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17/11/2020 | FRANCE | N°20BX01925

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 novembre 2020, 20BX01925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a présenté deux requêtes au tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Dordogne l'a assigné à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de six mois à compter de la date de sa levée d'écrou.

Par un jugement n° 2002023, 2002034 du 15 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 15 juin 2020, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a présenté deux requêtes au tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Dordogne l'a assigné à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de six mois à compter de la date de sa levée d'écrou.

Par un jugement n° 2002023, 2002034 du 15 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2020, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2002023, 202034 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté d'assignation à résidence du 6 mai 2020 ;

3°) subsidiairement, d'ordonner au préfet de prendre toute mesure de nature à préserver sa vie familiale en adaptant et en allégeant les contraintes résultant pour lui de la mesure d'assignation à résidence, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'absence d'examen circonstancié par le préfet de sa situation personnelle et au moyen tiré de l'absence d'interprète au moment de la notification de l'arrêté d'assignation à résidence.

Il soutient, au fond, que :

- l'arrêté en litige n'est pas motivé ;

- il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète au moment de la notification de l'arrêté en litige ; cette formalité s'applique aussi aux mesures d'assignation à résidence sauf à rompre le principe d'égalité ;

- les modalités fixées dans l'arrêté d'assignation à résidence sont disproportionnées ;

- l'arrêté en litige est entaché de défaut de base légale car l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par ailleurs ne pouvait être mise à exécution tant que le tribunal ne s'était pas prononcé sur la légalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2020, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est un ressortissant américain né le 6 septembre 1961 qui est entré sur le territoire français en mai 2017 selon ses déclarations. Le 7 décembre 2018, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour escroquerie en bande organisée et blanchiment. Le 2 septembre 2019, alors qu'il était incarcéré, M. D... a demandé son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 novembre 2019, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, de la désignation du pays de renvoi et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

2. Le 28 novembre 2019, M. D... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2019. Informé de ce que M. D... serait libéré le 13 mai 2020, le préfet de la Gironde a pris à l'encontre de ce dernier un arrêté du 6 mai 2020 d'assignation à résidence pour une durée de six mois à compter de la levée d'écrou afin de préparer l'exécution de la mesure d'éloignement contenue dans sa décision du 27 novembre 2019. Le préfet a également informé le tribunal administratif de Bordeaux de la levée d'écrou de M. D..., ce qui a conduit le magistrat désigné du tribunal à statuer sur la légalité de la mesure d'éloignement, en application du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1905971 du 13 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 27 novembre 2019. Par un autre jugement n° 2002023 et 2002034 du 15 mai 2020, le magistrat désigné du tribunal a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence du 6 mai 2020. Enfin, le tribunal administratif de Bordeaux statuant en formation collégiale par un jugement n°1905971 du 3 juillet 2020, a rejeté la demande de M. D... dirigée contre le refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté du 27 novembre 2019.

3. M. D..., par la présente requête enregistrée sous le n° 20BX01925, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2002023 et 2002034 du 15 mai 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence du 6 mai 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Contrairement à ce que soutient M. D..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a suffisamment répondu, aux points 3 et 4 de sa décision, aux moyens tirés de l'absence d'examen, par le préfet, de sa situation personnelle et de l'absence d'interprète au moment de la notification de l'arrêté d'assignation à résidence. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de motivation doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 mai 2020 :

5. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré : ( ...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation ".

6. En premier lieu, l'arrêté d'assignation à résidence en litige rappelle qu'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans a été prise à l'encontre de M. D... le 27 novembre 2019, que ce dernier doit bénéficier d'une levée d'écrou le 13 mai 2020 et qu'il ne justifie pas d'attaches privées ou familiales sérieuses en France ni d'une durée significative de séjour dans ce pays. Le préfet relève également que les vols à destination des Etats-Unis sont, à la date de sa décision, provisoirement suspendus et qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement de M. D... à la fin de la crise sanitaire. Il est encore indiqué que M. D... est dépourvu de documents de voyage en cours de validité, ce qui ne lui permet pas d'exécuter actuellement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre mais qu'il justifie de garanties de représentation propres à permettre son assignation à résidence, à savoir son domicile situé à Périgueux. Le préfet a déduit de ces considérations qu'il existait une perspective raisonnable d'éloignement de M. D.... Quant aux modalités d'assignation à résidence définies dans l'arrêté, elles sont motivées par référence à la nature et à la gravité des faits commis par M. D..., qui s'est rendu coupable d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment d'argent et a été condamné pour cela à une peine de quatre ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article R. 561-2 du même code, l'autorité administrative qui assigne à résidence un étranger, détermine le périmètre dans lequel l'étranger est autorisé à circuler et au sein duquel est fixée sa résidence, et désigne le service auquel il doit se présenter, selon la fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour. L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. En application de ces dispositions, il appartient au juge de vérifier que l'administration n'a pas méconnu les dispositions rappelées ci-dessus dans le choix des modalités de cette mesure d'assignation.

8. Par l'arrêté en litige, le préfet de la Dordogne a assigné M. D... à résidence à son domicile à Périgueux où il doit être présent quotidiennement, entre 6 heures et 9 heures. L'arrêté impose à M. D... de se rendre au commissariat de police de Périgueux trois fois par semaine, à dix heures. Pour se déplacer en dehors du département de la Dordogne, l'arrêté prévoit qu'une autorisation sera nécessaire à l'intéressé. Comme l'a relevé à juste titre le magistrat désigné du tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités d'assignation à résidence de M. D... présentent un caractère disproportionné eu égard au fait que ce dernier n'établit pas vivre avec sa concubine, laquelle demeure dans le département des Alpes-Maritimes avec leur enfant, ni subvenir aux besoins de cette dernière. M. D... n'établit pas davantage l'intensité et la stabilité de ses liens privés et familiaux en France. Alors que les faits commis en France par M. D..., qui lui ont valu une peine de quatre ans de prison pour escroquerie en bande organisée et blanchiment, sont graves, le préfet n'a pas commis d'illégalité en assignant à résidence M. D... selon les modalités décrites ci-dessus.

9. En troisième lieu, à l'appui de ses moyens tirés de ce que l'arrêté en litige ne lui a pas été notifié avec l'assistance d'un interprète et de ce qu'il est dépourvu de base légale dès lors que le tribunal n'avait pas encore statué sur la légalité de la mesure d'éloignement pour l'exécution de laquelle l'assignation à résidence a été décidée, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents exposés aux points 4 et 6 du jugement attaqué.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 20BX01925 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01925 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01925
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELAS SED LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;20bx01925 ?
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