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17/11/2020 | FRANCE | N°18BX03428

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX03428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier (CH) d'Orthez à lui verser les sommes de 11 150,47 euros au titre de l'indemnité de précarité, 8 241,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et 5 494,07 euros au titre de jours de réduction du temps de travail non pris.

Par un jugement n° 1700655 du 13 juillet 2018, le tribunal a condamné le CH d'Orthez à lui verser la somme de 1 661,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de

congés payés et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier (CH) d'Orthez à lui verser les sommes de 11 150,47 euros au titre de l'indemnité de précarité, 8 241,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et 5 494,07 euros au titre de jours de réduction du temps de travail non pris.

Par un jugement n° 1700655 du 13 juillet 2018, le tribunal a condamné le CH d'Orthez à lui verser la somme de 1 661,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande ;

2°) de condamner le CH d'Orthez à lui verser les sommes de 11 150,47 euros au titre de l'indemnité de précarité, 11 150,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et 5 494,07 euros au titre du préjudice moral résultant de l'impossibilité d'utiliser les jours de réduction du temps de travail qu'il avait acquis ;

3°) de mettre à la charge du CH d'Orthez une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'indemnité de précarité :

- en vertu de l'article R. 6152-418 du code de la santé publique, l'article L. 1243-8 du code du travail relatif à l'indemnité de précarité est applicable aux praticiens hospitaliers contractuels ; sa situation ne relève pas des exceptions limitativement énumérées à l'article L. 1243-10 du code du travail ; ainsi, l'indemnité est due en cas de rupture anticipée du contrat à l'initiative de l'employeur ; il a droit à ce titre à la somme de 11 150,47 euros correspondant à 10 % de sa rémunération brute du 2 janvier au 17 juin 2012 ;

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de congés payés :

- c'est à tort que le tribunal a calculé l'indemnité sur la base de la rémunération prévue au contrat, soit 36 256 euros, et non sur la rémunération effectivement perçue durant la période de référence, soit 111 504,70 euros ;

- en vertu de l'article L. 1242-6 du code du travail, l'indemnité est due au titre du travail effectivement accompli durant le contrat ; quelle que soit la durée de celui-ci, le montant de l'indemnité ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute ; c'est ainsi à tort que le tribunal a estimé que le dixième de la rémunération était dû pour 30 jours de congés et qu'il ne pouvait se prévaloir que de 13,75 jours de droits à congés ;

- dès lors qu'il n'a pris aucun jour de congé annuel, il a droit à une indemnité de 11 150,47 euros correspondant à 10 % de sa rémunération brute du 2 janvier au 17 juin 2012 ;

En ce qui concerne les jours de RTT non pris :

- dès lors que l'agent qui n'a pu bénéficier de jours de RTT pourrait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande ;

- la rupture anticipée de son contrat était illégale au regard des dispositions de l'article R. 6152-413 du code de la santé publique et l'a privé de la possibilité de bénéficier de ses RTT ; il sollicite une indemnité de 5 494,07 euros au titre de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2019, le CH d'Orthez, représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne l'indemnité de précarité :

- dès lors que le contrat a été dénoncé avant son terme pour un motif tiré de l'intérêt du service, M. B... ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité, qui n'est due qu'à l'issue d'un contrat venu à son terme normal ;

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de congés payés :

- la demande est irrecevable en tant qu'elle excède le montant demandé en première instance ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu comme base de calcul la rémunération prévue au contrat, comme l'avait demandé M. B..., et qu'il a retenu les 13,75 jours de congés auxquels l'intéressé avait droit ;

- M. B..., qui a été mis en mesure de prendre ses congés annuels, n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 1242-16 du code du travail ;

En ce qui concerne les jours de RTT non pris :

- le préjudice moral allégué en appel se rattache à un fait générateur distinct de la demande de première instance, de sorte que la demande présentée à ce titre est irrecevable ;

- le refus d'indemniser les jours de RTT non pris était fondé et insusceptible de causer un préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., gynécologue obstétricien, a été recruté en qualité de praticien hospitalier sur le pôle femme-mère-enfant du centre hospitalier (CH) d'Orthez pour une durée de six mois à compter du 2 janvier 2012, par un contrat renouvelable tacitement dans la limite de douze mois et pouvant être dénoncé par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de deux mois. Par lettre du 12 avril 2012, le directeur du CH d'Orthez lui a adressé un préavis au motif

que les termes définis dans le contrat étaient contraires à l'intérêt du service ainsi qu'à la continuité des soins et de la prise en charge, en précisant que le contrat prendrait fin deux mois après l'envoi de ce préavis. L'intéressé ayant refusé de conclure un autre contrat aux conditions proposées par l'établissement, son contrat a pris fin avant son terme le 17 juin 2012. Après

le rejet de sa demande préalable par une décision du 3 février 2017, M. B... a demandé

au tribunal administratif de Pau de condamner le CH d'Orthez à lui verser les sommes

de 11 150,47 euros au titre de l'indemnité de précarité, 8 241,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, et 5 494,07 euros au titre des jours de réduction du temps de travail non pris. Il relève appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le tribunal a seulement condamné le CH d'Orthez à lui verser la somme de 1 661,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'indemnité de précarité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1243-8 du code du travail, applicable aux praticiens contractuels en vertu de 1'article R. 6152-418 du code de la santé publique : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. / Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. / Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant. " Aux termes de l'article L. 1243-10 du même code : " L'indemnité de fin de contrat n'est pas due : / 1° Lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l'article L. 1242-2 ou de l'article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables ; / 2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ; / 3° Lorsque le salarié refuse d'accepter la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ; / 4° En cas de rupture anticipée du contrat due à l'initiative du salarié, à sa faute grave ou à un cas de force majeure. " Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'indemnité de fin de contrat est due dans les cas de rupture anticipée du contrat autres que ceux prévus au 4° de l'article L. 1243-10. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de M. B... au motif que la cessation de fonctions de l'intéressé était intervenue avant le terme prévu par son contrat à durée déterminée.

3. Il y a lieu pour la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande

de M. B....

4. Il résulte de l'instruction que le contrat de M. B... n'a été conclu ni sur le fondement du 1°, ni sur celui du 2° de l'article L. 1243-10 précité, et que le nouveau contrat qui lui était proposé n'était pas assorti d'une rémunération au moins équivalente, l'indemnisation des gardes mensuelles devant être remplacée par l'application des tarifs réglementaires moins avantageux applicables aux astreintes. Si le CH d'Orthez fait valoir qu'il a dénoncé le contrat avant son terme pour un motif tiré de l'intérêt du service, il n'établit ni n'allègue l'existence d'une faute grave du praticien hospitalier ou d'un cas de force majeure. M. B... soutient,

au vu de l'historique de paie qu'il produit, avoir perçu un montant de rémunération brute

de 111 150,47 euros au titre du contrat prenant fin le 17 juin 2012, et l'établissement hospitalier ne conteste pas le calcul de l'indemnité réclamée sur cette base. Par suite, il y a lieu de condamner le CH d'Orthez à verser à M. B... la somme de 11 115 euros au titre de l'indemnité de précarité.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

5. Aux termes de l'article L. 1242-16 du code du travail : " Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée a droit à une indemnité compensatrice de congés payés au titre du travail effectivement accompli durant ce contrat, quelle qu'ait été sa durée, dès lors que le régime des congés applicable dans l'entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement. / Le montant de l'indemnité, calculé en fonction de cette durée, ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la durée de son contrat. / L'indemnité est versée à la fin du contrat, sauf si le contrat à durée déterminée se poursuit par un contrat de travail à durée indéterminée. "

6. Il résulte de l'instruction que par lettre du 3 mai 2012, le directeur du CH d'Orthez a proposé à M. B... de quitter le service le 31 mai 2012 au lieu du 17 juin afin de récupérer, dans l'intervalle, le temps additionnel cumulé depuis le début de l'année, et de prendre le congé de paternité de 11 jours auquel il avait droit. L'intéressé, qui a répondu par lettre du 10 mai 2012 qu'il demandait à être indemnisé de tout son temps additionnel et ne souhaitait pas bénéficier du congé de paternité, a été mis en mesure, à cette occasion, de prendre effectivement ses congés annuels avant la rupture de son contrat. Par suite, comme le fait valoir le CH d'Orthez qui ne présente pas de conclusions d'appel incident tendant à l'annulation de la condamnation prononcée par le tribunal, M. B..., qui n'avait pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés, n'est pas fondé à se plaindre du calcul effectué par le tribunal pour lui allouer la somme de 1 661,73 euros.

Sur les jours de RTT non pris :

7. Si M. B... avait déploré devant les premiers juges n'avoir pu prendre les congés acquis du fait de la fin prématurée de son contrat, il n'avait alors demandé que l'indemnisation des congés non pris. Sa demande en appel est fondée pour la première fois sur la faute qu'aurait commise l'administration en procédant à cette rupture anticipée, qui est une cause différente. Elle présente donc le caractère d'une demande nouvelle, qui est, ainsi que le soutient

le CH d'Orthez, irrecevable.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le CH d'Orthez a été condamné à lui verser soit portée de 1 661,73 euros

à 12 776,73 euros.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Le CH d'Orthez, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le CH d'Orthez a été condamné à verser à M. B... est portée

de 1 661,73 euros à 12 776,73 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1700655 du 13 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CH d'Orthez versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M F... B... et au centre hospitalier d'Orthez.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

La rapporteure,

Anne D...

La présidente,

Catherine H...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03428
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx03428 ?
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