Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner M. et Mme D... A..., représentant la SCI Plénitude, à une amende de 1 500 euros pour avoir construit une clôture en bois sans autorisation sur le domaine public maritime au droit de leur propriété au lieu-dit Piraillan, sur la commune de Lège-Cap-Ferret, de les condamner à remettre en état les lieux dans un délai de deux mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de l'autoriser à procéder, avec le concours de la force publique si nécessaire, à la remise en état des lieux.
Par un jugement n° 1801048 du 20 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. et Mme A... au paiement d'une amende de 1 500 euros, leur a enjoint de détruire la clôture édifiée de manière illégale sur le domaine public maritime dans un délai de quarante jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard et a autorisé le préfet à procéder à cette destruction après expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 avril 2019, 24 mars 2020 et 17 septembre 2020, M. et Mme A... et la SCI Plénitude, représentés par Me B..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de les relaxer des poursuites dont ils font l'objet ;
3°) d'annuler le procès-verbal de grande voirie du 24 janvier 2018.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il rejette leur demande de médiation ;
- il n'est pas certain que la clôture empiète sur le domaine public ; le jugement est entaché d'une erreur de droit au regard des articles L. 2111-4 et L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques, d'une erreur manifeste d'appréciation et de dénaturation des faits et pièces du dossier ;
- la clôture avait été autorisée dès lors qu'elle est mentionnée dans un arrêté du maire du 2 octobre 2013 et dans le permis de construire qui leur a été accordé le 17 juin 2016, la remise en cause de cette autorisation méconnaît l'article 1er du Protocole de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; une distinction doit être faite entre la clôture et le péret en bois sur laquelle elle est construite qui constitue un ouvrage de protection.
Par une lettre 21 mai 2019, les parties ont été informées de ce qu'il apparaissait opportun de tenter, sur la base de l'article L. 213-7 du code de justice administrative, une médiation en vue de trouver une issue définitive à ce litige.
Par une lettre du 3 juillet 2019, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a signifié son refus de cette médiation.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les époux A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... C...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme A... et la SCI Plénitude.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 12 avril 2017, M. et Mme A..., co-gérant de la SCI Plénitude qui bénéficiait d'un permis de construire délivré le 17 juin 2016 pour la reconstruction d'une maison sur une parcelle située sur la commune de Lège-Cap-Ferret, ont été mis en demeure de démolir la clôture qui était en train d'être réalisée au droit de leur propriété au motif que cette clôture était implantée sur le domaine public maritime. Cette demande a été réitérée par un courrier du 4 août 2017. Ils ont alors envisagé d'échanger la parcelle occupée par la clôture contre une autre partie de leur terrain ou d'obtenir une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, ce qui leur a été refusé. La clôture étant toujours présente lors d'une visite réalisée le 6 décembre 2017, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 24 janvier 2018, sur la base duquel le préfet de la Gironde a saisi le tribunal administratif de Bordeaux. Par un jugement du 20 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. et Mme A..., représentant la SCI Plénitude, à verser une amende de 1 500 euros et à libérer le domaine public de la clôture érigée illégalement, dans un délai de quarante jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. M. et Mme A... et la SCI Plénitude demandent, dans le dernier état de leurs écritures, l'annulation de ce jugement et du procès-verbal du 24 janvier 2018 ainsi que leur relaxe.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 213-5 du code de justice administrative : " Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées. / Elles peuvent également, en dehors de toute procédure juridictionnelle, demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel territorialement compétent d'organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes organisée. / Le président de la juridiction peut déléguer sa compétence à un magistrat de la juridiction. / Lorsque le président de la juridiction ou son délégataire est chargé d'organiser la médiation et qu'il choisit de la confier à une personne extérieure à la juridiction, il détermine s'il y a lieu d'en prévoir la rémunération et fixe le montant de celle-ci. / Les décisions prises par le président de la juridiction ou son délégataire en application du présent article ne sont pas susceptibles de recours (...) ". Il résulte de ces dispositions que le refus implicite ou exprès opposé à une demande de médiation présentée par une partie n'est pas susceptible de recours. Par suite, les requérants ne peuvent pas utilement invoquer en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté leur demande de médiation.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 21114 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le soussol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) Les lais et relais de la mer (...) Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ". Aux termes de l'article L. 21221 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ".
4. Il résulte de l'instruction que la limite du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Lège-Cap-Ferret a été fixée par un décret du 14 juin 1859. Selon le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 24 janvier 2018, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, procès-verbal auquel était annexée une vue aérienne sur laquelle était reportée la limite du domaine public maritime telle qu'elle a été fixée par le décret du 14 juin 1859, la clôture érigée par M. et Mme A... se situe sur le domaine public maritime. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les quelques photographies produites au dossier montrant l'existence d'une végétation sur le sable devant la clôture en cause ne permettent pas, compte tenu notamment de la nature de cette végétation, qui ne peut être regardée comme une " végétation pérenne ", de considérer que cette portion de terrain ne serait plus recouverte par les plus hautes eaux et, ainsi, de remettre en cause la limite du domaine public maritime fixée par le décret précité. En outre, en indiquant que les traverses en bois sur lesquelles était édifiée la clôture sont nécessaires pour éviter que l'eau n'entre dans les cabanes, les appelants admettent eux-mêmes que les plus hautes mers peuvent s'étendre jusqu'à leur propriété. La circonstance que les coordonnées géographiques des points de référence 9a et 9b figurant sur la vue aérienne annexée au procès-verbal sont différentes des mêmes points portés sur le plan cadastral établi en juin 2013, plan qui ne présente qu'un caractère recognitif, n'est pas de nature à remettre en cause les limites fixées par le décret du 14 juin 1859. Il en est de même de la délimitation établie en 2005 résultant d'un accord entre le service maritime et de la navigation de la Gironde et l'ancienne propriétaire de la parcelle, qui présente le caractère d'un acte déclaratif et qui ne peut être regardé comme démontrant que le rivage de la mer ne s'étendrait pas jusqu'à la limite fixée par le décret du 14 juin 1859. De surcroit, les plans versés au dossier par les appelants font également état de l'empiètement de la clôture sur le domaine public maritime. Dans ces conditions, le tribunal, qui a pris en compte l'ensemble des pièces du dossier, a pu, à bon droit, considérer que la matérialité de l'occupation du domaine public maritime était établie, la preuve contraire n'étant pas rapportée par les contrevenants. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de qualification juridique des faits, de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 2111-4 et L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques doivent être écartés.
5. Si la SCI Plénitude a obtenu un permis de construire délivré par la commune de Lège-Cap-Ferret le 17 juin 2016 qui fait mention de la clôture, ce permis ne saurait tenir lieu d'autorisation d'occupation du domaine public maritime. Enfin, la seule circonstance que la clôture a été reconstruite sur les traces d'une précédente clôture qui a été tolérée par l'autorité gestionnaire du domaine n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une convention habilitant les appelants à occuper le domaine public.
6. Aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
7. En l'espèce, ni le courrier du service maritime de 1993 accompagnant les " plans indiquant le passage du domaine public maritime ", ni la mention manuscrite relative à la limite du domaine portée sur un plan établi en 2005 par l'ingénieur des travaux publics du service maritime et de la navigation de la Gironde à la demande de l'ancienne propriétaire de la parcelle, ni l'arrêté du maire de Lège-Cap-Ferret du 2 octobre 2013 indiquant que " l'alignement matérialisé par la clôture existante est considéré comme satisfaisant ", ni le permis de construire délivré en 2016, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne saurait tenir lieu d'autorisation d'occuper le domaine public, ni, enfin, l'attestation établie le 27 juillet 2017 par un géomètre expert, qui précise que les traverses en bois ont été implantées conformément à la position de l'ancienne clôture, ne sont de nature à caractériser l'espérance légitime et raisonnable des appelants d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété sur la portion de terrain du domaine public maritime sur laquelle est située la clôture en litige et son sous-bassement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux les a condamnés à payer une amende de 1 500 euros et à procéder à la démolition de la clôture édifiée sur le domaine public maritime dans un délai de quarante jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... A..., à la SCI Plénitude et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... C..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le président-rapporteur
Marianne C... Le président-assesseur
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01511 2