Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1901322-1901721 du 1er octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2020, M. B..., représenté par Me Fadiaba - Gourdonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er octobre 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 2 000 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- au regard de l'article R. 5221-20 du code du travail, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " n'est pas subordonnée à une adéquation entre les diplômes universitaires du demandeur et l'emploi qu'il souhaite occuper ; il remplit les conditions posées par ce texte ; en plus de son Master en " sciences, technologies, santé, mention chimie, contrôle, protection de l'environnement, spécialité qualité et traitement des eaux ", en fonction duquel il n'a pas pu obtenir d'emploi, il est titulaire du diplôme d'agent de prévention en événementiel, du diplôme d'agent des services de sécurité incendie et d'assistance à personnes SSIAP 1 et de l'attestation de certification services sécurité incendie et d'assistance à personnes SSIAP 1 ; il a obtenu de la commission compétente la carte professionnelle l'autorisant à exercer des activités privées en matière de sécurité ; il possède également le diplôme de sauveteur secouriste du travail ; il a suivi des formations en vue de l'obtention de diplômes supérieurs dans ces domaines ; il possède donc les qualifications pour exercer un emploi d'agent de sécurité ainsi qu'une expérience dans ce domaine ; l'employeur remplit les conditions d'emploi et de rémunération requises et respecte la législation en matière de droit du travail et de protection sociale ; l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- le préfet a pris en compte pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, un avis non conforme et non circonstancié de la DIRECCTE ;
- le préfet ne pouvait légalement se fonder pour lui refuser le titre sollicité sur la situation de l'emploi dans un bassin d'emploi autre que celui dans lequel il souhaite travailler ; le tribunal a estimé à tort que cette erreur avait été sans incidence sur la légalité de la décision ;
- le préfet n'a pas pris en compte sa parfaite intégration et son action dans le domaine caritatif ; il a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de séjour dont il soulève l'exception d'illégalité étant illégal, il ne peut être éloigné ni renvoyé dans son pays d'origine dont les frontières sont par ailleurs actuellement fermées en raison de la situation sanitaire ;
- le Togo n'est plus accessible en raison des mesures dues à l'épidémie liée au virus COVID 19 et la mesure d'éloignement ne pourra donc pas être exécutée ;
- conformément à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si l'obligation de quitter le territoire est annulée, il sera mis fin aux mesures de surveillance ; l'assignation à résidence devra donc être annulée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- si la décision est fondée sur la situation de l'emploi dans un département autre que celui dans lequel l'intéressé souhaite exercer son emploi, la décision prise aurait été la même si elle avait été fondée uniquement sur l'inadéquation entre les études de M. B... et l'emploi qu'il souhaite occuper ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à l'établissement des personnes, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 200176 du 30 janvier 2001, publiée par le décret n° 20011325 du 21 décembre 2001 ;
- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 98327 du 1er avril 1998, publiée par le décret n° 20011268 du 20 décembre 2001 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Elisabeth Jayat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant togolais né en 1987, est entré en France le 23 septembre 2014 sous couvert d'un visa mention " étudiant " et a obtenu par la suite des titres de séjour en qualité d'étudiant entre le 1er octobre 2015 et le 19 novembre 2018. Le 16 novembre 2018, il a sollicité un changement de statut pour bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par arrêté du 17 avril 2019, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par arrêté du 23 septembre 2019, le préfet de la Haute-Vienne l'a par ailleurs assigné à résidence dans la commune de Limoges pour une durée de 45 jours. M. B... a demandé devant le tribunal administratif de Limoges l'annulation de ces deux arrêtés préfectoraux. Par jugement du 1er octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté ses demandes. Le magistrat désigné, bien qu'ayant constaté dans les motifs du jugement, que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour relevaient de la compétence du tribunal statuant en formation collégiale, a cependant, dans le dispositif du jugement, statué sur l'ensemble des conclusions dont M. B... l'avait saisi. Il a toutefois été statué le 31 octobre 2019 sur les conclusions de M. B... dirigées contre le refus de séjour par un jugement du tribunal statuant en formation collégiale. M. B... fait appel du seul jugement du 1er octobre 2019. Dès lors qu'il ne conclut pas en appel à l'annulation de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité et qu'il ne présente aucun moyen dirigé directement à l'encontre de cette décision mais seulement des moyens tirés de l'exception d'illégalité de ce refus, à l'encontre des autres décisions qu'il conteste, il doit être regardé comme faisant appel du jugement uniquement en tant que ce jugement statue sur ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, de la décision fixant le pays de destination et de la mesure d'assignation à résidence.
2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, M. B... s'est inscrit à l'université de Limoges en Master Chimie, spécialité qualité et traitement des eaux, diplôme qu'il a obtenu le 1er février 2017, avant de s'inscrire auprès de l'école supérieure du professorat et de l'éducation de Limoges puis d'Orléans, en vue d'obtenir un Master Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation. Parallèlement, il a occupé à compter du mois de décembre 2015, auprès de la société Agence continentale de sécurité, un emploi d'agent de sécurité, emploi au titre duquel il a sollicité son changement de statut en vue d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié.
4. Pour rejeter la demande de M. B..., le préfet de la Haute-Vienne, après avoir recueilli l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la Nouvelle-Aquitaine s'est fondé, d'une part, sur la situation de l'emploi et, d'autre part, sur l'inadéquation de l'emploi dont se prévalait M. B... avec son diplôme obtenu le 1er février 2017.
5. S'agissant de la situation de l'emploi, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 19 avril 2019 et de l'avis de la DIRECCTE que l'administration a retenu un nombre important de demandeurs d'emploi inscrits dans le département du Calvados alors que M. B... visait un emploi en Haute-Vienne. La situation de l'emploi prise en compte n'étant pas celle de la zone géographique dans laquelle l'intéressé souhaiter exercer son emploi, ce motif méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail.
6. S'agissant de l'adéquation de l'emploi visé avec la qualification, l'expérience, les diplômes ou les titres de l'intéressé, M. B... ne conteste pas que l'emploi d'agent de sécurité qu'il souhaite exercer n'est pas en adéquation avec son diplôme de Master Chimie mais fait valoir l'expérience, les formations, diplômes et titres qu'il a obtenus en France dans le domaine de la prévention et de la sécurité. M. B... a en effet obtenu, le 20 octobre 2015, le titre d'agent de prévention en événementiel, le 18 décembre 2015, le diplôme d'agent des services de sécurité incendie et d'assistance à personnes (SSIAP 1) et le 4 décembre 2018, l'attestation de certification concernant le suivi d'une session de recyclage SSIAP 1, et a suivi d'autres formations dans ce domaine, notamment en matière de secourisme. Ces formations, titres et diplômes lui ont permis d'obtenir la carte professionnelle prévue par l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et ainsi d'occuper, en parallèle de ses études en France, l'emploi d'agent de sécurité, à temps partiel comme l'y autorisait son titre de séjour " étudiant ". En revanche, ces formations, titres et diplômes ne peuvent être regardés comme les études suivies et diplômes obtenus en France par " un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français " au sens et pour l'application des dispositions précitées, seuls pouvant être retenus à ce titre les formations, titres et diplômes correspondant au cursus de l'étudiant concerné et non ceux accessoirement suivis et obtenus par lui en vue d'occuper un emploi en parallèle à son cursus d'études. La circonstance que M. B... n'a pu obtenir un emploi dans le domaine d'activité auquel le destinait son cursus universitaire est à cette égard sans incidence. C'est, par suite, à bon droit que le préfet n'a pas retenu les formations, titres et diplômes de l'intéressé dans le domaine de la prévention et de la sécurité, ni son expérience dans ce domaine, pour apprécier l'adéquation de la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de M. B... aux caractéristiques de l'emploi auquel il postule.
7. Si, comme il a été dit précédemment, le motif tiré de la situation de l'emploi dans la zone géographique concernée méconnaît l'article R. 5221-20 du code du travail, il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Vienne aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur l'absence d'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de M. B... et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, qui justifie à elle seule le refus contesté, les conditions prévues par l'article R. 5221-20 du code du travail étant cumulatives. Eu égard au caractère cumulatif de ces conditions, M. B... ne peut utilement soutenir que son employeur remplit les conditions d'emploi et de rémunération requises et respecte la législation en matière de droit du travail et de protection sociale, ce que l'administration ne conteste d'ailleurs pas. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées par la décision de refus de titre de séjour doit, par suite, être écarté.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... avait fait état, lors de sa demande de changement de statut, de son action associative. Dès lors, le préfet, qui dans son arrêté a examiné la situation personnelle et notamment affective de l'intéressé au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code, n'avait pas à examiner spécifiquement sa situation au regard de son action associative.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a créé le 24 septembre 2018 une association d'entraide et de solidarité pour le Togo. Toutefois, il ne fait état d'aucune action significative de cette association avant la convention de mécénat du 24 mai 2019, postérieure à la décision contestée, et d'ailleurs très peu précise, que son association a conclu avec une entreprise aux fins de dons de matériel médical au Togo. Dans ces conditions, et alors même que M. B..., qui a séjourné régulièrement en France uniquement en qualité d'étudiant, qui n'est pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, et qui est célibataire et sans charge de famille, est bien inséré et justifie d'une perspective d'emploi, la décision de refus de séjour qui lui a été opposée ne peut être regardée comme reposant sur une appréciation manifestement erronée des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée.
11. Il ne peut davantage, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
12. Si le requérant soutient que le Togo n'est plus accessible en raison des mesures dues à l'épidémie liée au virus COVID 19 et que la mesure d'éloignement ne pourra donc pas être exécutée, aucune restriction de déplacement n'était en application à la date à laquelle la décision fixant le pays de destination a été prise, le 17 avril 2019. Dès lors qu'il n'allègue pas avoir demandé l'abrogation de la décision et ne conteste aucune décision de refus d'abrogation, il ne peut utilement se prévaloir d'une situation apparue postérieurement à la décision qu'il conteste. Au demeurant, à supposer que, comme le soutient le requérant, le Togo aurait fermé ses frontières pour des raisons sanitaires, il ne résulte pas de l'instruction qu'un éloignement ne serait plus envisageable.
13. Enfin, dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision d'éloignement dont il a fait l'objet, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation à résidence qui lui a été appliquée devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement, par application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de destination et de la décision l'assignant à résidence. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Fadiaba - Gourdonneau et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020
Le président-assesseur,
Frédéric Faïck
Le président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01261