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18/12/2020 | FRANCE | N°20BX01778

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 18 décembre 2020, 20BX01778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et l'a interdit de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000571 du 3 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux

ans et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. G....

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et l'a interdit de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000571 du 3 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. G....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2020, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 février 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 janvier 2020 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français ;

2°) d'annuler ces décisions du 31 janvier 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, comme le révèle la mention de la décision attaquée selon laquelle il ne justifierait pas d'une résidence stable et effective en France ;

- la décision d'éloignement est motivée de façon stéréotypée ;

- cette décision est entachée d'erreurs de fait en ce qu'elle retient, d'une part, l'absence d'attaches personnelles et familiales de l'intéressé en France alors qu'y vivent sa compagne, ses deux frères ainsi que leurs enfants et, d'autre part, qu'il ne bénéficie pas d'une résidence stable et effective en France ;

- c'est à tort que le premier juge a retenu que les erreurs de fait qui entachent l'arrêté attaqué sont dépourvues d'incidence ;

- la décision d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant marocain né le 11 mars 1975, est entré en France, selon ses déclarations, en 2017. Il relève appel du jugement du 3 février 2020 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

3. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. G... à quitter le territoire français mentionne notamment qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il n'a jamais déposé aucune demande d'admission au séjour ni demande d'asile afin de régulariser sa présence en France. Elle précise que son arrivée sur le territoire français est récente, qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de son existence, et qu'il est dépourvu d'attaches personnelles et familiales en France puisqu'il est célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, cette décision, qui n'est pas stéréotypée, est suffisamment motivée.

4. Cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Contrairement à ce que soutient M. G..., la circonstance que le préfet ait indiqué qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, reproduisant ce faisant l'une des conditions prévues par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à un ressortissant étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, n'est pas de nature à révéler que le préfet n'aurait pas procédé à un tel examen, alors au demeurant que M. G... a été incapable de donner son adresse y compris devant le juge des libertés et de la détention.

5. M. G... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle retient l'absence d'attaches personnelles et familiales de l'intéressé en France, en soulignant qu'il est célibataire et sans enfant, alors que sa compagne vit sur le territoire national, de même que ses deux frères ainsi que ses neveux et nièces. S'il ressort des pièces du dossier que M. G... a indiqué vivre en concubinage lorsqu'il a été entendu par les services de police à la suite d'un contrôle, et qu'il produit à la cour un courrier d'EDF, postérieur à la décision attaquée et indiquant qu'il est établi sur les seules déclarations des intéressés, attestant de ce qu'il est titulaire, avec la personne de nationalité française qu'il présente comme sa compagne, d'un contrat pour un logement situé 5, rue Paul Estival à Toulouse, ces seuls éléments ne sauraient suffire à établir la réalité de la relation dont il se prévaut, alors qu'il s'était déclaré domicilié à Lavaur à l'adresse de son frère lors de son audition. Par ailleurs, il se déduit de la formulation de la décision d'éloignement litigieuse que le préfet a seulement entendu préciser que M. G... était célibataire et sans enfant à charge. Dans ces conditions, l'erreur de fait alléguée par le requérant ne saurait être regardée comme établie.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que deux frères de M. G..., ainsi que leurs enfants, sont de nationalité française. Toutefois, le requérant ne justifie pas de l'intensité de la relation qu'il entretiendrait avec ces membres de sa famille et avait indiqué lors d'une précédente audition en 2018 qu'il maintenait des contacts avec ses parents et le reste de sa fratrie au Maroc. En outre, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les quelques pièces produites au dossier par M. G... ne sauraient suffire à établir le concubinage avec une ressortissante française dont il se prévaut, lequel serait au demeurant récent puisqu'il se prévalait en 2018 d'un autre concubinage avec une ressortissante marocaine. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent du séjour en France de l'intéressé et quand bien même il exerce une activité professionnelle sans jamais avoir demandé le titre de séjour correspondant, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée cette décision dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".

9. M. G... justifie être propriétaire d'un terrain sur lequel il a été autorisé, par un permis délivré le 20 mars 2018 par le maire de la commune de Lavaur, à construire une maison. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'une telle construction aurait déjà été réalisée à la date de la décision attaquée, ni que M. G... y aurait établi sa résidence stable et effective. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché d'une erreur de fait la décision par laquelle il lui a refusé un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 janvier 2020 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par suite, la requête de M. G... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais exposés pour la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... E..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... D..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.

La rapporteure,

Kolia D...

La présidente,

Catherine E...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01778
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CAZANAVE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-18;20bx01778 ?
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