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14/12/2020 | FRANCE | N°18BX02419

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 14 décembre 2020, 18BX02419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement refusé de lui verser l'indemnité d'éloignement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016, ainsi que la décision par laquelle la même autorité a implicitement refusé de lui accorder la majoration de son traitement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en ré

paration des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1500474, 160...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement refusé de lui verser l'indemnité d'éloignement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016, ainsi que la décision par laquelle la même autorité a implicitement refusé de lui accorder la majoration de son traitement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1500474, 1600141, 1600730, 1600731 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Mayotte a seulement condamné l'Etat à payer à M. B... les intérêts moratoires, au taux légal, sur la première fraction de l'indemnité d'éloignement qui lui a été versée au titre de son second séjour à Mayotte, ces intérêts étant dus pour la période du 16 avril 2014, date à laquelle l'intéressé devait percevoir cette indemnité, jusqu'au 4 décembre 2015, date à laquelle le requérant a bénéficié de l'indemnité réclamée et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré le 21 juin 2018 et le 5 novembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 10 avril 2018 ;

2°) d'annuler les décisions par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement refusé de lui verser l'indemnité d'éloignement et la majoration de traitement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité d'éloignement à compter du 17 avril 2016, ainsi que la majoration de traitement à la même date, sommes majorées des intérêts aux taux légal ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du retard dans le versement de l'indemnité d'éloignement et du préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été statué dans le dispositif sur certaines de ses conclusions ; par ailleurs le jugement est insuffisamment motivé notamment sur la méconnaissance de la circulaire du 18 septembre 2014 ;

- la condamnation aux intérêts au taux légal ne compense pas le préjudice subi du fait du retard à lui verser l'indemnité d'éloignement ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il était en droit de prétendre à l'indemnité d'éloignement et à la majoration de traitement à compte du 17 avril 2016 en application de l'article 8 du décret n° 2013-965 et de la circulaire du 18 septembre 2014.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

- le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 ;

- le décret n° 2014-730 du 27 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, a été muté à la maison d'arrêt de Majicavo (Mayotte) à compter du 16 avril 2012. Le séjour de M. B... a été renouvelé à compter du 16 avril 2014 pour une durée de deux ans. Puis M. B... a été affecté dans son poste sans limitation de durée à compter du 17 avril 2016. Il a saisi le tribunal administratif de Mayotte notamment pour demander l'annulation des décisions par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement refusé de lui verser l'indemnité d'éloignement et la majoration de traitement au titre de son séjour à Mayotte à compter de l'année 2016, la condamnation de l'Etat à lui verser les indemnités et majorations de traitement, et a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du retard dans le versement de l'indemnité d'éloignement et du préjudice moral. Il relève appel du jugement de ce tribunal du 10 avril 2018 en tant qu'il a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, M. B... soutient que le dispositif du jugement du tribunal administratif de Mayotte ne statue pas sur la totalité des conclusions de ses requêtes. Cependant, il ressort de la lecture de ce jugement, qu'en indiquant dans son article 4 que " le surplus des conclusions de la requête est rejeté ", le tribunal a entendu, compte tenu des motifs du jugement dont le caractère complet n'est pas contesté, juger que " le surplus des conclusions des requêtes " était rejeté. Par suite, cette erreur matérielle n'a pas entaché le jugement contesté d'irrégularité.

3. En second lieu, M. B... fait valoir que le tribunal a omis d'examiner le moyen selon lequel la décision de refus de lui verser l'indemnité d'éloignement à compter du 17 avril 2016 était contraire à la circulaire du 18 septembre 2014 du ministre de la décentralisation et de la fonction publique relative à la situation des agents originaires de Mayotte et/ou affectés à Mayotte. Toutefois, les énonciations qui y sont contenues ne constituent que des orientations générales ou des lignes directrices, dont les intéressés ne peuvent se prévaloir devant le juge. Dès lors, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à un moyen qui était inopérant.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne l'indemnité d'éloignement :

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement servie aux agents de l'Etat en fonctions outre-mer, dans sa version en vigueur avant l'intervention du décret du 28 octobre 2013 : " Le droit à l'indemnité pour les personnels qui sont affectés sans limitation de durée à Mayotte (...) n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans (...) / Les intéressés n'acquièrent un nouveau droit à l'indemnité pour une nouvelle affectation à Mayotte (...) qu'après une période de services de deux ans au moins accomplie en dehors de toute collectivité ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité. ". L'article 8 du décret du 28 octobre 2013 dispose que : " I. Les dispositions des articles 1er à 6 sont applicables à compter du 1er janvier 2017 aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et aux magistrats dont le centre des intérêts matériels et moraux ne se situe pas à Mayotte. / II. A titre transitoire (...) les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2016 bénéficient de quatre versements annuels au titre de l'indemnité d'éloignement pendant l'année d'installation et pour chacune des trois années suivantes calculés selon les modalités suivantes : / 1° Fraction versée au titre de l'année 2014 : 8,5 mois de traitement indiciaire brut ; / 2° Fraction versée au titre de l'année 2015 : 7,5 mois de traitement indiciaire brut ; / 3° Fraction versée au titre de l'année 2016 : 6 mois de traitement indiciaire brut ; / 4° Fraction versée au titre des années 2017, 2018 et 2019 : 5 mois de traitement indiciaire brut. / III. Les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 conservent, pour les fractions restant dues et non encore échues, le bénéfice de l'indemnité d'éloignement telle que prévue par le décret du 27 novembre 1996 susvisé, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du présent décret (...) ".

5. D'une part, il est constant que M. B..., qui a été affecté à Mayotte en 2012, a bénéficié du versement de l'indemnité d'éloignement à l'occasion de ses deux premiers séjours de deux années à Mayotte, soit pour la période du 16 avril 2012 au 16 avril 2016, épuisant ainsi son droit au versement de l'indemnité en cause, conformément aux dispositions de l'article 4 du décret du 27 novembre 1996. Contrairement à ce qu'il soutient, le prolongement de son séjour administratif à Mayotte, à compter du 17 avril 2016, ne peut être considéré comme une nouvelle affectation ayant ouvert droit au versement de l'indemnité d'éloignement selon le régime transitoire prévu par le II de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013. C'est donc à bon droit que le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui en accorder le bénéfice à compter du 17 avril 2016.

6. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 3, si M. B... se prévaut de la circulaire du 18 septembre 2014 de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, référencée RDFF1421498C et relative à la situation indemnitaire et de congés des agents originaires de Mayotte et/ou affectés à Mayotte, celle-ci se borne à exposer des considérations générales relatives à l'application de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013, qui a défini sans ambiguïté les conditions permettant aux fonctionnaires de l'Etat en fonction à Mayotte de bénéficier à titre transitoire de l'indemnité d'éloignement dont M. B... sollicite le versement. Le moyen tiré de ce que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait méconnu les lignes directrices contenues dans la circulaire en cause, qui ne sont par suite pas invocables devant le juge de l'excès de pouvoir, doit donc être écarté.

En ce qui concerne la majoration de traitement :

7. Aux termes de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013 : " III. - Les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 conservent, pour les fractions restant dues et non encore échues, le bénéfice de l'indemnité d'éloignement telle que prévue par le décret du 27 novembre 1996 susvisé, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du présent décret. L'indemnité est versée, chaque année, selon des fractions d'un montant identique, à la date anniversaire de l'affectation de l'agent. Ils ne bénéficient pas de la majoration de traitement prévue par le décret du 28 octobre 2013 susvisé au titre des années civiles au cours desquelles ces fractions sont versées. ".

8. Ainsi qu'il a été jugé à bon droit par le juge de première instance, il résulte des dispositions précitées que M. B... ne pouvait bénéficier de la majoration de traitement prévue par le décret du 28 octobre 2013 susvisé au titre des années civiles au cours desquelles les fractions de l'indemnité d'éloignement relatives à son second séjour lui ont été versées. Aussi, dès lors qu'il a régulièrement perçu la seconde fraction de son indemnité d'éloignement due au titre de son second séjour le 15 janvier 2016, c'est à bon droit que l'administration lui a versé la majoration de traitement à compter seulement du 1er janvier 2017 et non à compter du 17 avril 2016.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. M. B... fait valoir que s'il a obtenu les intérêts au taux légal sur les fractions d'indemnité d'éloignement qu'il a perçues tardivement, cela ne compense pas son préjudice moral qui doit être évalué à la somme de 11 000 euros. Cependant, il résulte de l'instruction que les sommes en cause ont été versées à l'intéressé avec seulement quelques mois de retard et M. B... n'établit pas avoir subi un préjudice moral non réparé par l'octroi des intérêts moratoires. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Mayotte par son jugement du 10 avril 2018 a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Didier ARTUS Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02419
Date de la décision : 14/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-01-09-06-04 Outre-mer. Droit applicable. Droit applicable aux fonctionnaires servant outre-mer. Rémunération. Indemnité d'éloignement des fonctionnaires servant outre-mer.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-14;18bx02419 ?
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