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01/12/2020 | FRANCE | N°18BX02453

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 01 décembre 2020, 18BX02453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Dajohu a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Atlandes à lui verser les sommes de 54 000 euros avec intérêts au titre d'une indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " liée à l'occupation d'une partie du parking dont elle est propriétaire entre le 1er mars 2012 et le 19 avril 2013, et de 143 700 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des frais de remise en état de ce parking, ainsi que d'ordonner une expertise afin d'évaluer l'é

tat de pollution du terrain.

Par un jugement n° 1600483 du 24 avril 2018, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Dajohu a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Atlandes à lui verser les sommes de 54 000 euros avec intérêts au titre d'une indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " liée à l'occupation d'une partie du parking dont elle est propriétaire entre le 1er mars 2012 et le 19 avril 2013, et de 143 700 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des frais de remise en état de ce parking, ainsi que d'ordonner une expertise afin d'évaluer l'état de pollution du terrain.

Par un jugement n° 1600483 du 24 avril 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2018 et un mémoire enregistré le 3 octobre 2018, la SCI Dajohu, représentée par Me Tengang, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la société Atlandes à lui verser les sommes de 54 000 euros

avec intérêts au titre de l'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " liée à l'occupation

d'une partie du parking dont elle est propriétaire entre le 1er mars 2012 et le 19 avril 2013,

et de 143 700 euros TTC au titre des frais de remise en état ;

3°) d'ordonner une expertise afin d'évaluer l'état de pollution du terrain et de réserver ses droits concernant tout préjudice dont elle pourrait demander l'indemnisation à ce titre ;

4°) de mettre à la charge de la société Atlandes les entiers dépens de l'instance, ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " :

- hors de la convention d'occupation temporaire de l'emprise de 287 m² ayant fait l'objet d'une promesse de vente le 18 avril 2012 au prix de 1 100 euros, elle a conclu un contrat verbal avec la société Atlandes, concessionnaire de l'aménagement de l'autoroute A 63 entre Salles et Saint Geours de Maremmes, laquelle a stocké divers matériaux et des engins sur le parking réservé à la clientèle du relais routier géré par la même gérante que la SCI Dajohu,

et s'est engagée en contrepartie à verser à celle-ci une indemnité forfaitaire de 1 000 euros par semaine ; cet engagement se déduit du bulletin d'indemnité du 18 avril 2012 comprenant une indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " liée à l'occupation de la partie du parking non comprise dans l'emprise, ainsi que du chèque de 1 000 euros du 8 avril 2013, établis par la société Atlandes ;

- le tribunal s'est mépris dans l'interprétation des faits et des engagements pris par la société Atlandes en rejetant sa demande d'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " aux motifs que l'occupation temporaire du parking n'avait pas empêché l'accès et le stationnement de la clientèle du restaurant et que ce dernier était géré par la SCI B..., ce dont il a déduit que l'existence d'un préjudice de la SCI Dajohu n'était pas démontrée ;

- l'occupation hors emprise a commencé le 1er mars 2012, jour de l'occupation temporaire de l'emprise, et peut être regardée comme s'étant achevée le 19 avril 2013, date à laquelle l'huissier missionné par la société Atlandes a constaté l'enlèvement des matériaux ; dès lors qu'elle n'a perçu que 5 000 euros, elle a droit à 54 000 euros pour solde des 59 semaines de stockage des matériaux sur son parking ; la cour n'a pas à s'interroger sur le montant de l'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " dès lors que le débat se rapporte à l'exécution des engagement contractuels de la société Atlandes ;

En ce qui concerne l'indemnité pour remise en état du parking :

- l'article 5 de la convention d'occupation du 1er mars 2012 prévoyait que le parking en dehors de l'emprise serait remis en état, si nécessaire, à l'issue des travaux ; malgré des demandes répétées, la société Atlandes n'a pas respecté cet engagement ; si le constat d'huissier du 19 avril 2013 indique que le parking est libre de toute occupation et stockage, il ne mentionne aucune remise en état, alors que le parking présentait des ornières et des trous provoqués par les engins de chantier ; ces dégradations ont été constatées par un huissier le 5 mars 2014 ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de condamnation de cette société à lui verser la somme de 173 700 euros TTC correspondant au devis de remise en état ;

En ce qui concerne la demande d'expertise :

- eu égard à la durée du stockage d'engins et de matériaux, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'expertise au motif que l'existence d'une pollution du site n'était pas établie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre et 4 décembre 2018, la société Atlandes, représentée par la SELARL Urbino Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI Dajohu une somme de 8 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais d'appel, et 1 200 euros au titre des frais de première instance.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne l'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " :

- Mme B..., représentante légale de la SCI Dajohu, a donné à plusieurs reprises l'autorisation verbale de stocker gracieusement du matériel sur son parking,

jusqu'au 6 février 2013, date à laquelle elle a fait constater par huissier une occupation prétendument non autorisée et empêché l'accès à la zone, dont la remise en état a été constatée le 19 avril 2013 ;

- comme l'a jugé le tribunal, la SCI Dajohu ne justifie d'aucune diminution des loyers versés par la SARL B..., de sorte que sa demande de 1 000 euros par semaine afin de compenser une perte de chiffre d'affaires ne peut qu'être rejetée ;

- elle n'a pris aucun engagement verbal de payer pour l'entreposage de matériaux sur le parking ;

- l'indemnité de 4 400 euros était forfaitaire, indépendante de la durée d'occupation du parking et définitive ; en l'acceptant, la SCI Dajohu a renoncé à tout recours ultérieur, ce qui rend sa demande irrecevable ; le chèque de 1 000 euros du 8 avril 2013 constituait le paiement de l'indemnité forfaitaire de 1 000 euros prévue par la convention d'occupation temporaire

du 1er mars 2012 ;

En ce qui concerne l'indemnité pour remise en état du parking :

- les photographies annexées au constat d'huissier du 19 avril 2013 démontrent le bon état du parking après l'enlèvement des matériaux, et la SCI Dajohu n'apporte pas la preuve que les dégradations alléguées, à les supposer établies un an plus tard, seraient imputables à la société Atlandes ;

- la demande correspond à une amélioration du parking par la pose d'un enrobé, ce qui constituerait un enrichissement sans cause, et non à une simple remise en état ;

En ce qui concerne la demande d'expertise :

- le parking est utilisé par des poids-lourds, sources de pollutions diverses, et un expert ne pourrait, plus de cinq ans après la libération des lieux, mettre en évidence une quelconque pollution en lien avec le dépôt de gravats, cailloux calcaires, ferrailles et d'une cabine de chantier ; la propriétaire y a au demeurant entreposé des fraisats ; un expert ne pourrait donc identifier des préjudices de la SCI Dajohu imputables à l'occupation temporaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Meyer,

- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me Tengang, représentant la SCI Dajohu et de Me Moyen, représentant la société Atlandes.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Dajohu est propriétaire d'une parcelle référencée E n° 994 au cadastre de la commune de Liposthey (Landes), sur laquelle sont implantés un restaurant dénommé " Auberge de la Poste ", exploité par la SARL B..., ainsi qu'un parking destiné à la clientèle, constituée essentiellement de chauffeurs de poids-lourds. Le 1er mars 2012, elle a conclu avec la société Atlandes, concessionnaire des travaux publics d'élargissement de l'autoroute A 63, une convention d'occupation temporaire d'une partie de cette parcelle, d'une superficie de 287 m², pour une durée de 12 mois ou jusqu'à la signature de la promesse de vente. Cette dernière, autorisant l'acheteur à prendre immédiatement possession des biens, a été signée le 8 avril 2012. Par un " bulletin d'indemnité " du même jour, la société Atlandes s'est engagée à indemniser la SCI Dajohu des préjudices occasionnés par le passage de l'autoroute à hauteur de 4 400 euros, dont notamment 250 euros au titre de la prise de possession immédiate et 4 000 euros " pour perte de chiffre d'affaire liée à l'occupation d'une partie du parking ". Par lettre du 16 mars 2013, la SCI Dajohu a demandé une indemnité complémentaire de 1 000 euros par semaine pour le dépôt de matériaux divers sur le parking du restaurant, et par lettre du 9 juillet 2013, elle s'est plainte de ce qu'aucune remise en état des lieux n'avait été effectuée après l'enlèvement de ces matériaux. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de condamnation de la société Atlandes à lui verser, d'une part, la somme de 53 000 euros, portée à 54 000 euros en cours d'instance, au titre de l'indemnité " pour perte de chiffre d'affaires " dont elle revendiquait le bénéfice au titre de l'occupation irrégulière de son parking par le dépôt de matériaux, et d'autre part, la somme de 143 700 euros TTC au titre des frais de remise en état de ce parking. En outre, elle a sollicité une expertise afin d'évaluer l'état de pollution du terrain. La SCI Dajohu relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal a rejeté ces demandes.

2. La convention du 1er mars 2012 portait sur l'occupation temporaire de l'emprise

de 287 m² sur une superficie totale de 6 322 m² de la parcelle E n° 994, et prévoyait en outre

un accès de tout agent ou entreprise mandaté par la société Atlandes au " reste du parking ".

Le " bulletin d'indemnité " du 18 avril 2012, qui a le caractère d'une convention, avait pour objet, selon son article 1er, de fixer les indemnités à verser aux ayants droits en réparation du préjudice occasionné par le passage de l'autoroute A 63. Son article 2 désigne comme objet de la convention l'emprise de 287 m², et son article 4 engage la société Atlandes à verser au propriétaire une indemnité de 4 400 euros, dont notamment 250 euros au titre de la prise de possession immédiate, ainsi que 4 000 euros, soit 1 000 euros par semaine, " pour perte de chiffre d'affaires liée à l'occupation d'une partie du parking ". Il résulte de l'instruction que par une lettre du 11 juin 2012 adressée à la SCET Aquitaine, mandataire de la société Atlandes, Mme J... épouse B..., gérante de la SCI Dajohu, se prévalant notamment de la qualité de propriétaire des lieux et faisant référence à son appel téléphonique du 7 juin 2012 resté sans réponse, s'est plainte des troubles occasionnés par le dépôt d'engins, de véhicules mal garés stationnés toute la nuit, ainsi que du dépôt de ferrailles depuis une semaine sur le parking, sur lequel elle avait autorisé le passage et non le stockage, et a demandé une indemnité pour cette " nouvelle emprise ". Par lettre du 16 mars 2013, Mme B... a rappelé ce premier courrier, ses déplacements en janvier et février 2013 pour que cesse tout dépôt de matériel, d'engins et de véhicules sur le parking, et réclamé une indemnité de 1 000 euros par semaine à compter

du 1er mai 2012. Aucun élément ne permet de supposer que cette demande aurait été accueillie favorablement, même verbalement. En se bornant à faire référence à la convention d'occupation de l'emprise et au " bulletin d'indemnité " du 18 avril 2012, dont les mentions manuscrites ne sont pas accompagnées d'une reconnaissance des deux parties et ne portent pas clairement sur la partie de la parcelle hors emprise, la SCI Dajohu ne démontre l'existence d'un engagement, ni écrit, ni verbal, de la société Atlandes à lui verser l'indemnité qu'elle revendique. Par suite, sa demande fondée exclusivement sur l'application d'un prétendu contrat ne peut être accueillie.

3. Dans ses courriers relatifs à l'occupation irrégulière du parking, la SCI Dajohu a seulement indiqué, le 11 juin 2012, qu'elle laissait l'entretien du parking pour le week-end à venir aux soins de la société Atlandes compte tenu des nombreux passages de ses engins,

et le 9 juillet 2013, qu'aucune remise en état n'avait été effectuée après toute une journée d'allers et retours avec un camion pour débarrasser les matériaux entreposés. Les nombreuses attestations produites, établies par des clients du restaurant, se rapportent à l'encombrement du parking par des matériaux, des engins et une cabane de chantier, constituant une gêne pour leur stationnement, sans référence aux ornières et nids de poule dont la requérante soutient qu'ils auraient été causés par le passage des engins de chantier. Les photographies contemporaines de l'utilisation du parking par la société Atlandes font apparaître des traces d'engins sur le parking dépourvu de revêtement, ainsi que quelques nids de poule pouvant avoir pour origine le passage des poids-lourds de la clientèle du restaurant. Enfin, le constat d'huissier du 5 mars 2014, postérieur de près d'un an à la libération des lieux par la société Atlandes, a été établi afin de démontrer un ruissellement d'eaux pluviales qui aurait pour origine l'aménagement du rond-point conduisant à l'accès à l'autoroute, de sorte qu'il n'est pas de nature à apporter la preuve de dégradations causées lors de l'occupation irrégulière du parking. Par suite, la demande d'une indemnité de 173 700 euros TTC correspondant à l'entière réfection du parking avec pose d'un enrobé ne peut qu'être rejetée.

4. En se bornant à évoquer la nature des matériaux qui ont pu être entreposés temporairement sur son terrain, la SCI Dajohu n'apporte aucun élément de nature à permettre de suspecter une pollution du sol et ne justifie pas de l'utilité d'une expertise pour évaluer une éventuelle pollution. Sa demande à cette fin ne peut donc qu'être rejetée

5. Il résulte de ce qui précède que la SCI Dajohu n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

6. La SCI Dajohu, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la société Atlandes à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Dajohu est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Atlandes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Dajohu et à la société Atlandes.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

La rapporteure,

Anne Meyer

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02453
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-04 Travaux publics. Occupation temporaire de la propriété privée pour l'exécution de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : TENGANG

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;18bx02453 ?
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