Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... K... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 14 janvier 2016 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a refusé d'indemniser ses préjudices au titre de la solidarité nationale et de lui enjoindre de lui faire une proposition d'indemnisation.
Par un jugement n° 1600627 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2018 et le 14 février 2019, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision de l'ONIAM du 14 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'ONIAM de lui faire une offre d'indemnisation ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne précise pas le fondement légal permettant à l'ONIAM de refuser de faire une offre d'indemnisation au titre de la solidarité nationale lorsque la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) a émis un avis en ce sens et qu'il a omis de se prononcer sur cette question ;
- l'ONIAM était tenu par la loi de lui faire une offre d'indemnisation compte tenu de l'avis émis en ce sens par la CCI de la région Poitou-Charentes et dès lors que l'existence d'un aléa thérapeutique n'est pas contestée et que la responsabilité des établissements de santé concernés n'est pas engagée ;
- sa demande présente le caractère d'un recours en excès de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2019, l'ONIAM, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de Mme F..., qui s'analyse en un recours en excès de pouvoir contre la décision de l'ONIAM du 14 janvier 2016, est irrecevable dès lors que cette décision ne fait pas grief puisqu'elle n'obère pas la possibilité de la victime d'obtenir une indemnisation devant la juridiction compétente et que le recours prévu par l'article L. 1142-20 du code de la santé publique ne prévoit que la possibilité d'une action en indemnisation, et pas d'un recours en excès de pouvoir contre la décision du directeur de l'Office ;
- l'ONIAM n'est pas lié par l'avis émis par la CCI ;
- à titre subsidiaire, les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies dès lors que les seuils de gravité du préjudice ne sont pas atteints, la CCI ayant retenu à tort des arrêts de travail non imputables à l'accident médical.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... H...,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me J..., représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., suivie depuis plusieurs années pour une connectivite entraînant des douleurs articulaires extrêmement sévères ainsi que des épisodes de douleurs digestives, a subi au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une ponction biopsique hépatique devant permettre d'aider au diagnostic des épisodes de cytolyse hépatique constatés, pouvant évoquer une hépatite auto-immune. A la suite de cette intervention, un scanner a révélé un épanchement biliaire au niveau du hile hépatique qui a nécessité une intervention réalisée le 4 février 2011 au centre hospitalier universitaire de Poitiers et qui a consisté, après constat d'une rétention biliaire par mauvais passage du duodénal, en la pose d'un drain de Kehr, un nettoyage péritonéal complet ainsi qu'un drainage de chaque flanc sortant par les fosses iliaques droite et gauche. Le drain de Kehr a été postérieurement retiré au cours de l'hospitalisation de Mme F....
2. Le 23 décembre 2014, Mme F... a saisi d'une demande d'indemnisation la CCI de la région Poitou-Charentes qui a retenu, par un avis du 10 septembre 2015 émis après la réalisation d'une expertise, qu'il appartenait à l'ONIAM de lui présenter une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois. Par une décision du 14 janvier 2016, l'ONIAM a informé Mme F... qu'il ne lui transmettrait aucune proposition d'indemnisation au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions pour prétendre à une indemnisation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale.
3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort: (...) / 8° (...) sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) ". L'article R. 222-14 du même code fixe ce seuil à la somme de 10 000 euros. L'article R. 222-15 du même code prévoit, dans son premier alinéa, qu'il est déterminé " par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance ".
4. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...)". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1 l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. (...) ".
5. Les litiges nés de proposition d'indemnisation ou de refus de proposition d'indemnisation de l'ONIAM en application des dispositions précitées du code de la santé publique et dont la juridiction administrative est compétente pour connaître, relèvent par nature du plein contentieux indemnitaire. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la demande portée devant eux par Mme F..., alors même qu'elle se présentait comme une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du directeur de l'ONIAM du 14 janvier 2016 refusant de lui faire une offre d'indemnisation, devait être regardée comme un recours de pleine juridiction tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à l'indemniser de ses préjudices.
6. Les actions indemnitaires dont les conclusions n'ont pas donné lieu à une évaluation chiffrée dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, et qui ne peuvent ainsi être regardées comme tendant au versement d'une somme supérieure à 10 000 euros, entrent dans le champ des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Si ces dispositions ne sauraient trouver application quand le requérant, dans sa requête introductive d'instance, a expressément demandé qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer l'étendue de son préjudice, en se réservant de fixer le montant de sa demande au vu du rapport de l'expert, il résulte de l'instruction qu'aucune demande de cette nature n'a été formulée devant le tribunal administratif de Poitiers par Mme F.... Il suit de là que ce jugement attaqué a été rendu en premier et dernier ressort et ne peut que faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de transmettre le dossier de la requête de Mme F... au Conseil d'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête susvisée de Mme F... est transmis au Conseil d'État.
Article 2 : La présent arrêt sera notifié au Président de la section du contentieux du Conseil d'État, à Mme G... K... épouse F... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme L... I..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... H..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.
La rapporteure,
Kolia H...
La présidente,
Catherine I...
Le greffier,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03871