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17/12/2020 | FRANCE | N°20BX03024

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2020, 20BX03024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002267 du 28 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de

la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. D... et a mis à la charge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002267 du 28 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. D... et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au bénéfice de Me C... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2020 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a considéré qu'il avait méconnu les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que, compte-tenu des antécédents judiciaires de M. D..., la présence en France de ce dernier constitue une menace pour l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant roumain né en 1967, serait entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 1989. Il a été reconduit à la frontière en juin 1996 et a fait l'objet de deux mesures d'éloignement en 2015 et 2018 qu'il n'a pas exécutées. Par un arrêté du 12 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne, après avoir estimé que le comportement de M. D... constituait " du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ", l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant trois ans. Par un jugement du 28 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. D... et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 800 euros au bénéfice de Me C... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Toulouse :

2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. /L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification (...) ". Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

3. Pour annuler l'arrêté du 12 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a considéré que les seuls faits tenant à une condamnation pénale pour conduite d'un véhicule en état d'ivresse sans permis et sans assurance n'étaient pas de nature à faire regarder M. D... comme présentant une menace suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société pour justifier l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à six reprises entre l'année 2006 et l'année 2017 pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, le 6 juillet 2016 pour conduite d'un véhicule sans permis, le 3 novembre 2006 pour usage de faux en écriture, le 20 mars 2007 pour vol et le 25 avril 2017 pour blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur commises avec au moins deux circonstances aggravantes. M. D... a de nouveau été condamné par ce tribunal, le 18 décembre 2018, à une peine de six mois d'emprisonnement ferme pour conduite sans permis, circulation avec défaut d'assurance et conduite en état d'ivresse manifeste. Si M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis l'année 1989, il ne produit aucun élément permettant de tenir pour établi qu'il y résiderait de manière continue et régulière depuis cette date. Par ailleurs, il ne justifie d'aucun lien particulier en France et ne peut être regardé comme ayant fait preuve d'une volonté d'intégration. Dans ces conditions, eu égard notamment à la gravité et au caractère répété des agissements de l'intéressé, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 mai 2020.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens invoqués par M. D... :

6. L'arrêté litigieux énonce avec précision les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que M. D... était en mesure de le comprendre et de le contester. Il est, par suite, suffisamment motivé.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'arrêté litigieux, que le préfet a examiné complètement la situation individuelle de M. D.... Ce dernier ne donne pas d'indication probante sur les aspects essentiels de sa situation que le préfet aurait omis à son détriment. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

8. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient donc aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

9. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 7 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D..., aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration des aspects essentiels de sa situation que le préfet aurait omis à son détriment. Dès lors, si l'intéressé n'a pas été de nouveau entendu alors que son incarcération allait prendre fin après une mesure d'éloignement précédente intervenue le 30 septembre 2018 à l'encontre de laquelle il avait exercé un recours contentieux rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 octobre 2018, confirmé par une ordonnance du président de la présente cour du 15 février 2019, cette circonstance ne peut être regardée ni comme ayant eu une influence sur le sens de la décision litigieuse, ni comme ayant fait perdre une garantie à que M. D.... Le moyen tiré d'un vice de procédure doit, par suite, être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 4 ci-dessus, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 12 mai 2020, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. D... et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... et à Me C....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03024
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;20bx03024 ?
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