La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2020 | FRANCE | N°18BX01960

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 novembre 2020, 18BX01960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 210 853,83 euros, avec les intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de son absence d'affiliation au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire de retraite pour la période allant de 1976 à 1989, dans le cadre des mandats sanitaires qui lui ont été confiés.

Par un jugement n° 1600963 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de la Pau a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2018, M. F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 210 853,83 euros, avec les intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de son absence d'affiliation au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire de retraite pour la période allant de 1976 à 1989, dans le cadre des mandats sanitaires qui lui ont été confiés.

Par un jugement n° 1600963 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de la Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2018, M. F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 210 853,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices subis du fait de son absence d'affiliation au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire de retraite pour la période allant de 1976 à 1989, dans le cadre des mandats sanitaires qui lui ont été confiés.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de répondre à un moyen, tiré de ce que ce n'est qu'en 2012, postérieurement à l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 novembre 2011, que la CARSAT a procédé à une nouvelle évaluation des cotisations dues par l'Etat et qu'il a eu connaissance de l'erreur commise par l'URSSAF en 2006, qui avait procédé à ses estimations sans réactualisation ni revalorisation ;

- l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à sa demande d'indemnisation car il n'a eu connaissance qu'en 2012 de l'erreur commise par l'URSSAF ;

- le litige qu'a eu à trancher le Conseil d'Etat ne portait que sur ses cotisations CARSAT et non sur ses cotisations IRCANTEC ;

- il est ainsi fondé à demander la somme de 109 124, 87 euros au titre de ses cotisations de la CARSAT, la somme de 36 338, 27 euros au titre des pensions de retraite que lui aurait versées la CARSAT, la somme de 17 440, 60 euros au titre de ses cotisations de l'IRCANTEC et celle de 47 950, 10 euros au titre des pensions de retraite que lui aurait versées l'IRCANTEC.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour de rejeter la requête de M. F....

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé et indique s'en remettre à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 3 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... a exercé jusqu'au 1er juillet 2010, date de son admission à la retraite, la profession de vétérinaire à titre libéral. Il a en outre exercé depuis le 17 septembre 1976 dans le cadre de mandats sanitaires, des opérations de prophylaxies collectives organisées par l'Etat dans le département des Pyrénées-Atlantiques pour lesquelles il a été rémunéré par l'Etat. Toutefois, s'étant rendu compte que l'Etat ne s'était pas acquitté de l'obligation de l'affilier au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire, il a recherché la responsabilité de l'Etat pour le préjudice qu'il estimait avoir subi. Par une décision du 14 novembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a condamné l'Etat à verser à M. F... la somme de 14 800 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de versement des cotisations d'assurance-vieillesse dues par lui au régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés pour l'exercice des mandats sanitaires sur la période allant du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989. Ayant eu connaissance par la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) en 2012 que le montant de son préjudice qu'il avait évalué à partir d'une attestation de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) établie en 2006, avait été sous-évalué, M. F... a sollicité un complément d'indemnisation pour les opérations de prophylaxie effectuées de 1976 à 1989, dans le cadre de la procédure de règlement amiable mise en place par le ministère chargé de l'agriculture à compter du 24 avril 2012. Par une lettre du 14 mai 2014, le ministre en charge de l'agriculture lui a communiqué une proposition d'assiette des cotisations concernées, mais aucun accord transactionnel n'a abouti. M. F... a, après avoir lié le contentieux par un courrier du 26 janvier 2016, saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande indemnitaire tendant à obtenir la somme de 210 853,83 euros en réparation des préjudices subis du fait du refus de versement de cotisations par l'Etat au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire, à raison des mandats sanitaires qui lui ont été confiés à compter du 17 septembre 1976. Il relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par M. F..., ont répondu au moyen tiré de ce que le courrier de la CARSAT du 3 mai 2012 constituerait une circonstance nouvelle faisant obstacle à l'autorité de la chose jugée au point 3 du jugement. Par suite, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas entaché d'une omission à répondre à des moyens.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Par sa décision du 14 novembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis la responsabilité pour faute de l'Etat, au motif qu'il n'avait jamais fait procéder à l'immatriculation de M. F..., ni versé les cotisations correspondantes durant toute sa période d'activité du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989 auprès des organismes de retraite. Pour réparer le préjudice subi par cette faute, l'Etat a été condamné à lui verser une indemnité correspondant aux cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse d'un montant de 14 800 euros, que M. F... avait à verser à titre de régularisation, auprès de la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse territorialement compétente, pour obtenir une pension de retraite au titre de son activité salariée. En revanche, faute pour M. F... de produire des éléments permettant d'évaluer le montant des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation, sa demande d'indemnisation de ce chef a été rejetée.

En ce qui concerne sa demande de paiement des cotisations de l'IRCANTEC :

4. En premier lieu, en rejetant, dans sa décision du 14 novembre 2011 précitée, la demande d'indemnisation de M. F... tendant au paiement des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation, le Conseil d'Etat a statué au fond. Par conséquence, l'autorité relative de la chose jugée opposée par l'administration en première instance fait obstacle à ce que M. F... présente une nouvelle demande en vue d'obtenir la réparation des mêmes préjudices résultant du même fait générateur de responsabilité.

En ce qui concerne sa demande de paiement des arriérés de pensions de retraite :

5. En second lieu, il résulte de la décision du Conseil d'Etat du 14 novembre 2011 précitée que M. F... demandait une indemnité correspondant au montant des cotisations dues par l'Etat, son employeur, pendant la période allant du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989, qu'il avait à verser à titre de régularisation afin de percevoir une pension de retraite complète, et dont il était admis à procéder lui-même aux lieu et place de l'employeur. Par suite, alors même que M. F... n'a jamais procédé à la régularisation de ses cotisations, l'autorité relative de la chose jugée opposée par l'administration en première instance fait obstacle à ce qu'il présente une nouvelle demande en vue d'obtenir la réparation des mêmes conséquences que celles qui auraient résulté du paiement des cotisations aux organismes de retraite et qui procèdent du même fait générateur de responsabilité.

En ce qui concerne l'aggravation de son préjudice :

6. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale : " La pension ou la rente liquidée dans les conditions prévues aux articles R. 351-1 et R. 351-9 n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à l'assurance vieillesse dans les conditions définis à l'article R. 351-1. ". Aux termes de l'article R. 351-11 du même code : " I.- (...) il est tenu compte, pour l'ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse prévues aux articles L. 351-1, L. 351-7 et L. 352-1, de toutes les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à l'entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement. (...) ".

7. Il résulte de la décision du Conseil d'Etat du 14 novembre 2011 précitée que M. F... a chiffré les arriérés de cotisations patronales et salariales d'assurance-vieillesse qu'aurait dû verser l'Etat, à partir du décompte établi par l'URSSAF le 10 juin 2006 pour la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989. Le décompte des arriérés de cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse sur cette même période, réalisé par la CARSAT, à la demande de M. F... le 3 mai 2012, et valable jusqu'au 31 décembre 2012, fait apparaître des arriérés de cotisations d'un montant plus élevé, tenant compte d'un coefficient de revalorisation et d'un taux d'actualisation. Toutefois, cet élément ne constitue pas une circonstance nouvelle dès lors que M. F..., qui n'a procédé à aucun versement de cotisations, ainsi qu'il a été dit, ne peut plus régulariser ses cotisations auprès de la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse territorialement compétente, par application de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à la suite de l'entrée en jouissance de sa pension à compter du 1er juillet 2010. Par suite, M. F... ne peut être regardé comme ayant subi une aggravation du préjudice dont il avait initialement obtenu réparation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions présentées au titre de ses frais d'instance doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme G... H..., présidente-assesseure,

Mme D... C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah C...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°18BX01960 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01960
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel - Perte de revenus - Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;18bx01960 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award