La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2020 | FRANCE | N°20BX01974

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 20BX01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 200967 du 28 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 31 janvier 2020.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 200967 du 28 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 31 janvier 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du 28 mai 2020.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté en litige au motif qu'il porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants garanti par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le fait que les enfants de Mme C... soient scolarisés et bénéficient d'un suivi psychologique en France n'est pas un motif exceptionnel justifiant une admission au séjour ; il n'est pas établi que les enfants ne pourront bénéficier d'une scolarité et d'un suivi dans le pays d'origine de Mme C... ;

- rien n'établit que son époux et ses deux filles aînées ont bien disparu en Angola comme Mme C... l'allègue ; au contraire, son conjoint a accompli différentes démarches en Angola pour obtenir un visa Schengen ;

- Mme C... ne justifie d'aucune attache particulière en France où sa demande d'asile a été rejetée ; elle ne justifie d'aucune perspective d'insertion particulière ; la cellule familiale pourra être reconstituée en Angola avec son conjoint et ses filles aînées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, Mme D... C..., représentée par Me Amari de Beaufort, conclut au rejet de la requête du préfet et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Mme D... F... B... épouse C... a été admise au bénéfice du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les observations de Me Amari de Beaufort, représentant Mme F... B... épouse C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... F... B... épouse C... est une ressortissante angolaise née le 5 novembre 1991 qui est irrégulièrement entrée en France en février 2016, selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 décembre 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 septembre 2018. Le 23 janvier 2019, Mme C... a déposé en préfecture de Haute-Garonne une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 31 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de Mme C..., a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. A la demande de Mme C... le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 31 janvier 2020 par un jugement du 28 mai 2020 dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. Pour annuler l'arrêté contesté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a relevé que les deux enfants mineurs de Mme C... étaient scolarisés en France et bénéficiaient d'un suivi psychologique et que la disparition en Angola de ses deux filles aînées était établie. Le magistrat désigné a estimé qu'en prenant l'arrêté en litige, le préfet avait porté atteinte à l'intérêt supérieur des deux enfants mineurs de Mme C..., garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Mme C... est mère de deux enfants, B... né en Angola le 24 février 2014 qui est scolarisé en école primaire et Minata née à Toulouse le 10 juin 2016 qui bénéficie d'un accueil au point " multi-accueil " de la mairie. Un courrier rédigé le 23 janvier 2019 par un psychologue du conseil départemental de la Haute-Garonne indique que Mme C... et ses deux enfants bénéficient d'une prise en charge médico-psychologique " dans un contexte de fuite de l'Angola " où une partie de leur famille est restée, pour laquelle ils sont sans nouvelles. Ce courrier précise que l'enfant B... bénéficie de " consultations mère-enfant " et qu'une " expression de symptomatologie infantile en lien avec le vécu familial ainsi qu'une préoccupation quant au devenir maternel nécessitent une prise en charge pour garantir le bon développement de cet enfant ".

5. A eux seuls, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur des enfants dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient bénéficier d'une scolarité en Angola ou d'une prise en charge médico-psychologique équivalente à celle qu'ils reçoivent en France. Au demeurant, ces enfants présentent en raison de leur jeune âge une faculté d'adaptation qui devrait leur permettre de s'habituer à leurs nouvelles conditions de vie en Angola où leur mère a vécu l'essentiel de son existence. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'a estimé le magistrat désigné, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mari et les deux filles aînées de Mme C... auraient disparu en Angola, une telle conclusion ne pouvant être tirée des courriers de la Croix-Rouge versés au dossier dont il résulte seulement que les recherches concernant les intéressés sont en cours. Quand bien même ce serait le cas, rien ne fait obstacle à ce que Mme C... retourne dans son pays d'origine pour y reconstituer une cellule familiale stable avec ses deux plus jeunes enfants sans qu'il soit porté atteinte à leurs droits tels que protégés par les stipulations précitées.

6. Dans ces circonstances, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a jugé que l'arrêté du 31 janvier 2020 en litige avait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui protègent l'intérêt supérieur des enfants.

7. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme C....

Sur les autres moyens de première instance :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a séjourné régulièrement en seule qualité de demandeur d'asile depuis son arrivée en France en février 2016 jusqu'au 24 septembre 2018, date à laquelle sa demande de protection a été définitivement rejetée. Depuis cette date, elle séjourne irrégulièrement sur le territoire français. Accueillie dans un centre d'hébergement, Mme C... ne justifie d'aucune attache privée ou familiale particulièrement stable et intense alors qu'elle a passé l'essentiel de son existence en Angola, son pays d'origine, qu'elle a quitté à l'âge de 24 ans. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que son mari et ses deux filles aînées, restés en Angola, auraient disparu. Alors même que tel serait le cas, aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale composée de Mme C... et de ses deux plus jeunes enfants se reconstitue dans ce pays. Par suite, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

11. Il ne ressort pas des éléments du dossier que Mme C... aurait été victime de violences de la part des autorités angolaises venues arrêter son époux fin 2015, comme elle l'allègue. Si Mme C... souffre de surdité, il n'est pas établi que ce handicap serait le résultat des violences alléguées alors, au demeurant, que l'OFPRA comme la CNDA ont rejeté la demande d'asile de l'intéressée au motif que les faits décrits n'étaient pas établis. Comme il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... et ses enfants ne pourraient bénéficier d'une prise en charge médico-psychologique en Angola ni que l'époux et les deux filles aînées de l'intéressée auraient disparu dans ce pays. Dans ces circonstances, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant de considérations humanitaires lui ouvrant un droit au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement par la requérante.

12. En troisième lieu, il résulte des points 4 à 6 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. Eu égard aux circonstances exposées au point 9 et aux points 4 à 6, les moyens tirés, respectivement, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'atteinte à l'intérêt supérieur des enfants doivent être écartés.

En ce qui concerne le pays de renvoi :

14. En précisant que Mme C... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels, réels et actuels, contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison notamment du rejet de sa demande d'asile, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé et que la demande de première instance présentée par Mme C... ainsi que ses conclusions d'appel, et notamment celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 200967 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel présentées par Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... F... B... épouse C... et à Me Amari de Beaufort. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01974 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01974
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;20bx01974 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award