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15/12/2020 | FRANCE | N°20BX02265

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 20BX02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence avec obligation de se présenter trois fois par semaine à la gendarmerie du Moule et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une duré

e d'un an.

Par un jugement n° 1900881 du 10 mars 2020, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a assigné à résidence avec obligation de se présenter trois fois par semaine à la gendarmerie du Moule et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900881 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2019, a enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " avec autorisation de travail dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2020 et de surseoir à son exécution.

Il soutient que :

- sa requête est recevable compte tenu de la prolongation des délais prévue par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, en raison de la pandémie de Covid 19 ;

- il sollicite le sursis à exécution du jugement en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- le tribunal ne pouvait annuler son arrêté dans la mesure où il a correctement apprécié la situation de M. F... qui n'établit pas que la décision contestée serait entachée d'illégalité ;

- M. F... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dans la mesure où il n'implique pas la séparation de l'intéressé de ses enfants mineurs, qui ont vocation à être éloignés avec lui, dans le pays dont ils ont la nationalité ;

- l'intéressé ne remplit pas les conditions pour obtenir la délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié au regard des critères de l'article R. 5221-20, 2° à 6° du code du travail ;

- il ne remplit pas non plus les conditions lui permettant d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, M. F..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la circulaire Valls du 28 novembre 2012 invite les préfets à accueillir favorablement les demandes présentées par les parents d'enfants scolarisés depuis au moins trois ans et qui justifient d'une activité professionnelle ;

- le préfet n'a pas examiné sérieusement sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il justifie de sa présence en France depuis plus de dix ans.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en le séparant de sa famille.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle porte atteinte à sa liberté d'aller et de venir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les observations de Me A..., représentant M. F....

Une note en délibéré présentée pour M. F... a été enregistrée le 17 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., né le 17 janvier 1975, de nationalité haïtienne, serait, selon ses déclarations, entré sur le territoire français au cours de l'année 2000. En mai 2013, il a sollicité pour la première fois son admission au séjour en se prévalant des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 juin 2013, que l'intéressé a contesté devant le tribunal administratif de Basse-Terre, la préfète de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Sa demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du 15 juillet 2014. Le 29 août 2018, M. F... a sollicité de nouveau son admission au séjour. Les 7 et 8 août 2019, il a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à la suspension de l'exécution et à l'annulation de l'arrêté en date du 8 juillet 2019 du préfet de la Guadeloupe portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi, l'assignant à résidence avec obligation de se présenter trois fois par semaine à la gendarmerie du Moule et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par une ordonnance n° 1900878 du 27 août 2019, le juge des référés a suspendu l'exécution de l'arrêté jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.

2. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 8 juillet 2019 et l'a enjoint de délivrer à M. F... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et une autorisation de travail. Il demande en outre le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

3. Les conclusions d'appel présentées par le préfet de la Guadeloupe tendant à ce que la cour prononce un sursis à exécution du jugement n° 1900881 du 10 mars 2020 ont été enregistrées sous une requête distincte, qui a donné lieu le 1er octobre 2020 à un arrêt n° 20BX02264. Dès lors, dans la présente instance, il n'y a plus lieu de statuer que sur les conclusions du préfet tendant à l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation de l'arrêté retenu par le tribunal :

4. Pour annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 du préfet de la Guadeloupe, le tribunal a estimé " que le requérant, âgé de 45 ans, et qui établit résider en France depuis 2011, s'est marié au consulat d'Haïti en Guadeloupe le 20 décembre 2012 avec une ressortissante haïtienne. Ils ont eu deux enfants ensemble : Nephtana née le 2 novembre 2013 et Wisdom né le 15 juillet 2015, tous deux scolarisés sur le territoire français. Il produit également des certificats de travail et des bulletins de paie concernant le couple employé chez des particuliers en tant qu'emplois familiaux. Par ailleurs il joint également à sa requête copie de ses avis d'impositions au titre de 2011 à 2018. Ainsi dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard à la bonne insertion du requérant dans la société française et compte tenu également de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux en France, la décision attaquée a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée des buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que si M. F... serait, d'après ses déclarations, entré clandestinement en France au cours de l'année 2000, il n'établit sa présence continue qu'à compter de l'année 2011. Il ressort également des pièces du dossier qu'il n'a sollicité son admission au séjour pour la première fois qu'en mai 2013 et a fait l'objet le 14 juin 2013 d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas respectée, qu'il s'est marié le 20 décembre 2012 avec une compatriote qui a également déjà fait l'objet d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français le 13 mai 2015 qu'elle n'a pas non plus exécutée et fait actuellement l'objet d'une mesure d'éloignement. Si le couple a deux enfants nés aux Abymes en novembre 2013 et en juillet 2015, qui sont scolarisés pour l'année 2020/2021 en cours élémentaire 1ère année et en grande section de maternelle, aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité hors de France. Ainsi rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Haïti, pays dont ils ont la nationalité, et dans lequel il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... serait dépourvu de toutes attaches familiales ou personnelles. Enfin compte tenu de la durée de son séjour, les seules productions d'un certificat de travail en date du 28 décembre 2018 en qualité d'employé familial, à raison de 4 heures par mois depuis le mois de décembre 2017 et des bulletins de salaire correspondant ainsi qu'une attestation en date du 21 novembre 2017 du président de l'association Guadeloupe Mission Service mentionnant que M. F... est musicien au sein de cette association depuis 2005 ne sont pas suffisantes pour témoigner d'une intégration particulière, notamment professionnelle, en France. Dans ces conditions et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son épouse, également en situation irrégulière, aurait vocation à se voir reconnaître un droit au séjour, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté contesté, motif pris de l'atteinte portée au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et la cour.

Sur la légalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire :

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. F... soutient qu'en lui refusant le séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de son insertion au sein de la société française et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se prévalant de sa résidence habituelle et de manière continue sur le territoire français depuis l'année 2000, soit depuis 20 ans, de ce que depuis l'année 2012, il justifie de sa communauté de vie avec son épouse, de nationalité haïtienne, de ce que son épouse a également obtenu une ordonnance de référé qui a suspendu l'obligation de quitter le territoire dont elle faisait l'objet, que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe en France où il est parfaitement inséré et de ce que, du fait de l'activité professionnelle de son épouse depuis plusieurs années et de la scolarisation de leurs enfants depuis plus de trois ans, la mesure d'éloignement aura de graves conséquences pour la cellule familiale. Toutefois, malgré la scolarisation de ses enfants, eu égard aux circonstances exposées au point 5 du présent arrêt, et compte tenu notamment de ce que M. F... a vécu plusieurs années en France sans solliciter la régularisation de sa situation, de ce qu'il a pas respecté une précédente mesure d'éloignement, de ce que son épouse fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de ce qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France, les décisions du préfet de la Guadeloupe portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée, ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation familiale et personnelle de M. F... et, n'ont pas été prises, en tout état de cause, en méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.

10. Selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. F... ne justifie d'un emploi " dans les espaces verts " auprès d'une famille de la Guadeloupe, que depuis décembre 2017 et à raison de 4 heures par mois. S'il justifie avoir créé son entreprise d'entretien d'espaces verts le 26 septembre 2019, cette création est postérieure à l'arrêté en litige. Ainsi il ne justifie pas de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de son activité professionnelle. Ainsi qu'il a été dit, alors que son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire et que ses deux enfants âgés de 7 et 5 ans peuvent poursuivent leur scolarité en Haïti où la cellule familiale peut se reconstituer, l'appelant ne justifie pas de motifs exceptionnels permettant une admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. D'autre part, M. F... n'établit sa présence continue en France qu'à compter de l'année 2011. Dès lors, il n'apporte pas la preuve d'une durée de résidence habituelle en France supérieure à dix ans à la date de la décision contestée. Le préfet n'avait pas, par conséquent, à saisir la commission du titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas examiné son droit à une admission exceptionnelle au séjour et de ce qu'il aurait méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

12. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée impliquerait une séparation des enfants de l'un ou l'autre de leurs parents ni que les enfants du couple ne pourraient poursuivre leur scolarité en Haïti. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté en litige, le préfet n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

14. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence (...). Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée (...). L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (...). L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que, à la date de la décision en litige, M. F... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant, dont le délai de départ volontaire de trente jours est expiré, et que l'éloignement de l'intéressé, qui ne peut quitter immédiatement la France, demeure une perspective raisonnable. Si la mesure d'assignation prévoit que M. F... doit être présent au lieu d'assignation à résidence, qu'il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de sa situation administrative, et qu'il devra se présenter trois fois par semaine, les lundi, mercredi et vendredi à la gendarmerie du Moule, il ressort des pièces du dossier que son domicile est situé dans la commune où il est assigné à résidence. Par ailleurs, M. F..., qui a créé son entreprise spécialisée dans les espaces verts, n'établit pas que son emploi du temps ferait obstacle à ce qu'il puisse satisfaire à cette obligation. Enfin, l'assignation à résidence étant par nature réservée au cas des étrangers présentant des garanties propres à prévenir le risque de fuite et n'étant pas subordonnée à une atteinte à l'ordre public, M. F... ne peut utilement se prévaloir pour faire échec à la mesure prise de ce qu'il présente des garanties et ne trouble pas l'ordre public. Ainsi, au regard des buts en vue desquels la mesure d'assignation a été prise et eu égard aux modalités retenues et à leur durée limitée, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir ou aurait prononcé une mesure de contrôle disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en est de même, dans ces circonstances, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. F....

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 8 juillet 2019 et l'a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900881 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande de M. F... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... F.... Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme D... E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02265
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;20bx02265 ?
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