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08/12/2020 | FRANCE | N°18BX03602

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 décembre 2020, 18BX03602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1502999 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration le 30 mai 2018 pour un montant total de 137 381 euros, déchargé M. et Mme G... de la différence entre,

d'une part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1502999 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration le 30 mai 2018 pour un montant total de 137 381 euros, déchargé M. et Mme G... de la différence entre, d'une part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur charge au titre de l'année 2013 à raison du gain réalisé sur la cession des titres de la SARL Les Jonquilles, le 11 février 2011 et la base d'imposition à laquelle aurait dû être soumis ce gain selon les règles d'imposition en vigueur à la date de réalisation de cette plus-value en 2011 soit un taux forfaitaire de 19%, et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2018 ;

2°) de rétablir M. et Mme G... au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 2013 à raison des droits et pénalités d'un montant de 1 298 570 euros dont la décharge a été prononcée à tort en première instance.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les règles applicables à la plus-value en litige étaient celles en vigueur en 2011 prévoyant une taxation au taux forfaitaire de 19 % dès lors que Conseil constitutionnel a déclaré que les dispositions combinées des trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts sont conformes à la Constitution sous réserve de l'application à l'assiette de la plus-value d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition, et ce pour tenir compte du fait que suite à cette remise en cause, la plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013 se trouve soumise à l'impôt sur le revenu selon les règles de taux en vigueur postérieurement à cette date ;

- le juge de l'impôt est lié par cette interprétation du Conseil constitutionnel qui a autorité absolue de la chose jugée conformément à l'alinéa 3 de l'article 62 de la Constitution aux termes duquel " les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elle s'impose aux pouvoirs publics et toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ;

- le dispositif légal applicable au litige est plus précisément celui issu des décisions QPC n° 2016-538 du 22 avril 2016 et QPC n° 2017-642 du 7 juillet 2017 rendues par le Conseil constitutionnel, qui devaient conduire à appliquer, pour les gains réalisés en 2011 dont l'exonération a ensuite été remise en cause, les règles de taxations en vigueur au 1er janvier 2013 imposant la plus-value au barème progressif ;

- au considérant 14 de sa décision n° 2017-642 QPC, le Conseil constitutionnel estime que " Lorsque le législateur permet à un contribuable, à sa demande, de bénéficier sous certaines conditions d'un régime dérogatoire d'imposition d'une plus-value, le contribuable doit être regardé comme ayant accepté les conséquences de la remise en cause de ce régime en cas de non-respect des conditions auxquelles il était subordonné ". Il en résulte que l'imposition de la plus-value selon les règles applicables l'année de cette remise en cause ne porte atteinte à aucune situation légalement acquise et ne remet pas en cause les effets qui pourraient légitimement être attendus d'une telle situation ;

- le service a déjà tiré toutes les conséquences de la décision du 7 juillet 2017 QPC n° 2017-642 en prononçant le 30 mai 2018 un dégrèvement de 1 722 euros en droits et pénalités tenant compte d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, M et Mme G..., représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête et demandent la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 septembre 2020 à 12 heures.

Un mémoire présenté par M. et Mme G... a été enregistré au greffe de la cour le 6 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... E...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M et Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme G... ont cédé le 11 février 2011 la totalité des droits sociaux qu'ils détenaient dans la SARL Les Jonquilles et ont déclaré cette plus-value de 5 114 466 euros au titre de leurs revenus de l'année 2011 en estimant pouvoir bénéficier de l'abattement de 100 % prévu par l'article 150-O D ter du code général des impôts pour les dirigeants de société prenant leur retraite dans les deux ans suivant la cession des titres. Par une proposition de rectification datée du 10 octobre 2014, l'administration a remis en cause, selon la procédure contradictoire, cet abattement au motif que les requérants n'avaient pas respecté la condition de délai de départ en retraite dans les deux ans et qu'en conséquence, la totalité de la plus-value devait être imposée au titre de l'année 2013 au cours de laquelle est intervenu le terme de ce délai de deux ans, et soumise à l'impôt sur le revenu au taux progressif applicable depuis le 1er janvier 2013 aux plus-values de cessions de titre, sans toutefois pouvoir bénéficier de l'abattement de 65 % pour durée de détention de titre prévue concomitamment pour atténuer ce barème. Le Ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration le 30 mai 2018 pour un montant total de 137 381 euros, a déchargé M. et Mme G... de la différence entre, d'une part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur charge au titre de l'année 2013 à raison du gain réalisé sur la cession des titres de la SARL Les Jonquilles, le 11 février 2011 et d'autre part, la base réelle d'imposition de ce gain bénéficiant en 2011 d'un taux forfaitaire de 19 %.

Sur le bien-fondé du motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes, d'une part, de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux plus-values constatées en 2011 : " I. L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions (...) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : (...) 2° Le cédant doit : (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession (...) IV. En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai (...) ".

3. D'autre part, l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a modifié l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, en particulier en soumettant ces plus-values au barème de l'impôt sur le revenu tout en prévoyant un dispositif d'abattement sur le montant des gains nets de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, selon la durée de détention de ces valeurs ; l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de cet article, dispose désormais, à son 1, que : " Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) " ; il définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations ; le III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013 ; dans sa décision n° 2016-538 QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions des 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts sous réserve, s'agissant des plus-values placées en report d'imposition sur option du contribuable, que soit appliqué à l'assiette des plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013, qui ne font l'objet d'aucun abattement sur leur montant brut et dont le montant de l'imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition ; dans sa décision n° 2017-642 QPC, le Conseil constitutionnel a appliqué la même solution à une plus-value ayant initialement bénéficié de l'abattement prévu par le I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts avant que l'administration ne fasse application du IV de cet article qui, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, conduisait à remettre en cause le bénéfice de cet abattement, sans toutefois ouvrir droit à l'abattement prévu au 1 ter de l'article 150-0 D, dans le cas où la condition énoncée au c du 2° du 3 du I de l'article 150-0 D ter n'était pas remplie à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la cession.

4. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que dès lors qu'un contribuable n'a pas respecté, pour bénéficier de l'abattement prévu à l'article 150-0 D bis dans sa rédaction alors en vigueur, la condition fixée à l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux plus-values constatées en 2011 selon laquelle il doit faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, il doit être regardé comme ayant accepté les conséquences s'attachant à la remise en cause de ce régime. Il s'ensuit que l'imposition de la plus-value doit intervenir, même si son fait générateur est antérieur, selon les règles applicables l'année de cette remise en cause alors même que l'abattement pour durée de détention prévu au III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ne s'applique pas, sous réserve toutefois de l'application d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition.

5. Il résulte de l'instruction que M. et Mme G... n'ont pas, consécutivement à la réalisation de leurs gains le 11 février 2011, respecté la condition de délai de départ en retraite dans les deux ans. La plus-value qu'ils ont réalisée doit donc être imposée en vertu des règles d'impositions précitées applicables en 2013 c'est à dire selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu, sans que les requérants, qui n'ont pas réalisé leur gain en 2013, puissent bénéficier de l'abattement prévu par ces mêmes dispositions. Et dès lors que l'administration a déjà tiré toutes les conséquences de ces règles en dégrevant M. et Mme G... de l'imposition à laquelle ils ont été initialement soumis ne prenant pas en compte l'application du coefficient d'érosion monétaire à laquelle ils avaient droit, c'est à tort que pour décharger, pour partie, les requérants de l'imposition mise à leur charge le tribunal a fait droit au moyen tiré de ce que les requérants pouvaient bénéficier des dispositions fiscales applicables en 2011 prévoyant une taxation au taux forfaitaire de 19 %.

6. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme G... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

7. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 4 et 5 du présent arrêt que les conclusions de M. et Mme G... tendant au bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions du 1 ter l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2013 précitée ne peuvent qu'être rejetées dès lors que les contribuables ont réalisé leurs gains en 2011.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge partielle des impositions en litige et à demander la remise à la charge de M. et Mme G... desdites impositions. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. et Mme G... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1502999 en date du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme G... ont été assujettis au titre de l'année 2013 sont remises à leur charge, sous réserve du dégrèvement intervenu le 30 mai 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... E... premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

La présidente,

Evelyne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03602
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL JURICA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;18bx03602 ?
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