Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 mai 2017 par lequel le maire de Saint-Just-Luzac a refusé de lui délivrer un permis de construire et la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1701711 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux, a enjoint au maire de Saint-Just-Luzac de réexaminer la demande de permis de construire présentée par Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de la commune le versement à Mme A... d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 janvier 2019, 27 mai 2019 et 13 mars 2020, la commune de Saint-Just-Luzac, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 novembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable, le maire de Saint-Just-Luzac étant habilité à interjeter appel par délibération du conseil municipal du 20 mai 2019 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Poitiers, la circonstance que le secteur où sera implanté le projet est constitué d'une cinquantaine d'habitations regroupées autour de plusieurs voies ne suffit pas à caractériser une zone urbanisée au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le tribunal a jugé à tort que le projet était situé en continuité de l'espace urbanisé ;
- la circonstance que le projet de Mme A... soit de taille modeste ne peut faire obstacle à ce qu'il soit constitutif d'une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors qu'il s'agit de construire un logement qui sera dépourvu de tout lien fonctionnel avec l'habitation existante.
Par deux mémoires, enregistrés les 2 mai et 30 juin 2019, Mme A..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à défaut de production d'une délibération du conseil municipal décidant d'exercer un recours en appel contre le jugement du 29 novembre 2018, l'appel de la commune de Saint-Just-Luzac est irrecevable pour défaut de capacité à ester en justice ; la délibération du 20 mai 2019 n'est pas suffisante pour régulariser l'irrecevabilité de l'appel du maire contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 novembre 2018 ;
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., propriétaire d'un ensemble immobilier cadastré section F n° 431, 806 et 875 situé 16 rue du port de Chiffeu, au lieu-dit Mauzac à Saint-Just-Luzac (17), a déposé une demande de permis de construire un logement d'une surface de plancher de 40 m². Par un arrêté du 12 mai 2017, le maire de Saint-Just-Luzac a refusé de lui délivrer cette autorisation. Mme A... a présenté un recours gracieux le 1er juin 2017. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le refus de permis du 12 mai 2017 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. La commune de Saint-Just-Luzac relève appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ces deux décisions.
Sur la légalité du refus de permis de construire du 12 mai 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un refus de permis de construire en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifiait la solution d'annulation. En outre, dans le cas où il estime qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, les examine. Il lui appartient de les écarter si aucun d'eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs de ces moyens lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
3. Le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 12 mai 2017 par lequel le maire de Saint-Just-Luzac a refusé de délivrer à Mme A... le permis de construire en cause, au motif que le maire ne pouvait s'opposer au projet sur le fondement de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la construction projetée est situé au lieu-dit Mauzac, secteur qui comporte une cinquantaine de maisons d'habitation groupées desservies par plusieurs voies de circulation, la rue des lauriers, la rue des marais et la rue du port de Chiffeu. Ce secteur qui présente un nombre et une densité significatifs de constructions constitue une zone urbanisée au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le terrain d'assiette de la construction projetée d'une surface de plancher de 40 m² sur lequel sont déjà implantés une maison d'habitation et un abri de voiture, jouxte au sud-ouest une parcelle bâtie et est bordé au sud-est par la rue du port de Chiffeu au-delà de laquelle sont implantées des constructions. Contrairement à ce que soutient la commune, la rue du port de Chiffeu ne saurait marquer une rupture d'urbanisation et les circonstances que le terrain s'ouvre au nord-ouest sur un vaste secteur agricole et boisé et que la parcelle située au nord-est soit vierge de toute construction ne permettent pas de regarder le terrain d'assiette du projet comme étant à l'extérieur d'une enveloppe d'un secteur bâti. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le terrain objet de la construction projetée se situait en continuité d'une zone déjà urbanisée et que le maire de Saint-Just-Luzac ne pouvait s'opposer au projet au motif qu'il méconnaissait la règle édictée par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme A..., que la commune de Saint-Just-Luzac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté de refus de permis de construire du 12 mai 2017 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par Mme A....
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Just-Luzac demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Just-Luzac est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Just-Luzac versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Saint-Just-Luzac.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
Mme E..., premier conseiller,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
E... Le président,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00322