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08/12/2020 | FRANCE | N°20BX00680

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 décembre 2020, 20BX00680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1900847 du 16 janvier 2020, le président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a donné acte du désistement de la requête de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 19 février 2020, M. C... représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1900847 du 16 janvier 2020, le président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a donné acte du désistement de la requête de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, M. C... représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 19 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en estimant qu'il n'avait pas, à la suite du rejet de sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 19 juillet, confirmé le maintien de sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté conformément aux dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a commis une erreur de fait entachant d'irrégularité l'ordonnance ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2020, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant tendant à l'annulation de l'arrêté ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... H...,

- les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant haïtien né le 13 mars 1977, frappé d'une mesure d'éloignement exécutée le 5 mars 2007 est de nouveau entré irrégulièrement sur le territoire français en 2017. Il a sollicité, le 3 septembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juillet 2019, le préfet de la Guadeloupe a rejeté la demande de titre de séjour de M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel de l'ordonnance du 16 janvier 2020 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a donné acte du désistement de M. C....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux tenues de 1'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) Donner acte des désistements (...) ". Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ".

3. Pour donner acte du désistement de M. C..., le président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé au visa des dispositions précitées, qu'alors que la demande de M. C... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 19 juillet 2019 a été rejetée par une ordonnance n° 1901146 du 18 octobre 2019 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision et que le courrier de notification de cette ordonnance précisait qu'à défaut de maintien de sa requête à fin d'annulation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de cette ordonnance du juge des référés, M. C... serait réputé s'être désisté de sa requête à fin d'annulation, le requérant, qui n'a pas exercé de pourvoi en cassation contre l'ordonnance de référé, n'a pas confirmé le maintien de sa requête à fin d'annulation dans le délai d'un mois. En statuant ainsi alors que par courrier du 25 octobre 2019, enregistré au greffe du tribunal le 28 octobre suivant, l'avocat de M. C... a informé le tribunal que son client maintenait sa demande en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, le président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a entaché son ordonnance d'une irrégularité. L'ordonnance attaquée doit, dès lors, être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement. En particulier, il vise les dispositions de l'article L. 313-13-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Guadeloupe pour refuser la délivrance de l'arrêté litigieux. L'arrêté précise aussi les circonstances de fait propres à la situation de M. C... notamment sa date d'entrée en France, les conditions de son séjour, les principaux aspects de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Dans son avis du 11 décembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, il pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à M. C... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de la Guadeloupe s'est notamment fondé sur l'avis précité. Si les pièces du dossier révèlent que M. C... souffre d'un diabète de type 2 déséquilibré et d'une cardiopathie non stabilisée, aucun des documents produits et notamment pas le compte rendu d'hospitalisation du 24 juillet 2017 du centre hospitalier de Basse-Terre ni les certificats médicaux du 29 juillet 2019 et du 21 décembre 2019 qu'il produit, ne permet d'établir l'absence de prise en charge médicale appropriée dans ce pays. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant au requérant un titre de séjour.

10. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a vécu clandestinement en France entre le 24 août 2004 et le 5 mars 2007 est revenu en France en 2017 à l'âge de 50 ans. Il ne réside donc de façon habituelle en France que depuis 2 ans environ alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie à Haïti. En outre, il est marié à une compatriote résidant dans son pays d'origine, tout comme leurs deux enfants dont l'un est mineur. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doit aussi être écarté.

S'agissant décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'implique la mesure d'éloignement sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 19 juillet 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 16 janvier 2020 du président de la première chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... E..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. G... H..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

La présidente

Evelyne E... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00680
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Procédure - Incidents - Désistement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;20bx00680 ?
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