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08/12/2020 | FRANCE | N°20BX02452

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 décembre 2020, 20BX02452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900987 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à Mme I... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notificati

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, le préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900987 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à Mme I... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900987 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe et de rejeter les conclusions présentées par Mme I... devant les premiers juges ;

2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 16 juin 2010.

Il soutient que les premiers juges ont retenu à tort que la décision portant refus de titre de séjour méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2020, Mme I..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... G...,

- et les observations de Me B..., substituant Me C... représentante de Mme I....

Considérant ce qui suit :

1. Mme I..., ressortissante haïtienne née en 1974, entrée en France en 2013 selon ses déclarations, a sollicité le 11 février 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement en date du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel il a refusé de délivrer à Mme I... un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours, l'a contrainte à une mesure de surveillance et lui a interdit le retour pour une durée d'un an.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme I..., qui selon ses déclarations est entrée et a séjourné clandestinement en France pendant six années avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour le 11 février 2019, est mère de deux enfants, dont l'un est né en France le 12 janvier 2015, reconnus par M. A... E..., ressortissant haïtien en situation régulière depuis janvier 2019. En admettant comme établie dès 2013 la communauté de vie entre Mme I... et M. E... et la contribution effective de ce dernier à l'entretien et à l'éducation des enfants de l'intéressée, alors qu'aucun des deux parents ne justifie d'aucune ressource, il demeure, ainsi que le relève l'arrêté litigieux, qu'en l'absence d'éléments justifiant de l'existence de liens familiaux ou personnels d'une particulière intensité sur le territoire français pour l'un ou l'autre membre de la famille, rien ne s'opposait à ce que la cellule familiale se recompose en Haïti, pays dont ils ont tous la nationalité et où séjourne leur famille. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le préfet avait méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Dès lors, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 5 août 2019.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme I... devant le tribunal administratif.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." et de l'article R. 313-21 du même code : "Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.".

7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, Mme I... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaitrait les dispositions précitées du point 7° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 16 juillet 2019 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme I.... Ses conclusions à fin de sursis à exécution sont dès lors devenues sans objet.

9. Enfin, l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme I... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1900987 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Article 2 : Le jugement n° 1900987 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 3 : Les demandes présentées par Mme I... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera communiquée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. F... D..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. H... G..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

La présidente,

Evelyne D... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02452
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;20bx02452 ?
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