La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2020 | FRANCE | N°19BX04738

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 19BX04738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1801264 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 8 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me

E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadelo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1801264 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 8 septembre 2020, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 septembre 2019 ;

2°) à titre principal, d'annuler la délibération du 14 juin 2018 du conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau approuvant le plan local d'urbanisme ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 14 juin 2018 du conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section AM n° 840 en zone agricole ;

4°) d'enjoindre à la commune de Capesterre-Belle-Eau de modifier son plan local d'urbanisme ;

5°) de mettre à la charge la commune de Capesterre-Belle-Eau la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré des mentions irrégulières de l'avis d'enquête publique ;

- contrairement à ce que soutient la commune, sa requête de première instance n'était pas tardive ;

- le plan local d'urbanisme est entaché de plusieurs vices de forme dès lors que l'analyse des perspectives d'évolution de l'état initial de l'environnement est absente du rapport de présentation du projet, l'impact du plan est minimisé et ne prend pas en compte les immeubles protégés au titre des monuments historiques sur le territoire de la commune ;

- l'enquête publique ne s'est pas déroulée conformément à la procédure prévue à l'article L. 151-39 du code de l'urbanisme et aux articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'environnement de sorte qu'elle n'a pas eu connaissance de cette enquête et n'a pas pu faire valoir ses observations ;

- le dossier d'enquête public ne comporte pas toutes les pièces et annexes prescrites par l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme ;

- le classement de sa parcelle en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle était classée en zone UH jusqu'à présent ;

- le plan local d'urbanisme méconnait les dispositions de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme en ce qu'il n'est pas conforme avec le schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe ;

- la délibération méconnait les dispositions de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme dès lors que le plan local d'urbanisme comporte des modifications après enquête publique sans rapport avec les observations du public et du commissaire enquêteur ;

- le plan local d'urbanisme méconnait les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'il n'assure pas l'équilibre des différents objectifs fixés par ces dispositions et ne prend pas en compte la nécessaire protection des trames vertes et bleues et des réservoirs de biodiversité ;

- elle maintient l'ensemble des moyens de légalité interne et externe invoqués dans sa requête de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2020, la commune de Capesterre-Belle-Eau, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance de Mme C... est tardive ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriale ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations Me D..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 10 novembre 2011, le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a prescrit la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme et a fixé les modalités d'organisation de la concertation. Le conseil municipal a débattu sur le projet d'aménagement et de développement durables le 22 mars 2016, a arrêté le projet de plan local d'urbanisme le 17 novembre 2016 et a soumis celui-ci à une enquête publique organisée du 3 mai 2017 au 2 juin 2017. Par une délibération du 14 juin 2018, le conseil municipal de Capesterre-Belle-Eau a approuvé le projet de plan local d'urbanisme de la commune qui a notamment classé la parcelle cadastrée AM 840, propriété de Mme C..., en zone agricole. Par un courrier du 28 août 2018, Mme C... a demandé à la commune d'annuler la délibération du 14 juin 2018. Par une décision du 9 octobre 2018, la commune a refusé de faire droit à sa demande. Mme C... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 juin 2018 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme C... indiquait dans sa demande de première instance que les mentions obligatoires devant figurer sur l'avis d'enquête publique n'avaient pas été respectées, sans assortir cet argument d'aucune précision. Contrairement à ce que soutient Mme C..., le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par l'intéressée, a répondu, au point 10 du jugement qui rappelle l'argumentation de la requérante, au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de la délibération du 14 juin 2018 :

En ce qui concerne le rapport de présentation :

3. Aux termes de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : (...) / 2° Analyse l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en oeuvre du plan (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation comporte une analyse de l'état initial de l'environnement du territoire communal en son livret 2, ainsi que, contrairement à ce que fait valoir Mme C..., une analyse des perspectives de son évolution notamment au sein de son livret 3 " Evaluation environnementale ", dans la partie 7 intitulée " Résumé non technique et manière dont l'évaluation a été effectuée ". Par ailleurs, si la mission régionale d'autorité environnementale a émis, dans son avis sur le projet de plan que l'appelante reproche à la commune de ne pas avoir suivi, plusieurs recommandations, notamment la réalisation d'une analyse transversale du projet sur l'environnement et l'intégration d'un encadré sur la notion de monument historique, ces recommandations ont pour seul but de proposer l'amélioration du projet mais ne sauraient caractériser une insuffisance du rapport de présentation du plan. Enfin, il ressort des pièces du dossier que sont inscrits au titre des monuments historiques deux sites archéologiques : les roches gravées à l'embouchure du Pérou et un ensemble de six blocs de roches gravées situés dans la rivière de Bananier. Ainsi, la mention au sein du rapport de présentation aux termes de laquelle " aucun bâtiment n'est actuellement protégé au titre des monuments historiques " n'est pas erronée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

En ce qui concerne l'enquête publique :

5. Selon les termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I. Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. / Cet avis précise : (...) / -la date d'ouverture de l'enquête, sa durée et ses modalités ; / -l'adresse du ou des sites internet sur lequel le dossier d'enquête peut être consulté ; / -le (ou les) lieu (x) ainsi que les horaires où le dossier de l'enquête peut être consulté sur support papier et le registre d'enquête accessible au public ; / -le ou les points et les horaires d'accès où le dossier de l'enquête publique peut être consulté sur un poste informatique ; / -la ou les adresses auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant le délai de l'enquête. S'il existe un registre dématérialisé, cet avis précise l'adresse du site internet à laquelle il est accessible. / L'avis indique en outre l'existence d'un rapport sur les incidences environnementales, d'une étude d'impact ou, à défaut, d'un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, et l'adresse du site internet ainsi que du ou des lieux où ces documents peuvent être consultés s'ils diffèrent de l'adresse et des lieux où le dossier peut être consulté. Il fait état, lorsqu'ils ont été émis, de l'existence de l'avis de l'autorité environnementale mentionné au V de l'article L. 122-1 et à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme, et des avis des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au V de l'article L. 122-1 du présent code, ainsi que du lieu ou des lieux où ils peuvent être consultés et de l'adresse des sites internet où ils peuvent être consultés si elle diffère de celle mentionnée ci-dessus. / II. La personne responsable du projet assume les frais afférents à ces différentes mesures de publicité de l'enquête publique ". L'article R. 123-9 du même code dispose : " I. L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l'article L. 123-10, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. Cet arrêté précise notamment : (...) / 3° L'adresse du site internet comportant un registre dématérialisé sécurisé auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête. En l'absence de registre dématérialisé, l'arrêté indique l'adresse électronique à laquelle le public peut transmettre ses observations et propositions (...) ". Aux termes de l'article R. 123-11 du même code : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets d'importance nationale et les plans et programmes de niveau national, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. / II. - L'avis mentionné au I est publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Si l'autorité compétente ne dispose pas d'un site internet, cet avis est publié, à sa demande, sur le site internet des services de l'Etat dans le département (...). ".

6. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement qui l'encadrent, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

7. En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'avis destiné à l'information du public contenait de manière précise les dates, la durée et les modalités de l'enquête publique qui s'est déroulée du 3 mai au 2 juin 2017. Si l'avis d'enquête publique ne comportait pas de mentions relatives à l'existence d'une évaluation environnementale et d'un avis de l'autorité environnementale, à la mise à disposition des pièces sur un site ou une adresse électronique et à la consultation sur un poste informatique et si cet avis n'a été publié ni sur le site internet de la commune ni sur le site du représentant de l'Etat dans le département, toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet avis a fait l'objet d'une publication le 14 avril 2017, soit quinze jours au moins avant le début de l'enquête, dans deux journaux locaux, que 7 000 documents d'information ont été élaborés et distribués dans les boites aux lettres et déposés en mairie ainsi que chez certains commerçants et que plusieurs messages d'information ont été publiés sur la page Facebook de la commune. Enfin, 106 personnes se sont présentées lors des permanences, 91 ont souhaité obtenir des informations et 76 observations ont été consignées dans le registre. Par ailleurs, il est constant que le dossier d'enquête publique comportait l'évaluation environnementale ainsi que l'avis de l'autorité environnementale du 7 mars 2017 qui étaient donc consultables en même temps que le reste du dossier d'enquête publique et selon les mêmes modalités. Dans ces conditions, les omissions invoquées par la requérante dans l'avis d'enquête publique ne peuvent être regardées comme ayant été de nature à avoir privé le public d'une information sans laquelle il n'aurait pu participer effectivement à l'enquête ou avoir exercé une influence sur ses résultats. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 123-10, R. 123-9 et R 123-11 du code de l'environnement doivent être écartés.

En ce qui concerne les modifications postérieures à l'enquête publique :

8. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il est loisible à l'autorité compétente de modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique sous réserve, d'une part, que cette modification procède de l'enquête et, d'autre part, qu'elle ne porte pas atteinte à l'économie générale de ce document. L'atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme peut résulter de changements qui, par leur nature ou leur ampleur, eu égard à leurs effets propres ou combinés, modifient substantiellement les possibilités de construction et d'usage du sol sur le territoire de la commune par rapport aux choix antérieurs.

10. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enquête publique, neuf modifications de zonage ont été apportées au plan local d'urbanisme, dont certaines résultaient des demandes exprimées lors de l'enquête publique et d'autres avaient été formées par les personnes publiques associées dont les avis figuraient en annexe du dossier d'enquête publique. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la réduction des deux zones U par le classement de certaines parcelles en zone A sur le secteur Bidou fait suite à l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. En outre, il ressort du tableau récapitulatif pour ajustement post-enquête publique que certains des changements de zonage effectués sont également la conséquence logique, pour assurer la cohérence du zonage, de la décision prise par les auteurs du plan de faire droit aux demandes de changement de zone exprimées lors de l'enquête par les propriétaires de parcelles voisines se trouvant dans une situation comparable. Enfin, les modifications apportées au projet ont entrainé une réduction des zones agricoles de 10 ha et des zones naturelles de 0,4 ha au profit de zones urbaines ou à urbaniser. Ces évolutions du projet n'ont pas revêtu une importance telle que l'économie générale du plan local d'urbanisme s'en serait trouvée substantiellement modifiée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'équilibre :

11. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : (...) c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) ". Ces dispositions doivent être interprétées comme imposant seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. En conséquence, il appartient au juge administratif d'exercer un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par le plan local d'urbanisme et les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

12. D'une part, le seul constat selon lequel le plan ne prévoit pas la protection de tous les réservoirs de biodiversité mais seulement des principaux ne suffit pas à révéler l'incompatibilité du plan local d'urbanisme en litige avec le principe d'équilibre énoncé par les dispositions précitées. D'autre part, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, il ressort des pièces du dossier que la mention au sein du rapport de présentation aux termes de laquelle " aucun bâtiment n'est actuellement protégé au titre des monuments historiques " n'est pas erronée. En outre, la seule omission de l'existence de deux sites inscrits aux monuments historiques ne saurait, à elle-seule, caractériser une remise en cause du principe d'équilibre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe :

13. D'une part, aux termes de l'article L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Le schéma d'aménagement régional prend en compte les programmes de l'Etat et harmonise ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements et services publics. Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, (...) doivent être compatibles avec le schéma d'aménagement régional ".

14. D'autre part, aux termes du schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe : " Les espaces classés en zones agricoles par les plans d'occupation des sols et les plans locaux d'urbanisme en vigueur à la date d'adoption du présent schéma d'aménagement régional par l'assemblée régionale et les espaces à usage agricole doivent être maintenus dans leur vocation. / En conséquence, ils conserveront ou recevront dans les documents d'urbanisme locaux un classement approprié, faisant obstacle à tout changement d'affectation non compatible avec le maintien de l'exploitation à des fins de production agricole (...). / Toutefois, s'il s'avère nécessaire de modifier le périmètre des espaces ouverts à l'urbanisation pour mieux organiser le territoire ou pour réaliser un projet public spécifique, les communes pourront procéder, à l'occasion de l'élaboration ou de la révision de leur plan local d'urbanisme, à des déclassements limités d'espaces agricoles situés dans la continuité des espaces déjà urbanisés ou ouverts à l'urbanisation, en tenant compte de la valeur agronomique des espaces en cause, de l'incidence de ce déclassement sur l'exploitation agricole concernée et de la participation de ces espaces à la continuité écologique. Ces déclassements doivent garder un caractère exceptionnel. / Ces déclassements seront subordonnés à la condition que les surfaces ainsi déclassées fassent l'objet d'une compensation par le classement en zone agricole de terrains d'une superficie équivalente, dont il devra être démontré qu'ils ne sont pas artificialisés, qu'ils peuvent effectivement être réaffectés à un usage agricole en offrant à terme une valeur agronomique comparable à celle des espaces agricoles déclassés (...) ".

15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme prévoit une augmentation des surfaces agricoles de 90,5 ha par rapport au zonage du plan d'occupation des sols. Par suite, contrairement à ce que soutient Mme C..., si des déclassements limités d'espaces agricoles sont prévus par le plan local d'urbanisme, la création des zones AU situées dans les secteurs Poirier, Moulin à Eau, Saint-Sauveur, Bananier, Roseau, Belair ne peut être regardée comme contraire à l'objectif de préservation des espaces agricoles fixé par le schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe. Eu égard à la croissance de la population estimée à 24 000 habitants à l'horizon 2030, soit 4800 habitants supplémentaires, à la nécessaire création de logements correspondante et à l'augmentation des surfaces agricoles prévues par le plan local d'urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance des orientations et objectifs cités au point précédent de ce schéma d'aménagement régional doit être écarté.

16. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que le secteur Bidou, au sein duquel se situe sa parcelle, est classé en espace urbain dense par le schéma d'aménagement régional, il résulte des indications portées sur les documents de ce schéma que les différentes cartes qui y sont annexées constituent une indication schématique mais qu'il ne s'agit en aucun cas d'un zonage à la parcelle. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les cartes composant le schéma ne sont pas assez précises pour en déduire le classement qu'il effectue de la parcelle appartenant à l'intéressée. Par suite, le classement en zone agricole de la parcelle de Mme C... ne peut être regardé comme étant incompatible avec les objectifs dudit schéma.

17. En dernier lieu, la carte du schéma d'aménagement régional ne fait pas apparaitre de corridors écologiques ni la définition de trame verte et bleue, de sorte que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le plan local d'urbanisme prévoit des zones AU sur leur emprise.

En ce qui concerne le classement de la parcelle AM 840 en zone agricole :

18. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

19. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée, pour les motifs énoncés par les dispositions citées cidessus. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

20. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AM n° 840 appartenant à Mme C... présente un caractère naturel et est située en seconde ligne sans être desservie par la route communale, dans un espace peu urbanisé à plus de deux kilomètres du centre-bourg. La parcelle s'ouvre au sud et à l'ouest sur une vaste zone naturelle et agricole. Le précédent classement de la parcelle en zone UH par le plan d'occupation des sols est sans incidence sur la légalité de son classement en zone agricole. De même, si Mme C... allègue que de nombreuses parcelles classées en zone UH par le plan d'occupation des sols ont été classées en zone constructible par le plan local d'urbanisme, cette circonstance n'a aucune incidence sur le classement de sa propre parcelle. Par ailleurs, ce classement en zone agricole répond aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables de préserver les espaces naturels et agricoles de la commune, de renforcer l'attractivité du centre-bourg, d'optimiser les pôles secondaires et de contenir l'urbanisation diffuse du territoire. Enfin, si l'intéressée fait valoir que sa parcelle n'est pas exploitée, elle n'est pour autant pas dépourvue de potentiel agronomique. Dans ces conditions, le classement en zone agricole de cette parcelle, qui répond tant à ses caractéristiques qu'au parti d'urbanisme retenu, n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, alors même qu'elle est située à proximité de parcelles déjà bâties.

En ce qui concerne les moyens de première instance :

21. Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

22. En se bornant à énoncer qu'elle " réitère les moyens de légalité externe et interne invoqués dans sa requête ", l'appelante, qui n'a pas non plus joint à sa requête d'appel une copie de sa demande de première instance, n'a pas mis la cour à même d'apprécier le bien-fondé de ces moyens.

23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête de première instance, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Capesterre-Belle-Eau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Capesterre-Belle-Eau en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera à la commune de Capesterre-Belle-Eau une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

F...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04738 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04738
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;19bx04738 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award