La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2020 | FRANCE | N°20BX01167,20BX01168

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 20BX01167,20BX01168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... E... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par deux ordonnances n° 1902872 et 1902873 du 15 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs

demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 20B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... E... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 12 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par deux ordonnances n° 1902872 et 1902873 du 15 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 20BX01167, le 27 mars 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en l'absence de preuve de la notification de la décision d'aide juridictionnelle et même si la demande a été enregistrée plus de neuf mois après la date de la décision d'aide juridictionnelle, le tribunal administratif de Bordeaux ne pouvait rejeter la demande comme tardive ;

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision de refus de titre de séjour méconnait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit et ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

- elle méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2020.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 20BX01168, le 27 mars 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 20BX01167 à l'exception de celui tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme I... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D... et Mme A... D..., de nationalité albanaise, relèvent appel des ordonnances du 15 octobre 2019 par lesquelles le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, comme tardives, leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde du 12 juillet 2018 refusant de leur délivrer un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Sur la jonction :

2. Les requêtes numéros 20BX01167 et 20BX01168 concernent les membres d'une même famille. Elles présentent ainsi à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des ordonnances attaquées :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) c) de la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes de l'article 56 du même décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. / Le délai du recours ouvert par le troisième alinéa de cet article au ministère public, au garde des sceaux, ministre de la justice, au bâtonnier ou au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est de deux mois à compter du jour de la décision ". Aux termes de l'article 50 du même décret : " Copie de la décision du bureau, de la section du bureau ou de leur président est notifiée à l'intéressé par le secrétaire du bureau ou de la section du bureau par lettre simple en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale, et au moyen de tout dispositif permettant d'attester la date de réception dans les autres cas (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'interrompu par la présentation de la demande d'aide juridictionnelle, le délai de recours contentieux de 30 jours de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile recommence à courir après l'expiration du délai de recours de deux mois ouvert au ministère public et au bâtonnier pour contester la décision d'admission au bénéfice de l'aide prise par le bureau ou, si elle est plus tardive, à la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Toutefois, le principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours juridictionnel interdit, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice de ce droit, que la forclusion résultant de la règle énoncée ci-dessus puisse être opposée à un requérant lorsqu'il n'en a pas expressément été informé au préalable.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont présenté une demande d'aide juridictionnelle le 14 août 2018 en vue de contester les arrêtés du 12 juillet 2018, notifiés le 18 juillet 2018, refusant de leur délivrer un titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire français, soit dans le délai de recours prévu par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. et Mme D... n'ont introduit leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés devant le tribunal administratif de Bordeaux que le 11 juin 2019, soit plus de neuf mois après la décision les admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant l'avocat chargé de les représenter en date du 29 août 2018, ils soutiennent toutefois, sans être démentis, qu'ils n'ont pas reçu notification de ladite décision. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été expressément informés, avant cette notification, de la forclusion qui pouvait leur être opposée à l'expiration du nouveau délai ayant recommencé à courir, en application des dispositions précitées du c) de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, à la date à laquelle était devenue définitive la décision les admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Bordeaux a estimé, par l'ordonnance attaquée, que leurs demandes étaient tardives. Par suite, ces ordonnances sont entachées d'irrégularité et doivent, dès lors, être annulées.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués :

8. Les arrêtés attaqués du 12 juillet 2018 ont été signés par Mme G... H..., sous-préfète, directrice de cabinet. Par un arrêté du 29 mai 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2018-052 de la préfecture de la Gironde, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... H..., directrice de cabinet, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry F..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions prises en application des livres III, IV et V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... n'aurait pas été absent ou empêché le 12 juillet 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués doit être écarté.

En ce qui concerne les refus de titre de séjour :

9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

10. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation établie par la directrice territoriale de Bordeaux de l'OFII, que le rapport médical relatif à l'état de santé de M. D... a été établi le 14 mars 2018 par le Docteur Coulonges Florence, médecin du service médical de l'OFII et qu'il a été transmis au collège de médecins de l'OFII constitué des docteurs Candillier, Crocq et Mettais-Cartier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 313-22, L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2006 doit être écarté.

11. Contrairement à ce que soutient M. D..., le préfet de la Gironde a produit l'avis du collège de médecins de l'OFII émis le 12 juin 2018 aux termes duquel son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il peut voyager sans risque vers l'Albanie. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été irrégulière en raison du défaut de production de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

12. Le préfet de la Gironde a pu à bon droit s'approprier l'avis du collège de médecins du 12 juin 2018 sans pour autant méconnaître son propre pouvoir d'appréciation, en l'absence de toute précision de la part du requérant permettant de considérer que l'administration aurait dû se fonder sur d'autres éléments pertinents portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

13. Ainsi qu'il a été indiqué au point 11, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Si le requérant fait valoir que les soins ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'avis du collège de médecins. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

15. M. et Mme D... soutiennent qu'ils résident en France depuis trois ans, que leurs deux enfants nés en 2016 et 2019 sont nés en France et qu'ils sont bien intégrés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont déclaré être entrés en France le 16 février 2016 et ont sollicité le bénéfice de l'asile le 21 mars 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 14 septembre 2016 qui ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 28 février 2017. Le 17 mai 2017, ils ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour M. D... et sans fondement particulier pour Mme D.... Par suite, M. et Mme D..., qui n'ont été admis en France que le temps d'instruction de leurs demandes de titre de séjour, n'ont pas vocation à rester sur le territoire français. La circonstance que M. D... soit bénévole à la banque alimentaire depuis mars 2017 et qu'il ait suivi des cours de français auprès de Médecins du monde à partir du mois de novembre 2016 ne suffit pas à caractériser une insertion sociale particulière sur le territoire français. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie où M. et Mme D... ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 26 et 21 ans et où résident leurs parents et leur fratrie. Dans ces conditions, les refus de séjour contestés ne peuvent être regardés comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus qui leur ont été opposés. Le préfet de la Gironde n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

16. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. Les décisions contestées n'ont pas, par elles-mêmes, pour effet de séparer les enfants mineurs de leurs parents. Par ailleurs, si les requérants invoquent la scolarisation de leur fille ainée, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette dernière, au vu de son jeune âge, ne pourrait poursuivre sa scolarité en Albanie. Par suite, ces décisions ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de M. et Mme D.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions obligeant M. et Mme D... à quitter le territoire français :

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de séjour ne peut qu'être écarté. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. et Mme D... auraient pu bénéficier d'un titre de séjour de plein droit.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 17, les décisions obligeant M. et Mme D... à quitter le territoire français n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elles ont été prises et ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de leurs enfants. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des intéressés.

20. Si aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ", toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 13, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement :

21. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français.

22. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. et Mme D..., dont la demande d'asile a au demeurant été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, seraient personnellement exposés à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas de retour dans le pays dont ils sont ressortissants.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 12 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les ordonnances n° 1902872 et 1902873 du 15 octobre 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux sont annulées.

Articles 2 : les demandes présentées par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Bordeaux et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme I..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

I...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01167, 20BX01168 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01167,20BX01168
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;20bx01167.20bx01168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award