Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 5 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1900862 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2020, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1900862 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de 20 jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- cette décision méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'a estimé le préfet à la suite de l'avis du collège des médecins, l'absence de prise en charge médicale aura pour lui des conséquences exceptionnellement graves ; il n'existe pas de traitement approprié à sa maladie dans son pays d'origine ainsi que l'attestent les courriers de laboratoires versés au dossier ;
- cette décision porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à la date de la décision attaquée, il vit en France depuis plus de cinq ans et y travaille ; les attestations versées au dossier établissent sa bonne intégration dans la société française ; il connait des problèmes de santé pour lesquels il est suivi en France ;
- pour les mêmes motifs, la décision en litige méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire, que :
- ces décisions sont entachées d'erreur de droit car le préfet a estimé qu'elles devaient être prises automatiquement à raison du refus de titre de séjour ; ce faisant, le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation et a commis une erreur de droit ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A... est un ressortissant guinéen né le 5 février 1981 qui est entré irrégulièrement en France en juillet 2013 selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 janvier 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 août 2016. M. A... a ensuite déposé une demande de titre de séjour pour raison de santé que le préfet de la Haute-Vienne a rejetée par un arrêté du 6 février 2017 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la fixation du pays de renvoi. Cette décision a cependant été annulée, à la demande de M. A..., par un jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Limoges confirmé par un arrêt n°17BX03266 de la cour d'administrative d'appel de Bordeaux du 5 février 2018. En exécution de ces décisions, le préfet a admis M. A... au séjour au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 5 juin 2018, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé puis a déposé, le 18 octobre 2018, une seconde demande de titre fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Vienne a rejeté ces demandes par un arrêté du 5 avril 2019 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. Le préfet a rejeté le 3 juin 2019 le recours gracieux de M. A... tendant au retrait de son arrêté du refus. M. A... relève appel du jugement rendu le 31 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2019 et de la décision rejetant son recours gracieux.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Dans son avis rendu le 4 novembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester cette appréciation, sur la base de laquelle le préfet a estimé que les conditions du 11° de l'article L. 313-11 n'étaient pas remplies, M. A..., qui souffre de troubles dépressifs, de condylômes et de rectorragies, se prévaut de deux certificats médicaux rédigés le 14 mars 2017 et le 17 mai 2019 par un médecin psychiatre du centre hospitalier Esquirol. Toutefois, il ne résulte pas de la teneur de ces certificats, dont le second est au demeurant postérieur à la décision attaquée, que le préfet aurait fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 en estimant, sur la base de l'avis des trois médecins du collège de l'OFII, qu'un défaut de prise en charge médicale n'aurait pas pour M. A... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. De telles conséquences ne sauraient, non plus, être déduites de l'avis favorable émis à la précédente demande de M. A... par le médecin de l'agence régionale de santé le 10 novembre 2016, soit deux ans et demi avant l'arrêté en litige. Dans ces circonstances, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il ne pourrait effectivement accéder dans son pays d'origine à un traitement adapté à sa pathologie qui, au demeurant, n'a pas à être nécessairement identique à celui qu'il reçoit en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Si M. A... a séjourné régulièrement sur le territoire français depuis son entrée en France en juillet 2013, c'est en qualité de demandeur d'asile jusqu'en 2016 puis en raison de son état de santé. Les autorisations de séjour dont il a bénéficié à ces titres ne lui confèrent pas, par elles-mêmes et à raison de leur objet, un droit à demeurer en France sur le fondement des stipulations et dispositions précitées. M. A... fait valoir qu'il a travaillé en France en 2018 et 2019 ainsi que l'attestent les bulletins de salaire produits au dossier et qu'il est bien inséré dans la société française en produisant à cette fin des attestations de bénévolat. Mais il est constant que M. A... est entré en France à l'âge de 32 ans et avait ainsi passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où, en particulier, vivent son épouse et leurs deux enfants âgés de 6 et 14 ans. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le défaut de prise en charge médicale de M. A... en France aurait pour celui-ci des conséquences d'une gravité particulière ni qu'il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement équivalent à celui qu'il reçoit sur le territoire français. Ainsi, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations et dispositions précitées. Dans ces mêmes circonstances, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire :
7. A l'appui de ses moyens tirés de ce que les décisions en litige sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 20BX00003 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. D... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00003 6