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08/12/2020 | FRANCE | N°18BX04536

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 décembre 2020, 18BX04536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 1er septembre au 13 novembre 2016, ainsi que la décision du 30 décembre 2016 rejetant son recours gracieux, de condamner le CHU à lui verser des rappels de traitement depuis le 1er octobre 2016 ainsi que les sommes de 26 000 euros et 16783,01 euros en r

paration de ses préjudices moral et matériel, et d'enjoindre au CHU de rég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 1er septembre au 13 novembre 2016, ainsi que la décision du 30 décembre 2016 rejetant son recours gracieux, de condamner le CHU à lui verser des rappels de traitement depuis le 1er octobre 2016 ainsi que les sommes de 26 000 euros et 16783,01 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel, et d'enjoindre au CHU de régulariser sa situation, notamment en lui donnant une affectation compatible avec son état de santé.

Par un jugement n° 1700166 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions attaquées du 5 octobre 2016 et du 30 décembre 2016, condamné le CHU de La Réunion à verser à Mme I... la somme de 2 000 euros, et enjoint à l'établissement de santé de régulariser la situation pécuniaire de l'intéressée sur la base d'un plein traitement dû pour la période du 1er septembre au 13 novembre 2016 et de réexaminer sa demande de reclassement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2018, Mme I..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de La Réunion à lui verser la somme de 16 783,01 euros en réparation de son préjudice financier et de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 2 000 euros la somme que le CHU a été condamné à lui verser en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner le CHU de La Réunion à lui verser une somme globale de 46 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de " dire et juger " que ses droits à congés annuels sont maintenus ;

4°) de mettre à la charge du CHU de La Réunion une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle a subi un préjudice financier important qui doit être évalué à la somme de 20 000 euros ;

- son préjudice moral a été sous-évalué par les premiers juges et la somme de 2 000 euros accordée à ce titre doit être portée à 26 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le CHU de La Réunion, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme I... n'est pas recevable à majorer ses prétentions indemnitaires en appel en l'absence d'éléments établissant une aggravation de son préjudice financier ;

- elle a rompu tout lien de causalité entre l'illégalité des décisions litigieuses et son préjudice matériel en refusant les postes qui lui ont été proposés par l'administration ;

- le préjudice financier de l'intéressée du fait de son placement en congé de maladie ordinaire a d'ores et déjà été réparé par les rappels de traitement qui lui ont été versés en exécution du jugement attaqué ;

- aucun préjudice n'a été causé à Mme I... du fait de son passage à demi-traitement dès lors que ses difficultés financières préexistaient ;

- l'augmentation de la somme allouée par les premiers juges au titre du préjudice moral n'est pas justifiée ;

- Mme I... n'est pas fondée à demander le maintien de ses congés annuels au titre des années 2014 à 2016, dès lors que les congés non pris ne se reportent que sur une période de 15 mois suivant l'année au titre de laquelle ils ont été acquis et que le CHU a proposé à Madame I... de liquider ses droits à congés annuels acquis au titre de l'année 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... F...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le CHU de La Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I..., aide-soignante au CHU de La Réunion, a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 22 août 2013. Par deux décisions du 24 octobre 2014, le CHU a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et a maintenu le plein traitement de l'intéressée jusqu'à cette date. Par une décision du 16 février 2015, le CHU de La Réunion a placé Mme I... en congé de maladie ordinaire non imputable au service du 11 novembre 2014 au 18 mars 2015. A la demande de l'intéressée, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision par un jugement n° 1400989 du 12 mai 2016 et a condamné le CHU à verser à son agent des rappels de traitement compte tenu de son droit à un plein traitement pour l'ensemble de ses périodes d'arrêt de travail du 23 août 2013 au 18 mars 2015. Par une décision du 5 octobre 2016, le CHU a placé Mme I... en congé de maladie ordinaire, à demi-traitement, pour la période du 1er septembre 2016 au 13 novembre 2016. Le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision a été rejeté par une décision du CHU du 30 décembre 2016. Par un jugement n° 1700166 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions du 5 octobre 2016 et du 30 décembre 2016, condamné le CHU à verser à Mme I... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et enjoint au CHU de régulariser sa situation pécuniaire sur la base d'un plein traitement pour la période du 1er septembre au 13 novembre 2016 ainsi que de réexaminer sa demande de reclassement. Mme I... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 2 000 euros la somme qui lui a été allouée en réparation de son préjudice moral et en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions relatif à son préjudice financier.

2. Mme I... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de lui allouer une quelconque somme au titre du préjudice économique qu'elle a subi du fait des fautes commises par le CHU de La Réunion depuis son accident de service survenu le 22 août 2013, soit l'illégalité des décisions du 16 février 2015 et du 5 octobre 2016 par lesquelles elle a été placée en congé de maladie ordinaire respectivement du 23 août 2013 au 18 mars 2015 puis du 1er septembre 2016 au 13 novembre 2016, périodes durant lesquelles elle n'a perçu qu'un demi-traitement. Si elle produit de nombreux courriers, factures et relances de paiement qui corroborent les difficultés financières dont elle se prévaut, ces éléments ne sauraient toutefois être tous retenus pour établir le préjudice économique directement en lien avec l'illégalité des décisions du 16 février 2015 et du 5 octobre 2016 dès lors que l'ensemble des sommes qui étaient dues à Mme I... lui ont finalement été versées par le CHU de La Réunion en exécution des décisions du tribunal annulant ces décisions. Il y a seulement lieu de retenir les frais supplémentaires dont Mme I... a dû s'acquitter en raison de la situation financière dans laquelle elle s'est trouvée du fait des décisions illégales du CHU de La Réunion. Il résulte de l'instruction que, pour la période concernée, Mme I... a ainsi versé trois pénalités de retard dans le paiement de factures d'eau pour un montant total de 17,21 euros, une somme globale de 2 866,36 euros de frais bancaires, 250 euros de frais d'ouverture d'un dossier de recouvrement auprès d'un établissement de crédit, et 15 euros de frais de rejet d'un prélèvement bancaire au profit d'une assurance. Si l'intéressée produit, pour la première fois en appel, des pièces justifiant de ce que sa situation de surendettement a été constatée par la commission de surendettement des particuliers de La Réunion au mois d'août 2018 et de ce qu'une procédure de saisie immobilière avait débuté avant d'être suspendue par un jugement du 2 mars 2018 compte tenu de l'avis de recevabilité de son dossier par la commission de surendettement, il ne résulte pas de ces éléments l'existence d'un préjudice économique en lien direct avec les décisions illégales du CHU de La Réunion. Dans ces conditions, Mme I... est seulement fondée à demander la condamnation du CHU à lui verser la somme de 3 148,57 euros.

3. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice moral de Mme I... et des troubles dans ses conditions d'existence du fait de l'illégalité des décisions du CHU de La Réunion du 16 février 2015 et du 5 octobre 2016 en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros.

4. Enfin, il n'appartient pas à la cour de " dire et juger " que les droits à congés annuels de Mme I... sont maintenus. Les conclusions présentées à cette fin par la requérante ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHU de La Réunion tirée de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme I... en tant qu'elles excèdent la somme demandée en première instance, que la somme de 2 000 euros allouée par les premiers juges à Mme I... en réparation de ses préjudices doit être portée à 5 148,57 euros.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de la Réunion une somme de 1 500 euros à verser à Mme I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions que celle-ci présente tendant à ce qu'ils soient mis à la charge du CHU de La Réunion sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 2 000 euros que le CHU de La Réunion a été condamné à payer à Mme I... par le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 25 octobre 2018 est portée à 5 148,57 euros.

Article 2 : Le jugement du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de La Réunion est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHU de La Réunion versera à Mme I... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... I... et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... G..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... F..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

La rapporteure,

Kolia F...

La présidente,

Catherine G...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04536
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : HOARAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;18bx04536 ?
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