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08/12/2020 | FRANCE | N°18BX03156

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 décembre 2020, 18BX03156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Campet a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 d'un montant total de 17 032 euros et de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement prévu par les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1504457 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononc

é un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au bénéfice du sursis de paieme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Campet a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 d'un montant total de 17 032 euros et de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement prévu par les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1504457 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au bénéfice du sursis de paiement et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2018, la SCI Campet, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 pour un montant total de 17 032 euros ;

3°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'abandon de loyer consenti par la SCI Campet à la SAS Préciméca ne constitue pas un acte anormal de gestion ; l'administration et le tribunal ont fait une appréciation erronée des faits en retenant qu'il s'agissait d'un abandon total de loyers commerciaux pendant une durée de 4 ans, alors qu'en réalité il s'agissait d'un abandon partiel de loyers commerciaux pendant 18 mois ; il était de l'intérêt direct et personnel de la SCI Campet de préserver l'existence de son locataire et son maintien dans les lieux, dans un contexte difficile et alors même que l'implantation des lieux, leur état et leur situation ne présentaient pas une attractivité suffisante pour permettre d'en espérer la relocation rapide ;

- le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit a été méconnu.

Par mémoire en défense enregistré le 22 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 janvier 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Campet, dont M. F... est le gérant, exerce une activité de location de biens immobiliers. En 2013, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. A l'issue du contrôle, le service a notamment estimé que l'avenant au contrat de bail conclu le 20 janvier 2010 avec la SAS Préciméca, dont M. F... est également le dirigeant, prévoyant un abattement total des loyers pour la première année du bail, soit en 2009, et une minoration des loyers exigibles de 124 000 euros au titre de l'année 2010, constituait un acte anormal de gestion. La SCI Campet relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 pour un montant total de 17 032 euros.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'acte anormal de gestion :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Les prêts sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Par ailleurs, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

3. La SCI Campet a acquis, le 10 décembre 2008, un ensemble immobilier de plus de 2 500 m², composé d'un bâtiment industriel, un bâtiment de bureaux et d'une maison d'habitation, situé chemin de Fenouillet à Toulouse, moyennant le prix de 1 063 500 euros. Par acte sous seing privé du 28 décembre 2008, la SCI Campet a donné à bail à titre commercial à la SAS Préciméca, qui exerce une activité de fabrication de broyeurs industriels de déchets, cet ensemble immobilier, moyennant un loyer annuel de 168 000 euros HT pour une durée de 9 ans. Puis, par un avenant du 20 janvier 2010, la SAS Préciméca n'ayant pu effectuer son déménagement comme prévu et n'ayant ainsi pas occupé les locaux depuis la prise d'effet du bail, la SCI Campet lui a consenti un abattement des loyers au titre de la première année du bail, soit l'année 2009, et a ramené le loyer annuel HT pour 2010 à un montant de 44 000 euros. Cet abattement de loyers était consenti sous réserve de l'application d'une clause de retour à une meilleure fortune et l'avenant indiquait par ailleurs que la SAS Préciméca était redevable dans les six mois de la clôture de chaque exercice d'une somme égale au minimum à un sixième de son résultat net comptable après impôts sur la partie excédent 180 000 euros à compter de l'exercice suivant la réalisation de l'évènement et jusqu'à l'épuisement de sa dette. L'administration a estimé qu'en accordant une telle remise, la société Campet s'était indûment privée de recettes, dès lors que les difficultés financières de la société Précimeca ne pouvaient justifier une renonciation à recettes de cette ampleur. A cet égard, l'administration a relevé que le gérant de la SCI étant aussi dirigeant de la SAS, il ne pouvait ignorer, dès la signature du contrat, que cette société rencontrerait des difficultés pour régler les loyers mettant ainsi la SCI Campet dans une situation financière délicate. En outre, l'administration a considéré que la clause de retour à meilleure fortune était difficilement applicable puisqu'elle supposait que la SAS Précimeca réalise un résultat net comptable après impôt de 180 000 €. Enfin, l'administration a estimé que le délai écoulé entre la conclusion du bail, fin 2008, et la conclusion de l'avenant, début 2010, aurait pu permettre à la SCI de trouver un autre locataire présentant plus de garantie de solvabilité que la SAS d'autant plus que les aménagements opérés par la SCI au cours de cette période permettaient plus facilement la location à un autre preneur. Dès lors, l'administration en a conclu que l'abandon de loyers réalisé par la SCI Campet constituait un acte anormal de gestion en l'absence d'intérêt personnel et direct pour la SCI justifiant la renonciation octroyée.

4. En premier lieu, la SCI Campet soutient que l'administration et le tribunal ont fait une appréciation erronée des faits en retenant un abandon total des loyers commerciaux pendant une durée de 4 ans alors qu'il s'agissait d'un abandon partiel de loyers commerciaux pendant une durée de 18 mois. Cependant, il résulte de l'instruction que l'acte anormal de gestion qui est invoqué à l'encontre de la SCI Campet repose sur l'abattement total des loyers consenti par la SCI Campet à la SAS Préciméca au titre de la première année du bail, soit en 2009, qui a induit une incidence fiscale en matière de déficit reportable, et sur la minoration des loyers exigibles au titre de l'année 2010 à hauteur de 124 000 euros. Dès lors, le moyen tiré de l'appréciation erronée des faits doit être écarté.

5. En deuxième lieu, la SCI Campet soutient qu'il était de son intérêt direct et personnel de préserver l'existence de son locataire et son maintien dans les lieux, dans un contexte difficile et alors même que l'implantation des lieux, leur état et leur situation ne présentaient pas une attractivité suffisante pour permettre d'en espérer la relocation rapide. A cet égard, elle fait valoir qu'elle ne pouvait pas rechercher un nouveau locataire, en raison de la spécificité des aménagements réalisés dans le bâtiment, propre à l'activité de la SAS Préciméca, et de la longueur et du cout d'une procédure de résiliation de son contrat la liant à la SAS Préciméca. Toutefois, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation alors qu'il résulte de l'instruction, qu'à la date de l'avenant au contrat de bail, le local était vide et aucun aménagement spécifique à l'activité de la SAS n'avait été réalisé. Au surplus, il résulte de l'instruction que les travaux ultérieurs réalisés par la SCI Campet se sont limités à des travaux de réhabilitation et de remise aux normes et de sécurité. Par conséquent, à la date de signature de l'avenant, la recherche d'un nouveau locataire était tout à fait envisageable. Enfin, il n'est pas démontré que la résiliation du contrat avec le preneur aurait eu pour la SCI un coût supérieur à l'absence de loyers et à la minoration de 70 % du montant du loyer pratiqué. Ainsi, en réservant le local à la seule société Préciméca, la SCI Campet s'est privée volontairement de candidats à la location et consécutivement, de recettes.

6. En troisième lieu, la SCI Campet fait valoir que les difficultés financières de la SAS Préciméca, à compter d'avril 2009, l'ont empêchée de remplir ses engagements pris au moment de la signature du bail mais que la renonciation partielle au montant du loyer initialement fixé a permis de garantir la pérennité du bail existant. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment des bilans de la SAS Préciméca que celle-ci disposait d'importantes sommes en réserve sur la période litigieuse, alors que la SCI Campet a été amenée à puiser dans sa trésorerie pour honorer les échéances liées aux emprunts souscrits pour l'acquisition du bien, et à vendre la maison d'habitation et une portion de terrain faisant partie de l'ensemble immobilier, pour assurer son équilibre financier. Enfin, les liens commerciaux invoqués par la société appelante pour justifier l'aide ainsi apportée à son locataire ne sont pas établis compte tenu de l'objet social distinct de chacune des deux sociétés.

7. Ainsi, à défaut de justifier de l'existence de contreparties à une remise de loyers d'une importance telle que celle consentie à la société Préciméca, la SCI Campet ne justifie pas avoir agi dans son propre intérêt en accordant une telle remise. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que les abandons de créances consentis par la SCI Campet à la société Préciméca ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale et c'est en conséquence à bon droit que l'administration a réintégré la valeur des loyers dans le bénéfice imposable de la SCI Campet au titre de l'année 2010.

En ce qui concerne le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit :

8. La requérante se prévaut du principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit pour contester la rectification des déficits antérieurs imputés sur l'exercice clos le 31 décembre 2012. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas remis en cause le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit mais, comme elle en avait le pouvoir, s'est bornée à vérifier l'existence et le montant du déficit de l'exercice 2009, prescrit, imputé sur le bénéfice imposable de la société réalisé au cours de l'exercice ultérieur non prescrit. Dès lors, le moyen doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Campet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des impositions et pénalités en litige.

Sur les conclusions tendant au bénéfice d'un sursis de paiement en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales :

10. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. /L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ".

11. Les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, qui ont pour objet de permettre de surseoir au paiement des impositions lorsqu'il a été formé contre elles une réclamation contentieuse, n'ont de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif. Lorsque le tribunal s'est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n'a pas prononcé la décharge. Hormis les procédures spécialement édictées en matière de référé, aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Par suite, les conclusions de la SCI Campet tendant au bénéfice du sursis de paiement des impositions en litige doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. La SCI Campet ne justifiant pas avoir engagé des frais relevant des dépens, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Campet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Campet et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente,

M. E... C..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020

La présidente,

Evelyne A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03156
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BENDAYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;18bx03156 ?
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