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15/12/2020 | FRANCE | N°18BX00079

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 18BX00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté leurs demandes d'autorisation de travaux pour l'installation de constructions pour la pêche à la civelle dans la réserve naturelle nationale des Prés salés d'Arès et de Lège-Cap Ferret.

Par un jugement n° 1601547 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté leurs demandes d'autorisation de travaux pour l'installation de constructions pour la pêche à la civelle dans la réserve naturelle nationale des Prés salés d'Arès et de Lège-Cap Ferret.

Par un jugement n° 1601547 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 janvier 2018, le 24 septembre 2019 et le 21 janvier 2020, M. C... E..., représentés par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 5 février 2016 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire d'accorder à M. E... l'autorisation sollicitée ; à défaut, d'enjoindre au ministre de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les travaux réalisés sur l'ouvrage de pêche dit " pit " ne sont pas illégaux dès lors que ce pit fait partie des emplacements autorisés par arrêté préfectoral du 19 novembre 2007 et qu'il ne savait pas qu'une autorisation préalable était nécessaire ; il a en outre sollicité dès qu'il a été informé qu'une autorisation de travaux était nécessaire, une régularisation de sa situation ;

- les travaux réalisés sur l'ouvrage de pêche n'ont qu'un impact très limité sur l'environnement et précisément sur le canal des étangs ; l'accès par véhicule à l'ouvrage sera très limité en sorte qu'il ne causera aucune nuisance sur la faune environnante ; son activité professionnelle de pêcheur ostréiculteur implique la construction d'ouvrages de pêche, laquelle a un impact économique non négligeable ; son installation est de taille très réduite, utilise des sacs biodégradables et a des effets positifs sur la faune puisque son abri sert de refuge à certaines espèces telles que les loutres, les tortues et le vison d'Europe ;

- par jugement du 2 mai 2019, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Bordeaux des fins de poursuites pénales engagées à son encontre au titre de la construction de cet ouvrage ; l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement quant aux constatations de faits s'impose au juge administratif ; ainsi le juge pénal a constaté, d'une part, l'absence de destruction ou de modification de l'existant ainsi que d'implantation nouvelle, d'autre part, le fait que l'ouvrage de pêche en litige était soumis à un régime de déclaration et non à un régime d'autorisation ;

- l'ouvrage de pêche n'était pas soumis à un régime d'autorisation mais uniquement à un régime de déclaration ; il a d'ailleurs obtenu un arrêté de transfert de déclaration de " pit " le 23 novembre 2015 ;

- de nombreux pêcheurs ont installé leur " pit " à proximité de celui en litige sans que cela ne pose de difficulté à l'administration, ce qui caractérise une rupture d'égalité entre les administrés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2019 et le 28 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.

Il soutient que le jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 2 mai 2019 n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... G...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle réalisé dans la réserve naturelle nationale des Prés salés d'Arès et de Lège-Cap Ferret, l'inspecteur de l'environnement a constaté le 17 mars 2015, l'installation sans autorisation de deux ouvrages de pêche à la civelle, dits " pits ". Le 20 mars 2015, les rapports de manquement administratif ont été adressés à M. D... et M. E..., propriétaires de ces ouvrages. Après mise en demeure, les intéressés ont présenté une demande de régularisation de leurs installations. La commission départementale de la nature, des paysages et des sites, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel d'Aquitaine et la commission des aires protégées du conseil national de la protection de la nature ont émis un avis défavorable respectivement le 24 septembre 2015, le 8 octobre 2015 et le 17 décembre 2015. Par décision du 5 février 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté les demandes d'autorisation de travaux présentées par M. D... et M. E.... Ces derniers ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cette décision. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 février 2016.

Sur la légalité de la décision du 5 février 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement alors applicable : " I. Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. / II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. / (...) IV.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles plusieurs demandes d'autorisation et déclaration relatives à des opérations connexes ou relevant d'une même activité peuvent faire l'objet d'une procédure commune. ".

3. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'environnement alors applicable : " Les territoires classés en réserve naturelle ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou dans leur aspect, sauf autorisation spéciale du conseil régional pour les réserves naturelles régionales, ou du représentant de l'Etat pour les réserves naturelles nationales. (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de cette autorisation, notamment la consultation préalable des organismes compétents. ( ...). ". Aux termes de l'article R. 332-25 du même code : " Lorsque la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ou le conseil scientifique régional du patrimoine naturel a émis un avis défavorable, la décision est prise par le ministre chargé de la protection de la nature après avis du Conseil national de la protection de la nature. ". Il résulte de ces dispositions que notamment les travaux de construction d'un ouvrage artificiel de pêche qui a pour effet de modifier ou de détruire le territoire d'une réserve naturelle sont soumis à un régime d'autorisation spéciale.

En ce qui concerne la nécessité d'une autorisation :

4. En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

5. M. E... soutient que par un jugement du 2 mai 2019, le tribunal correctionnel l'a relaxé des fins de la poursuite dont il faisait l'objet pour les faits de " destruction ou modification sans autorisation de l'Etat ou de l'aspect d'un territoire classé en réserve naturelle ", la réserve des Prés Salés à Arès, et " d'exécution irrégulière de travaux " dans cette réserve et que l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'impose au juge administratif. Toutefois, il est constant que ce jugement n'est pas devenu définitif dès lors qu'il est frappé d'appel. Par suite, M. E... n'est pas fondé à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à ce jugement pénal.

6. M. E... soutient par ailleurs que les pits que l'administration lui reproche d'avoir installés existent depuis longtemps. Toutefois, d'une part, le rapport de manquement du 20 mars 2015 précité constate la réalisation de travaux en 2014 portant sur un nouveau pit, de même que le procès-verbal d'audition dans lequel M. E... admet avoir construit un nouvel ouvrage à un endroit où il n'y avait pas d'ouvrage préexistant. En outre, l'intéressé admet y compris dans ses écritures, avoir été dans l'ignorance de la nécessité d'une autorisation pour ces travaux. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que M. E... a réalisé un ouvrage modifiant un territoire classé en réserve naturelle qui relève des dispositions de l'article L. 332-9 du code précité, distinct de l'ouvrage ayant fait l'objet d'un récépissé de déclaration en date du 20 septembre 2008, délivré en application de l'article L. 214-3 précité du code de l'environnement à son prédécesseur et qui lui a été transféré par les services de la direction départementale des territoires et de la mer le 23 novembre 2015. Par ailleurs, la circonstance que son prédécesseur n'a été assujetti qu'à une déclaration au titre de la loi sur l'eau et non à une autorisation et que M. E... aurait construit son ouvrage au même emplacement est sans incidence sur la nécessité d'une autorisation pour l'ouvrage en litige, différent de l'ouvrage de ce prédécesseur.

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de manquement établi à l'encontre de M. E... que l'édification du pit qu'il a installé a pour effet de modifier l'état ou, à tout le moins, l'aspect du territoire concerné, classé en réserve naturelle, alors même que, comme il le soutient, les travaux entrepris auraient pour effet de rendre l'ouvrage préexistant plus conforme à l'environnement. Les travaux entrepris étaient donc au nombre des travaux visés à l'article L. 332-9 du code de l'environnement.

8. M. E... soutient également qu'un arrêté préfectoral du 19 novembre 2007 autoriserait ces installations. Toutefois ainsi que l'a estimé le tribunal dont il y a lieu d'adopter les motifs pertinents ainsi retenus, " si par arrêté du 19 novembre 2007, le préfet de la région Aquitaine a réservé la pêche de 1a civelle dans le canal des étangs aux pêcheurs professionnels et a limité leur nombre à vingt à raison de deux pits au plus par pêcheur, soit quarante pits au maximum, une telle circonstance ne dispensait pas les requérants, quand bien même ils seraient pêcheurs professionnels, de solliciter l'autorisation préalable prévue à l'article L. 332-9 du code de l'environnement pour l'installation de deux nouveaux pits dans la réserve naturelle nationale des Prés salés d'Ares et de Lège-Cap Ferret ".

9. Si l'appelant se prévaut enfin de la complexité de la règlementation et de son ignorance de cette obligation et fait état des conséquences économiques de la décision contestée, ces circonstances sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la nécessité pour lui d'obtenir l'autorisation spéciale prévue à l'article L. 332-9 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la légalité du refus d'autorisation :

10. Pour rejeter la demande d'autorisation de travaux présentée par M. E..., le préfet s'est fondé sur les motifs tirés de ce que la réserve naturelle est sujette à des enjeux importants de conservation de l'anguille, de ce que les ouvrages sont incompatibles avec les objectifs de gestion de la réserve naturelle, de ce qu'ils favorisent l'érosion des berges et augmentent la pollution par le rejet de matières plastiques et de ce qu'ils ont un impact défavorable sur les habitats naturels et les espèces sauvages à forte sensibilité compte tenu notamment du piétinement, de la circulation et du stationnement des véhicules qu'induisent ces ouvrages.

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis non contestés sur ces points de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, du conseil scientifique régionale du patrimoine naturel d'Aquitaine et de la commission des aires protégées du Conseil national de la protection de la nature, que le pit en litige a un impact paysager significatif sur le site concerné qui était entièrement végétalisé et qu'il est de nature à induire une modification des courants et, par suite, à favoriser une érosion latérale des berges et une érosion du fond du canal des étangs, en contradiction notamment avec l'objectif de renaturation des berges prévu par le plan de gestion de la réserve. Alors même que l'ouvrage est implanté sur un territoire sur lequel l'arrêté préfectoral du 19 novembre 2007 autorise la pêche de la civelle, le ministre a pu légalement, pour ces seuls motifs, rejeter la demande d'autorisation de M. E... et il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces motifs. Par suite, quand bien même M. E... affirme avoir utilisé des matériaux biodégradables et sobres, indique n'avoir prévu qu'un accès par voie maritime à son pit et soutient que l'installation servirait d'abri à certaines espèces protégées, le ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 332-9 du code de l'environnement en lui opposant un refus.

12. Enfin, M. E... soutient que la décision attaquée entraîne une rupture d'égalité entre les administrés car d'autres habitants, également pêcheurs professionnels, occupent des pits situés à proximité sans que cela ne pose difficulté. Toutefois, dès lors que le refus contesté est légal et alors qu'il ne ressort pas du dossier que les autres occupants d'emplacements de pêche se trouvent dans une situation identique à celle de M. E..., quand bien même ils exercent également en tant que pêcheurs professionnels sur le canal des étangs, le moyen tiré de la rupture d'égalité entre administrés doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de la transition écologique. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme F... G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00079
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-03 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP BLAZY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;18bx00079 ?
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