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16/11/2020 | FRANCE | N°19BX04816

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 novembre 2020, 19BX04816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903893 du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 13 décembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903893 du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1997 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit : il a effectué une demande d'asile avant son placement en rétention administrative auprès des services de police qui ont refusé de transmettre sa demande ; si le préfet lui oppose qu'il n'a effectué sa demande d'asile que trois jours après son placement en rétention, la journée de 1er août 2019 ne peut être prise en compte et en tout état de cause l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettait de déposer une demande d'asile dans les cinq jours qui suivaient son placement en rétention administrative ;

- elle est entachée d'une erreur manifestation d'appréciation de sa situation et a des conséquences sur sa situation personnelle ;

- les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par ordonnance du 3 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 16 avril 2020 à 12h00.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., ressortissant algérien né le 17 novembre 1988, déclare être entré en France le 28 juillet 2019. Le 1er août 2019, il a été interpellé par les services de police de Brive-la-Gaillarde dans un train alors qu'il voyageait sans titre de transport. Par un arrêté du 1er août 2019, le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... a sollicité l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. C... relève appel du jugement du 6 août 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019.

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. Eric Zaboureff, secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Corrèze du 22 juillet 2019, publiée au recueil des actes administratifs du même jour à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Corrèze à l'exception de quatre catégories d'actes au sein desquelles ne figurent pas les décisions prises en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Il y a lieu, par adoption de motif non utilement critiqué et pertinemment retenu par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.

4. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...)/ Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat./ La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-1 de ce code : " I. -Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " (...) Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. (...) ".

5. Ces dispositions ont pour effet d'obliger les services de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation pour entrée irrégulière sur le territoire français. Par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse obligation au demandeur de quitter le territoire français avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au titre de l'asile.

6. M. C... soutient qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il avait exprimé sa volonté de déposer une demande d'asile auprès des services de police avant son placement en rétention. Comme l'a relevé le premier juge, il ressort du procès-verbal de l'audition de l'intéressé par les services de police en date du 1er août 2019 que M. C... n'a fait état d'aucune menace dans son pays d'origine alors qu'il a été questionné sur ce point. S'il soutient en appel que les services de police ont refusé de transmettre sa demande, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déposé une demande d'asile le 4 août 2019, soit postérieurement à l'arrêté en litige, rejetée au demeurant par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 août 2019, notifiée le 21 août 2019. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. Si l'intéressé soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifestation d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier, lesquelles ne comportent aucun élément probant en ce sens, qu'une telle erreur serait fondée. Dès lors, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Il y a lieu, par adoption de motif non utilement critiqué et pertinemment retenu par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.

9. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. C... d'avoir démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il y a lieu, par adoption de motif non utilement critiqué et pertinemment retenu par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.

11. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. C... d'avoir démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français :

12. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " III. _L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...)". Le prononcé et la durée de l'interdiction de retour sont décidés en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

13. Comme l'a relevé le premier juge, la décision d'interdiction de retour énonce les quatre critères prévus par les dispositions citées au point précédent, attestant de leur prise en compte par le préfet de la Corrèze. L'arrêté mentionne que le requérant est entré en France par autobus trois jours avant son interpellation et qu'il ne dispose d'aucun lien avec la France. En s'abstenant de mentionner que l'intéressé ne présentait aucune menace pour l'ordre public et n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet doit être regardé comme n'ayant pas entendu retenir au nombre des motifs de sa décision la menace à l'ordre public que sa présence représenterait, ni l'existence d'une précédente mesure d'éloignement. Contrairement à ce que soutient M. C... en appel, le défaut de mention de l'absence de menace à l'ordre public et de précédentes mesures d'éloignement le concernant ne peut être regardé comme une omission de la part du préfet entachant d'illégalité son arrêté dès lors qu'il n'était tenu que d'énoncer les considérations de droit et de fait sur lesquelles il fondait la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. En outre, il résulte de la motivation de la décision en litige que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

14. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. C... d'avoir démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code

de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. D... A..., président,

Mme F... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

La présidente-assesseure,

Fabienne G...

Le président-rapporteur,

Didier A...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX04816 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04816
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;19bx04816 ?
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