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14/12/2020 | FRANCE | N°20BX01275

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 14 décembre 2020, 20BX01275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1904761 du 22 novembre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme ét

ant tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1904761 du 22 novembre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme étant tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 22 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 8 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jours de retard ou à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

- en l'absence de preuve de notification de la décision, le président du tribunal ne pouvait regarder la requête comme tardive dès lors qu'il n'a jamais reçu la décision contestée.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

- la décision de refus de séjour est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte, d'erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;

- cette décision est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte, et méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte, d'un défaut de motivation et d'examen particulier et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les observations de Me B..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien, a sollicité son admission au séjour à la suite de son mariage le 5 mai 2018 avec une personne de nationalité française. Par une décision du 8 avril 2019 la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. E... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande par une ordonnance du 22 novembre 2019. Il relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) /4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Selon l'article R. 775-2 du code de justice administrative, applicable aux refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable. ".

3. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Dans le cas où le pli, envoyé en recommandé à l'adresse indiquée par le requérant, a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ", la preuve de la notification peut résulter, soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a notifié à M. E... la décision contestée, par pli recommandé le 9 avril 2019. Dans le cadre de l'instance introduite par l'intéressé devant le tribunal administratif de Bordeaux, la préfète a produit la copie d'un avis de réception postal à l'adresse de M. E..., portant une étiquette adhésive indiquant la mention " pli avisé et non réclamé ". L'enveloppe contenant cette notification, qui comportait la même mention " pli avisé et non réclamé " a été renvoyée au bureau du courrier de la préfecture qui l'a réceptionnée le 30 avril 2019. Toutefois, cet avis de réception ne comporte aucune date de présentation du pli, ne permettant pas de s'assurer que celui-ci a été tenu à la disposition de l'intéressé pendant le délai prévu par la règlementation postale. Dès lors, les mentions figurant sur cette pièce ne sont pas suffisamment claires, précises et concordantes pour établir la date à laquelle l'arrêté contesté doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. E.... La requête présentée par l'intéressé n'étant ainsi pas manifestement irrecevable, elle ne pouvait être rejetée par ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précité. Par suite, l'ordonnance du président tribunal administratif de Bordeaux est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme tardive.

6. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette ordonnance et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 8 avril 2019.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 22 novembre 2019 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., au ministre de l'intérieur et au président du tribunal administratif de Bordeaux. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme C... D..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne D...

Le président,

Didier ARTUS

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX01275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01275
Date de la décision : 14/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-14;20bx01275 ?
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