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30/11/2020 | FRANCE | N°18BX03131

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 novembre 2020, 18BX03131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Déols a prononcé sa révocation à compter du 1er mai 2016.

Par un jugement n° 16000871 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2018, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arr

té du 22 avril 2016, par lequel le maire de la commune de Déols a prononcé sa révocation à compter du 1er mai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Déols a prononcé sa révocation à compter du 1er mai 2016.

Par un jugement n° 16000871 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2018, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2016, par lequel le maire de la commune de Déols a prononcé sa révocation à compter du 1er mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Déols de le réintégrer dans les effectifs de la commune dans un délai de huit jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Déols une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Il soutient que :

- ni la décision en litige ni le procès-verbal du conseil de discipline ne font état de faits précis permettant d'apprécier la gravité du comportement reproché à M. F... ;

- il n'a pas été tenu compte du fait qu'il avait pris conscience des répercussions de sa consommation d'alcool sur certaines de ses réactions et de ses efforts d'abstinence ;

- la sanction est entachée d'erreur d'appréciation et est disproportionnée.

Par des mémoires, enregistrés les 13 et 19 mai 2020, la commune de Déols, représentée par Me I..., demande à la cour de rejeter la requête de M. F... et de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... A...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Déols.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une procédure disciplinaire engagée par la commune de Déols (Indre) le 20 janvier 2016 à l'encontre de M. F..., recruté par la commune, d'abord en qualité d'agent non titulaire à compter du 1er août 1992, puis en qualité d'adjoint technique territorial le 1er juin 1997, le maire de cette commune a, après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline qui s'est prononcé au cours de sa séance du 18 mars 2016, décidé sa révocation par un arrêté du 22 avril 2016 à compter du 1er mai suivant. M. F... a demandé l'annulation de cette sanction au tribunal administratif de Limoges et relève appel du jugement du 14 juin 2018 qui rejette sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. L'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 12 du décret 1989 relatif à la procédure applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le conseil de discipline délibère sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (...). La proposition ayant recueilli l'accord de la majorité des membres doit être motivée (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du conseil de discipline qui a examiné le 18 mars 2016 la situation de M. F..., qu'en tenant compte de la dégradation continue du travail de M. F... depuis de nombreuses années, exclusivement liée à sa consommation d'alcool, le conseil de discipline a estimé que ce comportement fautif était de nature à justifier une sanction mais que, compte-tenu de la prise de conscience de M. F... devant le conseil de discipline et de l'engagement de produire devant son supérieur hiérarchique des preuves de son abstinence à l'alcool, le conseil de discipline a émis à la majorité de ses membres présents la proposition d'exclusion de fonctions d'une durée de seize jours avec sursis. Par suite, contrairement à ce que soutient M. F..., cet avis comporte les griefs précis pris en compte par le conseil de discipline pour émettre son avis. Dès lors, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'arrêté en litige n'est pas intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière.

4. En deuxième lieu, l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire a l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent intéressé, de sorte que celui-ci puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'il est reproché à M. F... une dégradation continue et prolongée de sa manière de servir et plus particulièrement un comportement conflictuel et agressif avec ses collègues et chefs de service des services techniques, des actes de désobéissance et d'insubordination depuis de nombreuses années, qui ont pour conséquence de perturber le bon fonctionnement du service depuis plusieurs années, et, enfin, que ses collègues et supérieurs hiérarchiques craignent pour leur intégrité physique, en particulier lorsque M. F... est alcoolisé. Il ressort de l'arrêté de révocation en litige que la sanction proposée par le conseil de discipline a été regardée comme ne sanctionnant pas suffisamment l'agent en raison des faits qui lui sont reprochés : état d'imprégnation alcoolique, introduction de boissons alcoolisées, désobéissance et insubordination depuis des années. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée n'énoncerait pas de griefs précis. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : / (...) la révocation (...) ".

6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l'intéressé et de ses antécédents disciplinaires.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports établis par le directeur général des services de la commune en date des 4 janvier 2010 et 26 août 2011 que, depuis le mois d'octobre 2009, M. F... a adopté à plusieurs reprises un comportement conflictuel et même agressif avec ses collègues des services techniques et ses chefs de service. Ainsi, un jour de novembre 2009 et le 3 décembre 2009, il a agressé verbalement et a eu des propos injurieux à l'encontre de supérieurs hiérarchiques. Le 25 août 2011, il a agressé verbalement et même physiquement son supérieur hiérarchique en proférant à son encontre des menaces physiques. Il ressort du rapport du directeur général des services du 12 janvier 2016 que M. F... discute systématiquement les ordres et dénigre ses supérieurs hiérarchiques. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les problèmes d'addiction à l'alcool de M. F... ont été rappelés au cours d'un entretien professionnel le 1er décembre 2014, au cours duquel a été évoqué son comportement inadapté et un rappel du règlement intérieur. Il ressort également des pièces du dossier que l'état d'alcoolisation du requérant a obligé ses collègues à demeurer, notamment le 15 octobre 2015, à ses côtés pour le surveiller et à l'affecter à des tâches ne comportant pas l'usage d'outils dangereux, ce qui a donc perturbé le service. Enfin, il a été découvert, le 14 décembre 2015, que M. F... avait trois bouteilles de vin vides dans son casier et qu'il a probablement consommé de l'alcool sur son lieu de travail pendant ses horaires de travail.

8. Ces agissements dont la réalité est suffisamment établie par les pièces du dossier, constituent des manquements à ses obligations professionnelles, notamment à ses devoirs de probité et d'obéissance hiérarchique, qui sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.

9. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la gravité et du caractère réitéré des agissements reprochés, de la circonstance que M. F... a déjà fait l'objet d'un recadrage tenant lieu d'avertissement, d'un blâme, le 3 février 2010 et d'une exclusion de fonctions de 15 jours avec sursis dont trois jours fermes le 26 septembre 2011 et de ses engagements successifs d'amélioration de son comportement qui n'ont pas été suivis d'effet, ces faits sont de nature à justifier la sanction de révocation prononcée qui n'est pas disproportionnée.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Déols a prononcé sa révocation à compter du 1er mai 2016. Ses conclusions en injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais de procès :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Déols, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. F... au titre de ses frais de procès. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. F... la somme demandée par la commune de Déols au titre des dispositions précitées du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... et les conclusions de la commune de Déols présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et à la commune de Déols.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme G... H..., présidente-assesseure,

Mme E... A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah A...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°18BX03131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03131
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : AVELIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;18bx03131 ?
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