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05/11/2020 | FRANCE | N°18BX01171

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 18BX01171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique a procédé à son licenciement et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages-et-intérêts en réparation des fautes commises.

Par un jugement n° 1600546 du 23 novembre 2017, le tribunal administ

ratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique a procédé à son licenciement et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages-et-intérêts en réparation des fautes commises.

Par un jugement n° 1600546 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars 2018 et 4 septembre 2019, M. H..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 13 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du centre de la Martinique de reconstituer sa carrière jusqu'à la fin de son dernier contrat à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique à lui verser la somme de 80 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'illégalité dont est entachée la décision du 13 juillet 2016 procédant à son licenciement et en réparation du harcèlement moral dont il prétend avoir été victime ;

5°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est illégale car son recrutement est intervenu illégalement : le bureau communautaire ne pouvait pas légalement créer un poste de directeur général adjoint des services par application de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales ;

- ce moyen n'est pas nouveau en appel ;

- cette illégalité a eu pour effet de rendre illégal le motif de licenciement tiré de la perte de confiance, qui ne peut être opposé qu'aux titulaires des emplois fonctionnels ;

- l'illégalité entachant la décision de licenciement est fautive et est de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

- il a été victime d'actes de harcèlement moral consistant en des pressions de la part du directeur général des services, en des tentatives graves de déstabilisation vis-à-vis de son équipe, en la divulgation d'éléments relatifs à son état de santé à des agents de son service et en l'absence d'intervention de son administration quant au comportement d'un agent placé sous sa responsabilité ;

- il a été isolé tant de son équipe que des autres services. Cet isolement a emprunté plusieurs formes, notamment la volonté du directeur général des services d'écourter le plus possible la durée de son contrat, des tentatives répétées de certains agents de passer outre l'avis de leur supérieur pour le court-circuiter, la multiplication des plaintes portées à son encontre sans aucun fondement ;

- il est fondé à demander la somme de 60 000 euros au titre de son préjudice moral qui a été important, car ces agissements ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail pendant deux ans ;

- il est fondé à demander la somme de 20 000 euros au titre de ses troubles subis dans les conditions d'existence compte tenu de l'impact qu'ont eu les agissements en cause sur sa vie et de la privation de revenus du fait de son licenciement illégal.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2018, la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. H... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel n'est pas suffisamment motivée ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de son recrutement est un moyen nouveau en appel, qui ne relève pas de la même cause juridique défendue en première instance ;

- le bureau était compétent pour créer deux emplois fonctionnels de directeur général adjoint des services ;

- la rupture de confiance pouvant être valablement invoquée, le licenciement de M. H... est juridiquement fondé ;

- il n'a pas été victime de harcèlement moral et n'a pas subi d'isolement professionnel.

Par une ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C... ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant M. H....

Considérant ce qui suit :

1. M. H... a été recruté le 3 octobre 2011 en qualité de directeur général adjoint des services de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, par un contrat à durée déterminée, renouvelé jusqu'en 2014. Son contrat a été renouvelé pour une durée de trois ans à compter du 3 octobre 2014. Par une décision du 13 juillet 2016, le président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique a procédé à son licenciement. Suite à la décision du 30 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, il a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que d'une demande tendant à obtenir réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité dont était entachée cette décision et de ceux subis suite aux agissements de harcèlement moral dont il prétendait avoir été victime. Par un jugement du 13 novembre 2017, dont il relève appel, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Sur les conditions à fin d'annulation :

2. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

3. La décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique a licencié M. H... n'est pas prise pour l'application des délibérations des 3 octobre 2005 et 15 septembre 2006 du bureau communautaire portant création d'emplois de directeurs adjoints des services. Les délibérations précitées ne constituent pas davantage la base légale de la décision du 13 juillet 2016 procédant au licenciement de M. H.... Par suite, le moyen invoqué, par voie d'exception, de l'illégalité des délibérations en cause au motif que le bureau communautaire ne serait pas compétent pour procéder à la création d'emplois, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du 13 juillet 2016 procédant au licenciement de M. H....

4. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés par cet article " (...) sauf s'ils ont été recrutés directement en application de l'article 47, qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions des agents (...) est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; la fin de fonctions prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante (...) ".

5. Il résulte des pièces du dossier que M. H... a manqué d'engagement et d'implication dans le pilotage et la mise en oeuvre de la mission qui lui avaient été confiée par une lettre de mission du 24 novembre 2014, qui portait sur l'élaboration d'un projet de direction infrastructures et environnement (DGA3), qu'il n'a pas mené à terme, ce qui a conduit le directeur général des services à réduire sa mission à la production d'un organigramme. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. H... a mal piloté sa direction pendant la crise de la gestion de la collecte des déchets en juillet et août 2016 et qu'il a, en raison de son comportement, généré des relations conflictuelles avec ses collaborateurs et ses supérieurs hiérarchiques. Dans ces conditions, eu égard à l'importance du rôle d'un agent occupant un emploi fonctionnel et de la nature particulière des responsabilités qui lui incombent, le fait, pour un directeur général adjoint des services, d'être placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer, de la part du président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions, peut légalement justifier qu'il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions.

6. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 juillet 2016. Par suite, ses conclusions en injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les conclusions indemnitaires

En ce qui concerne l'illégalité fautive de la décision du 13 juillet 2016

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le licenciement de M. H... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, M. H... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'illégalité de son licenciement.

En ce qui concerne les faits de harcèlement moral

8. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

9. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. M. H... fait valoir qu'il a été victime de dénigrement et de pressions de la part du directeur général des services, de tentatives graves de déstabilisation vis-à-vis de son équipe, que des éléments relatifs à son état de santé ont été divulgués à des agents de son service, que son employeur n'est pas intervenu pour gérer le comportement d'un agent placé sous sa responsabilité et qu'il a été isolé tant de son équipe que des services de son administration.

11. S'agissant, tout d'abord, du dénigrement que M. H... estime avoir subi de la part du directeur général des services, à propos de sa mission relative au réexamen de l'organigramme, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, l'objectif qui lui avait été initialement assigné concernant l'organisation d'un projet de direction, n'a pas été atteint. Si le 26 octobre 2015, il lui a été confié une nouvelle mission portant sur le réexamen de l'organigramme de sa direction, il ne résulte pas de l'instruction que ce changement d'objectif à atteindre se serait accompagné d'actes de dénigrement de la part du directeur général des services à son égard, ni qu'il aurait subi des pressions traduisant une volonté de lui nuire.

12. Ensuite, si M. H... se prévaut également d'une note du 17 juin 2016 de la chargée de l'information des ressources humaines relative à la demande de protection fonctionnelle de Mme D..., agent de cette direction, il ne résulte pas de l'instruction que la diffusion de cette note la veille d'une réunion de cohésion organisée par M. H... au sein de sa direction, ait eu pour but de le déstabiliser. Il n'établit pas l'existence d'agissements destinés à l'isoler professionnellement ou de coalitions menées contre lui par des agents, alors qu'il résulte au contraire de l'instruction que M. H... s'est plaint auprès du président de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, dans des termes inappropriés, du comportement de certains agents. Enfin, les accusations de M. H... concernant les fuites sur des données personnelles à caractère médical ou les comportements d'insubordination de certains agents placés sous son autorité ne sont pas établies. Par suite, les faits invoqués par M. H... ne sont pas établis par les pièces du dossier et sont insusceptibles de faire présumer l'existence, à son encontre, d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais d'instance

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. H... au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de faire application des dispositions précitées et de mettre à la charge de M. H... une somme de 1 500 euros à payer à cet établissement public au titre de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : M. H... est condamné à payer à la communauté d'agglomération du centre de la Martinique la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du centre de la Martinique et à M. B... H....

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme I... J..., présidente-assesseure,

Mme F... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah C...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01171
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-05;18bx01171 ?
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