Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n°s 1900411, 1900567 du 25 avril 2019, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 3 octobre 2019 sous le n° 19BX03718 et un mémoire portant dépôt de pièces complémentaires, enregistré le 18 juin 2020, M. G..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 25 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 21 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- en retenant que le préfet a également fondé la décision portant interdiction de retour sur le fait qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement confirmée par jugement du 28 juin 2018 et non exécutée, le premier juge a opéré d'office une substitution de motif qui n'était pas demandée par le préfet et sans qu'il soit mis en mesure d'y répondre ;
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du règlement n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît son droit au séjour provisoire en tant que demandeur d'asile : le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'est pas définitif dès lors qu'il a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision, ce qui suppose l'existence d'un ou plusieurs motifs sérieux de cassation ; en outre, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé recevable sa demande de réexamen pour laquelle il a été convoqué pour un entretien le 10 octobre 2019 ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il est présent depuis plus de quatre ans sur le territoire français où il est parfaitement intégré ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le conseil d'Etat par décision du 12 juin 2020 a annulé la décision de la cour nationale du droit d'asile du 24 janvier 2019 ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement : le rejet de sa demande d'asile par la CNDA n'est pas définitif dès lors qu'il a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision, ce qui suppose l'existence d'un ou plusieurs motifs sérieux de cassation ; en outre, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé recevable sa demande de réexamen pour laquelle il a été convoqué pour un entretien le 10 octobre 2019 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il a été victime de violences au Soudan en tant qu'opposant politique et craint pour sa vie en cas de retour dans cet Etat ; en outre, il justifie de nouveaux éléments qu'il n'a pas pu produire devant la CNDA ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière : il n'a pas pu faire valoir des observations préalablement à l'édiction de cette décision, en méconnaissance des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de tous les critères posés par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le préfet ne pouvait fonder sa décision sur le motif tiré de ce qu'il est en situation irrégulière depuis la décision de la CNDA qu'il n'a pas respecté ; la décision ne mentionne pas qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2019.
II. Par une requête enregistrée le 7 octobre 2019 sous le n° 19BX03806 et un mémoire portant dépôt de pièces complémentaires, enregistré le 18 juin 2020, M. G..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 avril 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution du jugement de première instance aurait des conséquences difficilement réparables et soulève les mêmes moyens que ceux développés au soutien de la requête n° 19BX03718 susvisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1988, est entré irrégulièrement en France le 12 mars 2015 selon ses déclarations et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 mai 2015, définitivement confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 18 décembre 2015. Le 13 juillet 2016, il a sollicité un premier réexamen de sa demande d'asile. L'OFPRA a déclaré cette demande irrecevable par décision du 27 juillet 2016, définitivement confirmée par la CNDA le 20 février 2017. Le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi par un arrêté du 27 avril 2018 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 juin 2018 devenu définitif. L'intéressé n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement et a de nouveau sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 12 juin 2018. Sa demande a été une nouvelle fois déclarée irrecevable par une décision de l'OFPRA du 25 juin 2018, confirmée par la CNDA le 24 janvier 2019. Par un arrêté du 21 février 2019, le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par la requête n° 19BX03718, M. G... relève appel du jugement du 25 avril 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête n° 19BX03806, M. G... demande le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête n° 19BX03718 :
2. Par décision du 12 juin 2020 (n° 434971), le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation de la décision de la CNDA du 24 janvier 2019 par laquelle la cour a rejeté la demande de M. G... tendant à obtenir l'annulation de la décision du 25 juin 2018 par laquelle l'OFPRA a refusé de réexaminer sa demande d'asile. Dès lors, le rejet de la demande d'asile de M. G... n'étant pas définitif, l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, fondé sur le fait que la reconnaissance de la qualité de réfugié lui ayant été définitivement refusée, le requérant ne disposait d'aucun droit au séjour, doit être annulé.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. L'annulation de l'arrêté en litige implique la délivrance à M. G... d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Corrèze d'y procéder dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la requête n° 19BX03806 :
5. La cour, statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. G... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 19BX03806 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais de l'instance :
6. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me D..., conseil de M. G..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. En revanche, en ce qui concerne l'instance engagée devant le Tribunal administratif de Limoges, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du présent arrêt, le conseil du requérant n'ait pas déjà perçu l'aide juridictionnelle accordée par décision du 13 mars 2019. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande l'avocat du requérant au titre des frais de première instance.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19BX03806 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°s 1900411, 1900567 du 25 avril 2019 du président du tribunal administratif.
Article 2 : Le jugement n°s 1900411, 1900567 du 25 avril 2019, du président du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de la Corrèze du 21 février 2019 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. G..., en qualité de demandeur d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente,
M. F... C..., président-assesseur,
M. Gueguein, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
La présidente,
Evelyne A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 19BX03718, 19BX03806