La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2020 | FRANCE | N°18BX02814

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 novembre 2020, 18BX02814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint Pierre d'Aurillac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société Saur et son assureur, la société Générali, à lui verser la somme de 48 601,20 euros, en réparation des désordres affectant la station d'épuration de Douat et de condamner la société Véolia à lui verser la somme de 6 546 euros.

Par un jugement n° 1700404 du 30 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente p

our en connaître les conclusions dirigées contre la société Générali, a condamné les so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint Pierre d'Aurillac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société Saur et son assureur, la société Générali, à lui verser la somme de 48 601,20 euros, en réparation des désordres affectant la station d'épuration de Douat et de condamner la société Véolia à lui verser la somme de 6 546 euros.

Par un jugement n° 1700404 du 30 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions dirigées contre la société Générali, a condamné les sociétés Saur et Véolia à verser à la commune de Saint-Pierre d'Aurillac la somme de 6 546 euros chacune, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 juillet 2018, les 4 et 27 juin 2019 et le 29 novembre 2019, la commune de Saint Pierre d'Aurillac, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2018 ;

2°) de condamner la société Saur à lui verser la somme de 56 299,45 euros TTC au titre des surcoûts d'exploitation pour la période du 1er janvier 2016 à mars 2017, somme assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la société Saur la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres entrent dans le champ de la garantie décennale et sont imputables à la société Saur et à la société Véolia ;

- le tribunal n'a pas retenu le préjudice lié au traitement des boues qui n'ont pas été prises en charge par le système défectueux en raison du défaut de justificatifs qui sont désormais produits en appel pour un montant de 56 299,45 euros ;

- Véolia ayant déjà supporté le surcoût lié au traitement des boues de janvier 2010 à décembre 2015, seule la société Saur doit être condamnée au paiement de ce préjudice pour la période postérieure du 1er janvier 2016 à juin 2017.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2018 et le 1er juillet 2019, la société Véolia, représentée par Me G..., conclut à sa mise hors de cause dès lors qu'aucune demande n'est dirigée contre elle par la commune, à ce que l'appel incident de la société Saur soit déclaré irrecevable et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des parties perdantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, la société Générali, représentée par Me C..., conclut à sa mise hors de cause dès lors qu'aucune demande n'est dirigée contre elle par la commune et qu'en tout état de cause de telles conclusions seraient irrecevables pour être portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre. Elle demande également qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de commune de Saint Pierre d'Aurillac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juin 2019, le 7 août 2019 et le 6 octobre 2020, la société Saur, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Saint Pierre d'Aurillac ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a retenu sa responsabilité au titre de la garantie décennale dans les dysfonctionnements des bassins de filtration ;

3°) de condamner la société Véolia à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint Pierre d'Aurillac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres n'entraient pas dans le champ de la garantie décennale car ils étaient imputables à un défaut d'exploitation et non de construction ; en effet elle a correctement planté les roseaux mais l'exploitant Véolia n'a pas respecté les consignes d'exploitation ; en tout état de cause elle a déjà avancé les frais des travaux de réparation des lits ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de rejeter la demande de la commune quant au préjudice lié aux surcoûts d'exploitation ou d'en ramener le montant à de plus justes proportions, les lits ayant été mis en service en mars 2017 ; par ailleurs la commune ne démontre pas avoir remboursé les frais correspondant aux factures payées par la société Sogedo.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... I...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Saint-Pierre d'Aurillac, de Me A..., représentant la société Saur, et de Me H..., représentant la société Générali.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 7 mai 2008, la commune de Saint-Pierre d'Aurillac a confié à la société Saur la construction d'une station d'épuration d'une capacité de 1 500 équivalents-habitants, pour un montant de 912 834,62 euros. Le traitement des boues extraites du bassin d'aération se fait par drainage dans des lits de graviers plantés de roseaux. Les travaux ont été réceptionnés le 23 septembre 2009, sans réserve en ce qui concerne les six bassins de drainage. La station d'épuration était exploitée par la société Véolia Eau-Compagnie Générale des eaux, délégataire du service d'assainissement collectif de la commune de Saint-Pierre d'Aurillac du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2015, puis par la société Sogedo depuis le 1er janvier 2016. En raison de dysfonctionnements des massifs filtrants, la société Saur a replanté l'intégralité des roseaux en 2011 et a procédé au curage du lit n°1. Cependant, les dysfonctionnements ont persisté. La commune a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise qui a été ordonnée le 27 octobre 2015. Le rapport d'expertise a été déposé le 26 octobre 2016. La commune de Saint-Pierre d'Aurillac a demandé au tribunal de Bordeaux de condamner la société Saur et son assureur, la société Générali, sur le fondement de la garantie décennale, et la société Véolia, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à l'indemniser des préjudices subis résultant des travaux de réhabilitation des 6 bassins et des surcoûts d'exploitation pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017. Le tribunal administratif de Bordeaux a seulement condamné les sociétés Saur et Véolia au paiement d'une somme de 6 546 euros chacune au titre des travaux de réhabilitation à verser à la commune de Saint Pierre d'Aurillac. Cette dernière relève appel du jugement du 30 avril 2018 en tant qu'il n'a pas satisfait entièrement à sa demande. La société Saur conclut au rejet de la requête de la commune et, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la commune au titre des travaux de réhabilitation.

Sur l'appel incident de la société Saur :

2. Les conclusions de la société Saur tendant à la réformation du jugement attaqué, en tant qu'il a reconnu sa responsabilité décennale et l'a condamnée à verser à la commune la somme de 6 546 euros au titre des travaux consistant à remettre à niveau, à nettoyer les massifs et à planter de nouveaux roseaux, portent sur un préjudice différend et donc un litige distinct de celui introduit par l'appel principal de la commune de Saint Pierre d'Aurillac portant sur la seule prestation de traitement extérieur de boues dans l'attente de la réalisation des travaux de reprise et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel. Dès lors, ces conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur l'appel principal de la commune de Saint Pierre d'Aurillac :

3. La commune de Saint Pierre d'Aurillac relève appel du jugement en tant que le tribunal ne l'a pas indemnisée du préjudice lié au traitement extérieur des boues dans l'attente des travaux de nettoyage et de plantation des bassins, au motif de l'absence de justificatifs permettant d'établir la réalité de la dépense. Elle produit en appel des factures de la société Sarp Sud-Ouest pour un montant de 56 299,45 euros.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le dysfonctionnement de la filière boue de la station d'épuration a conduit à la neutralisation des lits d'égouttage dans l'attente de la plantation de nouveaux roseaux, entrainant des extractions de boues pour un montant estimé à 42 055,20 euros TTC par le nouvel exploitant, la société SOGEDO, pour la période de janvier 2016 à juin 2017. Si la commune de Saint Pierre d'Aurillac produit en appel des factures pour un montant de 56 299,45 euros, aucun élément ne permet de s'assurer de l'affectation de la totalité de ces factures aux travaux en cause et d'expliquer l'augmentation de la somme initialement prévue par l'exploitant. Par ailleurs, si la société Saur fait valoir que la preuve du paiement des factures n'est pas apportée, il est cependant constant que la commune a bien supporté le cout du préjudice lié à la neutralisation des lits d'égouttage jusqu'en mars 2017, date à laquelle les lits ont été replantés. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 35 046 euros TTC correspondant au montant des travaux présenté par le nouvel exploitant pour une période de 18 mois, soit 42 055,20 euros, et ramené à la seule période de 15 mois effectivement concernée de janvier 2016 à mars 2017.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2, et il ne peut plus être contesté par la société Saur, que la société Véolia et la société Saur sont responsables pour moitié chacune des désordres résultant des dysfonctionnements des bassins filtrants. La société Saur n'apportant aucun élément permettant de remettre en cause ceux relevés par l'expert, selon lesquels la société Véolia a supporté, pour la précédente période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2015, les surcoûts d'exploitation liés à l'extraction des boues supplémentaires d'un montant équivalent, il y a lieu de mettre à la charge de la société Saur, seule mise en cause par la commune de Saint Pierre d'Aurillac, la totalité de la somme de 35 046 euros TTC pour la période postérieure. Dans ces conditions, la société Saur étant seule responsable de ce dommage, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande à être garantie par la société Véolia du montant de la condamnation.

6. Il résulte de ce qui précède, que la commune de Saint Pierre d'Aurillac est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant de la neutralisation des bassins filtrants. Il y a lieu de reformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux sur ce point et de condamner la société Saur au paiement de la somme de 35 046 euros à verser à la commune de Saint Pierre d'Aurillac.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

7. La commune de Saint Pierre d'Aurillac a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 35 046 euros à compter de la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Bordeaux, le 31 janvier 2017. La capitalisation des intérêts a été demandée à cette même date. Il y a lieu d'y faire droit à compter du 31 janvier 2018, date à laquelle il était dû pour la première fois une année d'intérêts et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint Pierre d'Aurillac au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'elle n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Saur, une somme à verser à la commune requérante et à la société Véolia sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La société Saur est condamnée à verser la somme de 35 046 euros à la commune de Saint Pierre d'Aurillac. Cette somme portera intérêts à compter du 31 janvier 2017. Les intérêts seront capitalisés au 31 janvier 2018 afin de produire eux-mêmes intérêts et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint Pierre d'Aurillac, à la société Saur, à la société Véolia et à la société Générali.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme F... I..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne I... Le président,

Didier ARTUS Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02814
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET GUESPIN CASANOVA AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;18bx02814 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award