a fait l'objet et ses alertes non suivies d'effet ont dégradé ses conditions de travail et généré une atteinte grave à sa santé et à sa dignité ; dès lors que ces éléments sont de nature à faire présumer du harcèlement moral, la décision du 14 août 2015 doit être annulée pour erreur d'appréciation ; la circonstance que le juge pénal n'a pas retenu le délit de harcèlement moral est sans incidence sur son droit à la protection fonctionnelle ;
- dès lors qu'il ne peut être dérogé à l'obligation de protection fonctionnelle que pour
un motif d'intérêt général ou en cas de faute personnelle incombant à l'agent, la décision
est entachée d'erreur de droit et engage la responsabilité pour faute de l'établissement ;
- le CH a également manqué à son obligation de sécurité en laissant se mettre en place " une politique d'immobilisme et des pratiques insidieuses répétées caractéristiques
d'un harcèlement moral ", ce qui a fortement dégradé ses conditions de travail, l'empêchant d'exécuter correctement ses missions ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été prise par l'auteur des agissements dénoncés ;
- la responsabilité pour faute du CH de Villefranche-de-Rouergue est engagée du fait de l'illégalité de la décision du 14 août 2015, du harcèlement moral dont il a été victime et de la violation de l'obligation de sécurité physique et mentale ; le CH a commis une faute en ne saisissant pas le CHSCT ;
En ce qui concerne les préjudices :
- les agissements répétés de harcèlement moral lui ont causé un préjudice moral
dont il sollicite l'indemnisation à hauteur de 15 000 euros ;
- compte tenu de l'indemnisation accordée par l'arrêt n° 16BX03077 du
15 novembre 2018, il ramène à 10 000 euros l'indemnité sollicitée au titre de son préjudice de carrière ;
- il est fondé à solliciter la condamnation du CH de Villefranche-de-Rouergue
à lui rembourser les frais exposés au titre de l'information judiciaire et de la phase administrative préalable.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2019, le CH de Villefranche-de-Rouergue, représenté par le cabinet Alexandre Lévy, Kahn, Braun et associés, conclut au rejet
de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'appel de M. E... est irrecevable dès lors que la requête sommaire, insuffisamment motivée, n'a pas été complétée par un mémoire ampliatif dans les deux mois suivant son introduction ;
A titre subsidiaire :
- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement ne sont pas fondés ;
- le courrier du 14 août 2015 ne constituait pas une décision faisant grief, de sorte que les conclusions tendant à son annulation étaient irrecevables ;
- la demande était mal dirigée dès lors que seul le centre national de gestion est susceptible d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à un praticien hospitalier ;
- les agissements de harcèlement moral allégués ne sont pas établis.
Par ordonnance du 9 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2020 et prorogée jusqu'au 23 septembre 2020 en vertu des dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Un mémoire présenté pour le CH de Villefranche-de-Rouergue a été enregistré
le 20 octobre 2020.
Par lettre du 2 décembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'incompétence du directeur du centre hospitalier pour statuer sur une demande de protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement moral qui lui sont attribués (CE 29 juin 2020 n° 423996, A).
Des observations ont été présentées par le CH de Villefranche-de-Rouergue
et par M. E... respectivement les 8 et 9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 mai 2014, M. E..., gynécologue-obstétricien, exerçant en qualité de praticien hospitalier au CH de Villefranche-de-Rouergue depuis 1998, a déposé une plainte pénale
pour harcèlement moral à l'encontre de M. A..., directeur de cet établissement. Par lettre reçue
le 19 juin 2015, il a saisi ce dernier d'une demande de protection fonctionnelle et de réparation des préjudices qu'il imputait aux faits de harcèlement moral invoqués, laquelle a été rejetée
par une décision du 14 août 2015 au motif que la matérialité des faits invoqués n'était pas établie. M. E... relève appel du jugement du 6 juin 2018 par lequel le tribunal administratif
de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral qu'il invoque. La procédure pénale engagée pour le même motif par M. E... et quatre autres praticiens hospitaliers a donné lieu à une longue instruction, au cours de laquelle 65 témoins ont été entendus. L'ordonnance de non-lieu rendue le 9 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Rodez a été confirmée
le 6 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable devant la cour administrative d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "
3. Dans sa requête sommaire, M. E... a présenté des conclusions, invoqué l'irrégularité du jugement, exposé succinctement la nature du harcèlement moral dont
il s'estimait victime, fait valoir que les premiers juges avaient estimé à tort qu'il n'apportait
pas la preuve de ce harcèlement alors qu'il était partie civile dans le cadre d'une instruction pénale, et s'est prévalu des dispositions relatives au harcèlement moral de l'article 6 quinquiès
de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Cette motivation est suffisante au regard des dispositions précitées. Par suite, la fin de non-recevoir tirée d'une tardiveté de la régularisation de la requête sommaire par un mémoire ampliatif doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
4. Contrairement à ce qu'affirme M. E..., le jugement répond au point 15 à son moyen tiré de la méconnaissance par le CH de Villefranche-de-Rouergue de son obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des agents, et écarte avec une précision suffisante, au point 12, son moyen tiré de ce que ses alertes n'auraient été suivies d'aucun effet, en faisant référence aux différents courriers qu'il a produits et en relevant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de réponse permette d'établir un harcèlement moral. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient renversé la charge de la preuve et auraient estimé à tort que le harcèlement moral n'était pas caractérisé ne relèvent pas de la régularité, mais du bien-fondé du jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Si le courrier du directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue du 14 août 2015 se conclut par " je ne peux à ce stade statuer valablement sur votre demande, l'ensemble des éléments matériels de nature à établir le bien-fondé de vos allégations n'étant pas rapportés ",
il n'a pas un caractère simplement informatif, mais constitue une décision de rejet de la demande de M. E... dès lors qu'il lui oppose l'absence de preuve des " prétendus faits de harcèlement moral " dont il s'estime victime. Par suite, M. E... était recevable à en demander l'annulation.
6. En faisant valoir que la demande de protection fonctionnelle aurait dû être adressée au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction, le CH de Villefranche-de-Rouergue ne met pas en cause la recevabilité de la demande de première instance, mais la légalité de la décision contestée au regard de la compétence de son auteur.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Le principe d'impartialité, rappelé par l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'impose à toute autorité administrative dans toute l'étendue de son action, y compris dans l'exercice du pouvoir hiérarchique.
8. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Si la protection résultant de ce principe n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.
9. Il résulte de l'ensemble des dispositions qui gouvernent les relations entre les agences régionales de santé et les établissements de santé, notamment de celles de l'article L. 6143-7-1 du code de la santé publique qui donnent compétence au directeur général de l'agence régionale de santé pour mettre en oeuvre la protection fonctionnelle au bénéfice des personnels de direction des établissements de santé de son ressort, que lorsque le directeur d'un établissement public de santé, à qui il appartient en principe de se prononcer sur les demandes de protection fonctionnelle émanant des agents de son établissement, se trouve, pour le motif indiqué au point précédent, en situation de ne pouvoir se prononcer sur une demande sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d'impartialité, il lui appartient de transmettre la demande au directeur général de l'agence régionale de santé dont relève son établissement, pour que ce dernier y statue.
10. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande de protection fonctionnelle présentée par M. E... avait pour objet des faits de harcèlement moral attribués au directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue, ce dernier ne pouvait régulièrement statuer sur cette demande. Par suite, la décision du 14 août 2015 est entachée d'incompétence. C'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit aux conclusions à fin d'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Eu égard au motif d'annulation retenu au point précédent, les conclusions tendant
à ce qu'il soit enjoint au CH de Villefranche-de-Rouergue d'accorder la protection fonctionnelle à M. E... doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe
à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
13. En premier lieu, la circonstance que M. E... avait déposé une plainte pénale
à l'encontre de M. A... ne suffisait pas à faire présumer l'existence du harcèlement moral reproché à ce dernier. Par suite, le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir de la protection fonctionnelle accordée à l'agent mis en cause par sa plainte, dont la situation n'était
pas comparable à la sienne, n'est pas fondé à soutenir cette plainte lui aurait ouvert un droit
à la protection fonctionnelle.
14. En deuxième lieu, M. E... fait valoir qu'il n'aurait pas obtenu de réponse ni à ses demandes de moyens supplémentaires dès son arrivée au CH de Villefranche-de-Rouergue en 1998 " afin de garantir une sécurité optimale aux patients ", ni à ses sollicitations relatives au recrutement d'un psychologue et d'une sage-femme conformément aux dispositions des articles D. 6124-46 et D. 6142-44 du code de la santé publique, et que ses alertes relatives à des détournements de fonds et à la détérioration de l'état de santé mentale d'une " surveillante à la maternité condamnée pour l'assassinat de son mari " n'auraient pas été prises en considération. Ces allégations, qui ne reposent sur la production d'aucune pièce, ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. L'absence de réponse à une lettre
du 15 janvier 2010 par laquelle cinq médecins du CH de Villefranche-de-Rouergue, dont
M. E..., demandaient aux autorités de tutelle des créations de postes au bénéfice de la maternité de l'hôpital, ne caractérise aucun agissement du directeur de l'établissement hospitalier à l'encontre du requérant. Les productions du compte-rendu sobre et factuel d'un entretien
du 10 juin 2013 de M. A... avec M. E..., ainsi que des réactions de ce dernier, d'une part, par un courrier du 10 juillet 2013 au directeur, l'accusant de " méthodes " et de " sous-entendus " constitutifs de harcèlement moral, et d'autre part, par la saisine le même jour de la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS), ne mettent pas en évidence un quelconque comportement hostile de M. A..., mais seulement un vif ressentiment de M. E... à son égard.
15. En troisième lieu, les paroles blessantes prêtées à M. A... par M. E... relèvent des seules déclarations de ce dernier ou de celles des autres médecins ayant déposé plainte pour harcèlement moral, lesquels avaient manifesté publiquement une vive animosité à l'égard du directeur, qui était soutenu par de nombreux autres médecins. Le caractère factuel et dépassionné des écrits de M. A... démontre d'ailleurs une attitude constamment courtoise, en contraste avec la vivacité des courriers de M. E... à la direction de l'établissement.
16. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 10 juin 2013, alors que M. E..., qui avait des antécédents de comportement agressif et violent, allait reprendre ses fonctions après avoir fait l'objet d'une mesure de suspension, le directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue a rappelé l'intéressé, en conflit avec sa cheffe de service, à ses obligations statutaires de praticien hospitalier. Quand bien même il aurait, à cette occasion, fait part à M. E... de son intention d'engager des poursuites disciplinaires en cas de manquement, un tel avertissement, destiné à éviter la reproduction d'un comportement perturbant le bon fonctionnement du service, ne saurait être qualifié de " menace ". L'invocation de " menaces de qualifier en abandon de poste des absences autorisées " par le chef de pôle ne repose sur la production d'aucune pièce. A l'appui de ses allégations selon lesquelles la direction aurait sollicité certains de ses confrères pour qu'ils établissent des attestations contre lui,
M. E... produit des témoignages relatifs à des faits concernant son propre comportement violent, dont la matérialité est corroborée par les pièces produites par le CH de Villefranche-de-Rouergue, de sorte que la réalité de ce comportement ne peut être mise en doute.
17. En cinquième lieu, M. E..., qui se prévaut de la qualité de victime d'agressions, produit la plainte qu'il a déposée le 8 février 2013 à l'encontre de sa cheffe de service, le docteur B, à la suite d'une vive altercation qui les avait opposés le 9 novembre 2012, le jugement du tribunal de police de Rodez du 20 juin 2013 condamnant le docteur B à une amende contraventionnelle de 38 euros pour avoir proféré des injures non publiques à son encontre
le 9 novembre 2012, ainsi que la lettre qu'il a adressée le 13 décembre 2012 aux médecins de la maternité du CH de Villefranche-de-Rouergue pour dégager sa responsabilité dans la survenue d'un arrêt de travail du docteur B, en précisant que cette dernière était " liée aux deux individus entourant le directeur et responsables de la mauvaise politique hospitalière actuelle ".
Ces éléments, relatifs à un conflit entre médecins, ne mettent pas en cause un quelconque comportement du directeur de l'hôpital.
18. En sixième lieu, par une décision du 29 janvier 2013, le directeur du CH
de Villefranche-de-Rouergue a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique permettant de prendre une telle mesure conservatoire dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, suspendu M. E... de ses activités cliniques et thérapeutiques à compter du 1er février 2013, en raison d'un comportement violent et d'attitudes menaçantes envers le docteur B et le docteur C, président de la commission médicale d'établissement (CME). Si un arrêt de la cour n° 16BX03077 du 15 novembre 2018 a annulé cette décision au motif que la continuité du service ou la sécurité des patients ne pouvaient être regardés comme compromis de manière grave et imminente à la date du 29 janvier 2013, il a néanmoins souligné que le comportement agressif, violent et menaçant de M. E..., qui avait d'ailleurs persisté après sa réintégration, pouvait éventuellement donner lieu à une procédure disciplinaire. L'intéressé a lui-même admis devant le comité médical, le 30 avril 2013, la réalité des incidents relatés dans son dossier et les difficultés qui en résultaient pour l'institution. Dans ces circonstances, l'illégalité de la mesure de suspension de fonctions ne peut être regardée comme révélant des agissements constitutifs de harcèlement moral.
19. En septième lieu, M. E..., qui ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations, soutient qu'une poursuite ordinale injustifiée aurait été engagée à son encontre par Mme B... à l'instigation de la direction du centre hospitalier, laquelle aurait laissé se développer une situation anxiogène en s'abstenant de l'informer de ce que Mme B... lui reprochait. Toutefois, il ressort des pièces produites en défense que Mme B..., qui avait remplacé M. E... durant sa suspension de fonctions et a été recrutée au service de gynécologie du CH de Villefranche-de-Rouergue à compter de janvier 2013, s'est heurtée un comportement hostile de M. E..., qui l'a engagée à quitter l'établissement dès leur première rencontre et a par la suite constamment mis en cause ses compétences professionnelles devant le personnel et les patientes, qu'elle a tenté vainement d'établir une relation de travail avec M. E..., et qu'elle a enduré de nombreuses vexations avant que la direction de l'établissement, qu'elle avait alertée dès le 17 janvier 2014, ne transmette un signalement à l'ARS le 30 avril 2014. Ces éléments tendent à démontrer que le directeur s'est efforcé de ménager la susceptibilité de M. E..., la situation anxiogène dénoncée par celui-ci ayant été supportée par Mme E.
20. En huitième lieu, à l'exception de la lettre du 16 juin 2015, adressée au directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue par le conseil de M. E... postérieurement à la décision contestée et énumérant les faits qu'il qualifie de harcèlement moral, les " alertes non suivies d'effet " invoquées sont toutes adressées à l'ARS. Celle du 15 janvier 2010 mentionnée au point 14 ne caractérise, ainsi qu'il a été dit, aucun agissement du directeur de l'établissement hospitalier à l'encontre du requérant. Dans sa lettre du 30 mai 2013 à la directrice générale de l'ARS, M. E... présente de façon passionnelle la mesure " abusive, irrespectueuse à [s]on égard et scandaleuse " qu'aurait constituée sa suspension de fonctions, conteste la perspective de suppressions de postes en-dessous de 500 accouchements par an en proposant de réexpliquer " les conditions de bon fonctionnement du service public ", dénonce un " lien particulier " du directeur avec le docteur B, et demande quelles procédures existent pour examiner la " gouvernance " de l'hôpital et la manière de servir de son actuel directeur. Dans leur lettre du 30 septembre 2014, les auteurs de la plainte pénale demandent un entretien à la directrice générale de l'ARS en invoquant l'ambiance délétère dont ils imputent la responsabilité au directeur du centre hospitalier. Ces écrits subjectifs au ton polémique ne peuvent être regardés comme des alertes sur des agissements constitutifs de harcèlement moral ou une souffrance au travail dont le directeur du CH de Villefranche-de-Rouergue aurait dû tenir compte, notamment en saisissant le CHSCT. Le fait qu'aucune suite ne leur a été donnée ne permet pas de caractériser un quelconque manquement à l'obligation de protection de la santé et de la sécurité des agents du service public hospitalier.
21. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le CH de Villefranche-de-Rouergue aurait manqué à son obligation de sécurité en laissant se mettre en place " une politique d'immobilisme et des pratiques insidieuses répétées caractéristiques d'un harcèlement moral " ne peut qu'être écarté pour les motifs exposés au point précédent
22. Il résulte de ce qui précède que les éléments de fait soumis par M. E... ne sont susceptibles ni de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ni de caractériser un manquement du CH de Villefranche-de-Rouergue à son obligation de la protection de la santé et de la sécurité de ses agents. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par les parties doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du directeur du centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue
du 14 août 2015 et le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1504781 du 6 juin 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de cette décision sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue. Une copie en sera adressée pour information à l'agence régionale de santé Nouvelle Aquitaine et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme K... J..., présidente,
Mme D... H..., présidente-assesseure,
Mme F... I..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
La rapporteure,
Anne H...
La présidente,
Catherine J...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03001