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30/11/2020 | FRANCE | N°18BX03866

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 novembre 2020, 18BX03866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à lui verser une somme au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées sans être rémunéré entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2016, une somme en réparation du préjudice consécutif au dépassement de la durée maximale de travail, une somme pour le non-respect de la durée minimale de repos quotidien et une somme à titre d'indemnité pour le retrait brutal du logement qui lui était concédé à titr

e gratuit par nécessité absolue de service.

Par un jugement n° 1605244 du 26 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à lui verser une somme au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées sans être rémunéré entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2016, une somme en réparation du préjudice consécutif au dépassement de la durée maximale de travail, une somme pour le non-respect de la durée minimale de repos quotidien et une somme à titre d'indemnité pour le retrait brutal du logement qui lui était concédé à titre gratuit par nécessité absolue de service.

Par un jugement n° 1605244 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2018 et le 13 novembre 2018, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 septembre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Pessac à lui verser la somme de 22 652,70 euros au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées sans être rémunéré entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2016, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice consécutif au dépassement de la durée maximale de travail, la somme de 5 000 euros pour le non-respect de la durée minimale de repos quotidien et la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour le retrait brutal du logement qui lui était concédé à titre gratuit par nécessité absolue de service ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pessac la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable ;

- ses horaires de travail ne sont pas conformes aux dispositions des décrets 2001-623 et 2000-815 dès lors que ses contraintes horaires ont été alourdies depuis qu'il bénéficie d'un logement concédé pour nécessité absolue de service en sa qualité de " gardien-concierge de la plaine des sports de Saige " à compter du 1er juillet 2013 ; les heures supplémentaires au-delà de 48 heures doivent donc être rémunérées ;

- il doit également être indemnisé du dépassement de la durée hebdomadaire de travail et du non-respect du temps de repos quotidien ;

- il a été brutalement privé de son logement de fonction à compter du 1er juillet 2016, de la NBI et n'a pas été remboursé intégralement de ses frais de déménagement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, la commune de Pessac, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande devant le tribunal était tardive dès lors qu'il était informé depuis le courrier du 16 juillet 2014 du refus de la commune de le faire bénéficier des heures supplémentaires qu'il réclamait et qu'il n'a pas formé de recours dans un délai raisonnable ;

- le décret n° 2001-623 règlemente la notion de temps de travail effectif ;

- aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- les observations de M. C..., et de Me B..., représentant la commune de Pessac.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique employé par la commune de Pessac, a été affecté à compter du 1er juillet 2011 sur un poste d'agent d'exploitation des équipements sportifs à la direction des sports de la commune à temps complet et de gardien d'installations sportives sur le site de la plaine des sports de Saige. A compter du 1er juillet 2013, il a bénéficié d'un logement de fonction pour nécessité absolue de service en contrepartie d'obligations de service mises à sa charge par un arrêté du 11 juin 2013. Toutefois à compter du 1er juillet 2016, le maire de la commune de Pessac a procédé au changement d'affectation de M. C... et a mis fin à la concession de logement par nécessité absolue de service. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à lui verser la somme totale de 37 652,70 euros, en raison d'heures supplémentaires non payées entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2016, du non-respect des règles relatives à l'amplitude maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, du non-respect des temps de repos quotidien et de la privation brutale du logement de fonction. Il relève appel du jugement du 26 septembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 rendu applicable aux agents de la fonction publique territoriale par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " I.- L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. (...) ". L'article 4 de ce décret dispose que : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. / (...) Pour les agents relevant d'un régime de décompte horaire des heures supplémentaires, celles-ci sont prises en compte dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. Elles font l'objet d'une compensation horaire (...). A défaut, elles sont indemnisées ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ". Aux termes de l'article 4 du décret du 12 juillet 2001 : " L'organe délibérant de la collectivité (...) détermine (...) les conditions de mise en place des cycles de travail prévus par l'article 4 du décret du 25 août 2000 susvisé (...) ", et aux termes de l'article 5 du même décret : " L'organe délibérant de la collectivité (...) détermine (...) les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, les modalités de leur organisation et la liste des emplois concernés ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " (...) sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " A défaut de compensation sous la forme d'un repos compensateur, les heures supplémentaires accomplies sont indemnisées (...) ". L'article 9 du même décret énonce que : " Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre ". Selon l'article 1er du décret du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale : " (...) bénéficient d'une indemnité non soumise à retenue pour pension ou, à défaut, d'un repos compensateur certains agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant : / 1° Lorsqu'ils sont appelés à participer à une période d'astreinte (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La rémunération et la compensation des obligations décrites à l'article 1er (...) ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) ".

Sur le paiement d'heures supplémentaires :

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, si un agent territorial bénéficiant d'une concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service ne peut pas prétendre au paiement ou à la compensation de ses périodes d'astreinte et de permanence, y compris lorsque ces périodes ne lui permettent pas de quitter son logement, il peut toutefois prétendre au paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires, à la double condition que ces heures correspondent à des interventions effectives, à la demande de l'autorité hiérarchique, réalisées pendant le temps d'astreinte ou de permanence, et qu'elles aient pour effet de faire dépasser à cet agent les bornes horaires définies par le cycle de travail.

5. Il résulte de l'instruction que M. C... était soumis à une durée légale de travail de trente-cinq heures par semaine, et rémunéré sur cette base, mais n'effectuait que 24 heures par semaine dans le cadre de ses fonctions d'agent d'exploitation au service des sports de la commune de Pessac. S'il est constant que dans le cadre de ses fonctions de gardien du complexe sportif de Saige, une astreinte de 15h à 23h lui était imposée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir la réalité d'heures supplémentaires. M. C... fait valoir que les obligations mises à sa charge en contrepartie du logement de fonction consistaient à assurer l'ouverture et la fermeture des différents locaux et portails selon les horaires fixés par le service, comptabiliser les fréquentations et veiller à ce que l'usage des installations soit conforme aux modalités de mise à disposition, veiller à ce qu'aucun véhicule non autorisé ne circule sur les terrains, assurer le retraçage et l'arrosage des terrains en fonction des besoins, procéder aux vérifications en matière de sécurité, assurer le gardiennage sur les terrains jusqu'à 23h et concernant le hall, ouvrir et fermer les locaux jusqu'à 23h, nettoyer le hall et les vestiaires entre deux utilisations. Toutefois, et ainsi que l'a décidé à bon droit le tribunal administratif de Bordeaux, la seule production de plannings indiquant les jours durant lesquels l'intéressé a exercé cette mission de gardiennage ne permet d'identifier ni le nombre ni la durée des interventions effectuées à la demande de l'autorité hiérarchique pouvant être qualifiées d'heures supplémentaires au sens des textes précités. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, M. C... n'effectuait que 24 heures par semaine dans ses fonctions d'agent d'exploitation et bénéficiait d'heures de récupération et de congés liés à ses fonctions de gardien. Dans ces conditions, et à défaut d'élément précis de nature à établir la quantité de travail effectif en qualité de gardien du complexe sportif et à défaut de précisions sur les compensations horaires dont il bénéficiait par ailleurs, sa demande d'indemnisation d'heures supplémentaires ne peut qu'être rejetée.

Sur le dépassement de la durée maximale de travail et le non-respect des règles en matière de repos quotidien :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. C... n'établit pas avoir travaillé au-delà des 35 heures hebdomadaires qui constituaient son cycle de travail pour la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016. S'il invoque un dépassement fautif de l'amplitude maximale de travail et une méconnaissance des règles en matière de temps de repos au titre de la période en litige de nature à engager la responsabilité de la commune de Pessac, il n'en démontre pas la réalité.

Sur la perte du logement de fonction :

7. Selon l'article R. 2124-73 du code général des collectivités territoriales : " Les concessions de logement et les conventions d'occupation précaire avec astreinte sont, dans tous les cas, accordées à titre précaire et révocable. Leur durée est limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient (...) ". L'article 2 de l'arrêté du 11 juin 2013 du maire de Pessac concédant un logement de fonction à M. C... prévoit que cette concession qui est accordée à raison de l'emploi de gardien du complexe sportif, est révocable de plein droit par l'administration, moyennant un délai de préavis de 3 mois, dès la cessation des fonctions de gardien au titre desquelles elle est attribuée, quel que soit le motif de cette cessation.

8. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 4 mars 2016 reçu au plus tard le 21 mars 2016, M. C... a été informé qu'à compter du 1er juillet 2016 il serait affecté à d'autres fonctions, que sa concession de logement serait révoquée à compter de cette date et qu'il devrait libérer définitivement son logement de fonction au plus tard le 30 juin 2016. Dès lors, la commune de Pessac n'a pas commis de faute en informant l'intéressé plus de trois mois avant l'échéance, respectant en cela le délai de préavis, qu'il serait mis fin à la concession de logement de M. C... dès lors qu'il n'exercerait plus les fonctions de gardien du complexe sportif.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Pessac, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pessac à l'indemniser d'heures supplémentaires réalisées et de faute dans l'organisation de son service.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pessac, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée sur leur fondement par M. C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Pessac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et à la commune de Pessac.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme D... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne G... Le président,

Didier ARTUS Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03866
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Logement de fonction.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : LAPLAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;18bx03866 ?
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