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17/12/2020 | FRANCE | N°20BX01583

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 20BX01583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904956 du 19 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a admis Mme H... épouse

I..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et a rejeté le surpl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1904956 du 19 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a admis Mme H... épouse I..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2020, Mme H... épouse I..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 27 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dès la notification de celui-ci une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a omis d'examiner le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son argumentation relative à l'interdiction de retour prononcée à son encontre ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en rejetant sa demande de titre au motif de l'irrégularité de sa situation administrative et en exigeant d'elle la mise en oeuvre d'une procédure d'introduction sur le marché de l'emploi, le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui encadrent la possibilité pour une étranger en situation irrégulière de pouvoir bénéficier d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou " salarié " ;

- elle remplit les conditions ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour à titre exceptionnel ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des circonstances humanitaires et exceptionnelles qu'elle invoque et d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme compte tenu de ce qu'elle réside en France depuis plus de huit ans, que ses trois enfants sont scolarisés, que la cadette est née en France, qu'elle travaille régulièrement depuis plus de trois ans et enfin que toute sa famille réside sur le territoire et bénéficie du statut de réfugié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 8 septembre 2020 à 12h00.

Mme H... épouse I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... F..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... épouse I..., née le 20 février 1986 à Erevan (Arménie), se déclarant successivement de nationalité arménienne puis russe, est entrée irrégulièrement en France accompagnée de son époux et de leurs deux enfants mineurs, le 8 septembre 2011 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 novembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 juin 2013. Par des arrêtés en date des 6 août 2013 et 21 mai 2015, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 29 août 2017, le préfet du Tarn a refusé de faire droit à sa demande tendant à son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 3 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ce dernier arrêté en tant qu'il fixe l'Arménie comme pays de renvoi. Le 27 mars 2019, Mme H... épouse I... a présenté une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 27 août 2019, le préfet du Tarn a rejeté cette demande, a obligé Mme H... épouse I... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme H... épouse I... relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 août 2019 :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme H... épouse I..., qui réside en France depuis 2011, est mariée avec un compatriote. Le couple a trois enfants, A..., Arman et Elina, âgés respectivement de 14, 13 et 4 ans, la cadette étant née sur le territoire français le 22 septembre 2014. Les enfants sont scolarisés en France et ne maîtrisent que le français comme langue écrite. Mme H... épouse I... justifie d'emplois familiaux auprès de particuliers et des attestations de tiers témoignent de la bonne intégration de sa famille sur le territoire français. Enfin, les parents de la requérante et sa fratrie résident en France et bénéficient du statut de réfugié. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'arrêté du préfet du Tarn est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de la requérante. Par voie de conséquence, les mesures portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour en France sont privées de base légale.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et d'examiner les autres moyens soulevés par Mme H... épouse I... que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 du préfet du Tarn.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard aux motifs précisés ci-dessus, sur lesquels se fonde l'annulation de l'arrêté attaqué, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré un titre de séjour " vie privée et familiale " à Mme H... épouse I.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Tarn de délivrer ce titre dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. Mme H... épouse I... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de celle-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904956 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 27 août 2019 du préfet du Tarn sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à Mme H... épouse I... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me G... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... H... épouse I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

La présidente

Evelyne C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01583
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;20bx01583 ?
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