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17/11/2020 | FRANCE | N°18BX03074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX03074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Groupe 333 a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur général de la société anonyme d'économie mixte InCité a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 38 rue Permentade à Bordeaux.

Par un jugement n° 1703797 du 7 juin 2018, le tribunal a annulé la décision du 27 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le

3 août 2018 et le 22 janvier 2019, la société d'économie mixte InCité, représentée par Me G..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Groupe 333 a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur général de la société anonyme d'économie mixte InCité a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 38 rue Permentade à Bordeaux.

Par un jugement n° 1703797 du 7 juin 2018, le tribunal a annulé la décision du 27 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 août 2018 et le 22 janvier 2019, la société d'économie mixte InCité, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1703797 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la société Groupe 333 ;

3°) de mettre à la charge de la société Groupe 333 la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal n'a pas communiqué à la partie adverse son second mémoire en défense présenté le 11 mai 2018 et n'a donc pas tenu compte des éléments qui y figuraient.

Elle soutient, au fond, que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision de préemption en litige n'était pas suffisamment motivée en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; il a été jugé par le Conseil d'Etat (décision du 7 juin 2008 n° 288731) que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

- la décision du 27 juillet 2017 en litige répond à ces exigences dès lors que le projet pour la mise en oeuvre duquel elle a été prise est justifié dans sa nature et dans sa réalité ; la décision de préemption était prise aux fins de réaliser un projet d'habitat de qualité destiné à accueillir des logements adaptés aux besoins des familles avec enfants ; la réalité de ce projet est justifiée par la signature en 2014 d'une convention d'aménagement entre Bordeaux Métropole et la société InCité pour la réalisation de logements de qualité aux fins de réhabilitation d'un quartier du centre historique de la ville ; cette réalité est aussi justifiée par les objectifs définis au programme local de l'habitat et que le projet en litige a vocation à mettre en oeuvre ; ainsi, la délibération du conseil de Bordeaux Métropole du 16 décembre 2016, intégrant le programme local de l'habitat au plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole, était expressément citée dans la décision de préemption ;

- le moyen tiré de ce que la décision de préemption n'est pas devenue exécutoire faute d'avoir été transmise au représentant de l'Etat dans le délai de deux mois suivant la réception en mairie de la déclaration d'intention d'aliéner doit être écarté ; ce délai a, en effet, été interrompu par la demande de pièces complémentaires présentée le 6 juillet 2017 par la société InCité et a couru de nouveau au 13 juillet 2017, date à laquelle ces pièces ont été produites ; la décision de préemption a ainsi été transmise au représentant de l'Etat le 3 août 2017, soit avant la date d'expiration du délai applicable.

Par des mémoires en défense, présentés le 9 novembre 2018 et le 3 avril 2019, la société à responsabilité limitée (SARL) Groupe 333, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 22 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2019 à 12h00.

Un mémoire présenté pour la société Groupe 333 a été enregistré le 31 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce et notamment l'article L. 225-56 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me G..., représentant la société InCité, et de Me F..., représentant la société Groupe 333.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes d'un compromis de vente signé le 3 mai 2017, Mme E... s'est engagée à vendre à la société Groupe 333 un immeuble lui appartenant, situé 38 rue Permentade à Bordeaux sur la parcelle cadastrée section DR n° 228. Cet immeuble est inclus dans le périmètre du droit de préemption urbain que Bordeaux Métropole a délégué à la société InCité, société anonyme d'économie mixte chargée d'une opération de requalification du centre historique dans le cadre d'une concession d'aménagement. Aussi, le notaire chargé de la vente a adressé en mairie, le 11 mai 2017, une déclaration d'intention d'aliéner. La société InCité, après avoir reçu du vendeur le 13 juillet 2017 des compléments d'information sur le bien à vendre, a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien par une décision du 27 juillet 2017 signée par son directeur général. A la demande de la société Groupe 333, acquéreur évincé, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de préemption du 27 juillet 2017. La société InCité relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...). Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Si la société InCité fait valoir que le tribunal a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction en n'ayant pas communiqué à la partie adverse son second mémoire en défense présenté le 11 mai 2018, il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel le tribunal n'aurait pas répondu dans les motifs de sa décision. Par suite, et alors qu'une partie ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure vis-à-vis de la partie adverse, le tribunal n'a pas entaché son jugement de l'irrégularité invoquée. Enfin, cette absence de communication ne traduit pas, par elle-même, que le tribunal se serait abstenu de prendre connaissance de ce mémoire qui est visé dans le jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...) la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. ".

5. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer le droit de préemption urbain dont elles sont titulaires si elles font apparaître, dans la décision de préemption, la nature du projet pour lequel ce droit est exercé. Lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies quand la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe.

6. Dans la décision en litige du 27 juillet 2017, il est indiqué que la préemption est justifiée par la réalisation d'une " opération d'aménagement et de requalification du centre historique de Bordeaux ", l'acquisition de l'immeuble devant permettre à la société InCité de mettre en oeuvre, dans le centre-ville, des logements " adaptés aux besoins des familles avec enfant ". Toutefois, cette motivation ne fait pas suffisamment apparaitre la nature du projet pour lequel le droit de préemption est exercé sur la parcelle située 38 rue Permentade à Bordeaux.

7. La décision de préemption renvoie certes aux objectifs du programme local de l'habitat intégré au plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole, à savoir l'accession à la propriété, la promotion de la fonction sociale du parc privé, le développement des logements sociaux dans le centre-ville et l'accompagnement de la croissance démographique. Cependant, ce renvoi à des objectifs du programme local de l'habitat ne permet pas de connaître la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la société InCité entend mener en exerçant son droit de préemption.

8. En se référant aux objectifs de la concession d'aménagement que la ville de Bordeaux a attribuée à la société InCité, à savoir le renouvellement urbain, la lutte contre l'insalubrité, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti, la décision de préemption ne fait pas davantage apparaître la nature du projet pour la réalisation duquel elle a été prise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 27 juillet 2017 ne satisfait pas à l'obligation de motivation qui découle de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, ainsi que l'ont estimé les premiers juges. Dès lors, la société InCité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées par la société InCité, qui est la partie perdante à l'instance d'appel, doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 en mettant à la charge de la société InCité la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Groupe 333 et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX03074 est rejetée.

Article 2 : La société InCité versera à la société Groupe 333 la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte InCité, à la société à responsabilité limitée Groupe 333 et à Mme A... E.... Copie pour information en sera délivrée à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. D... C..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric C...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03074
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ACHOU-LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx03074 ?
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