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05/11/2020 | FRANCE | N°18BX03346

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 18BX03346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Chaumont Architectes a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre exécutoire du 24 novembre 2015, notifié le 8 décembre 2015, émis à son encontre par la commune de Carbonne d'un montant de 4 350 euros et de mettre à la charge de la commune de Carbonne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600560 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce titre exécutoire e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Chaumont Architectes a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre exécutoire du 24 novembre 2015, notifié le 8 décembre 2015, émis à son encontre par la commune de Carbonne d'un montant de 4 350 euros et de mettre à la charge de la commune de Carbonne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600560 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce titre exécutoire et mis à la charge de la commune de Carbonne la somme de 1 200 euros à payer à la SARL Chaumont Architectes au titre de ses frais d'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 septembre 2018 et 20 mai 2020, la commune de Carbonne, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la SARL Chaumont Architectes ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les pénalités de retards sont justifiées par application de l'article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières, car les travaux n'ont pas été achevés en mai/juin pour la saison estivale 2015 ;

- le maître d'oeuvre a commis une erreur d'altimétrie constatée en janvier 2015 ayant eu des répercussions sur l'achèvement des travaux et n'a pas respecté son engagement de reprendre ses plans avant le 5 février 2015, malgré ses courriers. Il n'a produit les plans définitifs que le 30 juin 2015, ce que la SARL Chaumont Architectes ne conteste pas, soit avec 149 jours de retard ;

- les retards ne sont pas imputables à une demande de modification de la maîtrise d'ouvrage ;

- il est donc responsable du retard dans l'exécution globale du marché public. C'est à tort que le tribunal n'a pas admis la prolongation du délai global d'exécution des travaux au-delà du 23 juin 2015 ;

- les pénalités pour retard qui lui a été infligées auraient pu être d'un montant supérieur ;

- en tout état de cause, elle est fondée à demander une substitution de base légale, dès lors que le titre exécutoire est justifié au regard des articles 6 des actes d'engagement, du fait du retard imputable au maître d'oeuvre, alors même que le délai global du marché n'a pas été prolongé.

Par un mémoire et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 3 mars et 10 septembre 2020, la SARL Chaumont Architectes, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Carbonne ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Carbonne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'erreur d'altimétrie reprochée par la commune de Carbonne a bien été rattrapée en cours de chantier ;

- le retard de transmission de plans n'est pas établi et ne tient pas compte des demandes de modifications sollicitées du projet en cours de chantier dont ne saurait être responsable l'architecte ;

- les comptes rendus de chantier ne font état d'aucun retard qui lui serait imputable.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B... ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me F..., représentant la SARL Chaumont Architectes.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des travaux de rénovation de sa piscine extérieure, la commune de Carbonne a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement conjoint constitué de la SARL Chaumont, architecte mandataire, et de la société Codef Ingénierie, par un marché du 9 août 2013. Par acte d'engagement du 22 novembre 2013, elle a confié au même groupement un marché complémentaire ayant pour objet le relevé des extérieurs et des bâtiments de la piscine. Le marché de travaux se décomposait en quatre lots : le lot n°1 " gros oeuvre VRD " a été attribué à la société Comminges Bâtiments, le lot n°2 " carrelages-étanchéité " à la société Bourdarios, le lot n°3 " électricité " à la société Spie Sud-Ouest et le lot n°4 " CPV-Traitement de l'eau " à la société Serclim. Les travaux ont démarré le 23 décembre 2014 et le délai global d'exécution des travaux prévu était d'une durée de 6 mois. Toutefois, le 20 janvier 2015, il est apparu que le niveau réel du fond de la pataugeoire était plus bas de 21 cm de ce qui était prévu dans les plans du projet établi par le groupement de maître d'oeuvre, lesquels comportaient également une erreur d'altimétrie au niveau du terre-plein entre les bassins. Estimant que cette erreur d'altimétrie était imputable à la SARL Chaumont Architectes, qui lui aurait remis ensuite les plans corrigés tardivement et que cette erreur était à l'origine du dépassement du délai global d'exécution des travaux et de l'impossibilité pour elle d'ouvrir sa piscine pendant la période estivale, la commune de Carbonne a décidé de lui appliquer des pénalités de retard. Elle a ainsi émis un titre exécutoire le 24 novembre 2015 d'un montant de 4 350 euros à l'encontre de la SARL Chaumont Architectes. Cette société a demandé l'annulation du titre exécutoire devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 4 juillet 2018, lui a donné gain de cause. La commune de Carbonne relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 7.4 cahier des clauses administratives particulières applicable au marché de maitrise d'oeuvre pour la rénovation de la piscine de Carbonne : " Dans le cas où les travaux ne seraient pas achevés par les entrepreneurs dans le délai global de réalisation des travaux, le Maître de l'Ouvrage se réserve le droit d'appliquer au maître d'oeuvre, sans mise en demeure préalable, des pénalités de retard d'un montant forfaitaire non révisable de 150 €HT (cent cinquante euros) par jour de calendrier, si le retard lui est imputable. / Il appartiendra au maître d'oeuvre d'apporter la preuve que le retard ne lui est pas imputable ".

3. La commune de Carbonne a ainsi mis à la charge de la SARL Chaumont Architectes la somme de 4 350 euros correspondant à 29 jours calendaires de retard dans l'exécution de ses travaux.

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'ordre de service du 23 décembre 2014 que les travaux du lot n°1 " gros oeuvre VRD " devaient être effectués à compter de cette date pour une durée de six mois et devaient donc s'achever le 23 juin 2015. Or, les travaux de ce lot ont été réceptionnés le 16 décembre 2015.

5. Il résulte également de l'instruction que l'erreur d'altimétrie commise par la SARL Chaumont Architectes sur les plans a nécessité une reprise totale du projet pour les plages et la pataugeoire pour éviter des problèmes de raccordement, ainsi qu'un recalage du planning d'exécution des travaux. Cette erreur a rendu nécessaire la signature d'un avenant au lot n° 1 d'un montant de 25 123, 04 euros TTC, signé le 26 mars 2015. Toutefois, si la SARL Chaumont Architectes s'était engagée au cours de la réunion de chantier du 21 janvier 2015 à rectifier ses plans dans le délai de dix jours et qu'elle n'a pas respecté ce délai, ainsi que cela ressort des courriers émanant de la commune de Carbonne des 5 et 6 février 2015, il résulte de l'instruction que des plans actualisés, à l'égard desquels les attentes de la commune n'avaient pas été précisées, ont été présentés par la SARL Chaumont Architectes lors d'une réunion le 16 février 2015 et ont été refusés à tort par les services techniques de la commune de Carbonne au motif qu'ils ne constituaient pas des plans DCE (dossiers de consultation des entreprises), mais des plans EXE (étude d'exécution) qui ne correspondaient pas à leurs attentes. Par ailleurs, si la commune de Carbonne soutient que les plans définitifs ont été remis le 30 juin 2015, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage avait demandé des modifications au projet consistant à remettre une pente de 2 % sur la plage du grand bassin côté Garonne, à mettre la partie de dallage entre le pédiluve et la terrasse à + 0, 08 et à la rendre totalement plate, à harmoniser les largeurs des plages et les pentes autour de la pataugeoire, à remettre le pédiluve avec une pente correcte (4, 57 %) et, enfin, à déplacer l'emplacement de la pataugeoire. Il ressort également des comptes rendus de réunions de chantier produits que ce retard de transmission des plans n'a pas mis à l'arrêt le chantier et que des plans ont été validés le 2 mars 2015, grâce à l'intervention de la société Comminges Bâtiment, ainsi que l'a admis la commune de Carbonne dans ses écritures de première instance. Dès lors, le dépassement du délai global d'exécution des travaux n'est pas imputable au maître d'oeuvre.

6. Toutefois, la commune de Carbonne demande, pour justifier le bien-fondé des pénalités mises à la charge de la SARL Chaumont Architectes, que soit substituée une autre base légale à celle qui a été primitivement invoquée et que les pénalités soient fondées sur les articles 6 des actes d'engagement.

7. Aux termes de l'article 6 de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre relatif aux délais d'exécution : " Etudes de diagnostic : 4 semaines. Avant-projet : 4 semaines. Projet : 4 semaines. Remise du DCE : 2 semaines. Rapport d'analyse : 2 semaines. En cas de non-respect des délais, le titulaire du marché encourt sans mise en demeure préalable, par jour calendaire, une pénalité de retard d'un montant forfaitaire non révisable de 100 euros HT (cent euros) ". Aux termes de l'article 6 de l'acte d'engagement, du marché complémentaire de maîtrise d'oeuvre n°2013-41 du 18 novembre 2013, relatif aux prestations de relevé des extérieurs et des bâtiments de la piscine : " Le délai d'exécution est d'un mois à compter de la notification. Conformément au chapitre 3 du cahier des clauses particulières, le titulaire du marché encourt sans mise en demeure préalable, par jour calendaire, une pénalité de retard d'un montant forfaitaire non révisable de 100 euros HT (cent euros) ".

8. Si la commune de Carbonne soutient que la SARL Chaumont Architectes disposait d'un mois à compter du 21 janvier 2015 pour rectifier ses plans pour remédier à l'erreur altimétrique de relevé extérieur, toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des comptes rendus de réunions de chantier, que le groupement de maîtres d'oeuvre n'aurait pas remis ses prestations dans les délais et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 5, que la remise tardive des plans rectifiés a également pour origine les modifications demandées par le maître d'ouvrage. Par suite, les pénalités prononcées à l'encontre de la SARL Chaumont Architectes d'un montant de 4 350 euros ne peuvent davantage être fondées sur les stipulations des articles 6 des deux actes d'engagement précités.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Carbonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre exécutoire en litige.

Sur les frais d'instance

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Chaumont Architectes, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande la commune de Carbonne au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de faire application des dispositions précitées et de mettre à la charge de la commune de Carbonne la somme de 1 500 euros à payer la SARL Chaumont Architectes au titre de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Carbonne est rejetée.

Article 2 : La commune de Carbonne est condamnée à payer la somme de 1 500 euros à la SARL Chaumont Architectes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Carbonne et à la SARL Chaumont Architectes.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme C... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03346
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET URBI et ORBI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-05;18bx03346 ?
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