Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1902171 du 26 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2020, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1902171 du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de 45 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation en se fondant uniquement sur l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans tenir compte des autres certificats médicaux produits ; le collège des médecins de l'OFII n'a pas formellement affirmé que l'absence de prise en charge médicale de son état de santé n'entraînera pas pour lui des conséquences d'une extrême gravité ; l'OFII ne s'est pas interrogé sur l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; en ne s'interrogeant pas lui-même sur ces éléments, le préfet s'est estimé tenu de suivre l'avis de l'OFII, a insuffisamment examiné la situation du requérant et a commis une erreur de droit ;
- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le requérant remplit les conditions fixées par cet article pour la délivrance d'un titre de séjour ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intégration du requérant et de la famille de celui-ci en France ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité qui entache le refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne l'octroi d'un délai de départ volontaire et la fixation du pays de renvoi, que :
- ces décisions sont illégales par voie de conséquence.
En application du II de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, la clôture de l'instruction fixée au 23 avril 2020 par une ordonnance du 13 mars 2020 a été reportée au 23 juin 2020.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D... est un ressortissant arménien né le 15 juillet 1981 qui est entré irrégulièrement en France où il a déposé une demande d'asile le 22 septembre 2015. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 janvier 2016 qui a été suivie d'un arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 avril 2016 refusant l'admission au séjour de M. D..., obligeant celui-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi. Le recours que M. D... a formé contre la décision de l'OFPRA a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 31 janvier 2017. Le préfet de la Charente-Maritime a cependant délivré à M. D... une autorisation provisoire de séjour valable trois mois à compter du 15 novembre 2018 après que celui-ci eut sollicité un titre de séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. D... a solllicité le renouvellement de son titre le 7 mars 2019 mais par un arrêté du 15 juillet 2019, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté cette demande et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la fixation du pays de renvoi. M. D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 26 décembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger (...) si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet ne s'est pas estimé lié par l'avis rendu le 28 mai 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) selon lequel le défaut de prise en charge médicale de M. D... ne devrait pas entraîner pour ce dernier des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet a fondé son appréciation sur cet avis, comme il était en droit de le faire, " faute d'éléments médicaux contraires " ainsi qu'il l'a précisé dans les motifs de sa décision. Par ailleurs, dès lors qu'il a estimé que l'absence de prise en charge de M. D... n'entraînera pas pour ce dernier des conséquences d'une extrême gravité, le préfet n'était pas tenu de s'interroger sur l'existence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait procédé à un examen insuffisant de sa situation personnelle avant de prendre la décision en litige.
4. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par M. D..., que ce dernier est atteint d'une hépatite C nécessitant une surveillance à vie et d'un trouble anxio-dépressif impliquant un suivi très régulier. Néanmoins, un certificat rédigé le 22 mai 2017 par un médecin du service hépato-gastroentérologie du groupement hospitalier de La Rochelle indique que l'hépatite C de M. D... a été éradiquée grâce à un traitement médicamenteux, même si un suivi semestriel demeure nécessaire " pour ne pas méconnaitre une greffe carcinomateuse dans un contexte pré-cirrhotique ". Aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'à la date de la décision attaquée, les problèmes hépatiques de M. D... auraient évolué défavorablement ni que ses troubles anxio-dépressifs auraient atteint un degré de gravité particulièrement élevé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'absence de prise en charge de son état de santé aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité contrairement à ce qu'a estimé le préfet à la suite de l'avis du collège des médecins de l'OFII. En l'absence de telles conséquences, le préfet n'avait pas à examiner si M. D... pouvait effectivement accéder à un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant méconnu l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. / (...) ".
7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
8. En cinquième lieu, à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents des premiers juges.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles font obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 20BX00241 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. E... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Frédéric A...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX00241 4