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22/10/2020 | FRANCE | N°18BX04193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 18BX04193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. E... G... ont demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'enjoindre à la commune de Guéthary de se conformer à ses obligations contractuelles en leur permettant d'exploiter leur restaurant dans les conditions prévues par la convention conclue le 19 novembre 2007, à titre subsidiaire, de modifier par avenant le périmètre de la convention ainsi que le montant des redevances et, en tout état de cause, de condamner la commune de Guéthary à leur verser la somme de 236 462,95 eu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. E... G... ont demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'enjoindre à la commune de Guéthary de se conformer à ses obligations contractuelles en leur permettant d'exploiter leur restaurant dans les conditions prévues par la convention conclue le 19 novembre 2007, à titre subsidiaire, de modifier par avenant le périmètre de la convention ainsi que le montant des redevances et, en tout état de cause, de condamner la commune de Guéthary à leur verser la somme de 236 462,95 euros en réparation de leur préjudice et, d'autre part, de prononcer la reprise des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Guéthary à leur verser la somme de 624 000 euros en réparation de leur préjudice.

Par un jugement n° 1600089, 1601323 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018, M. B... A... et M. E... G..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 8 octobre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Guéthary à leur verser une somme de 624 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Guéthary une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute de la commune :

- en ce qui concerne la faute tirée du refus d'accorder un permis de construire, les deux permis de construire obtenus par arrêtés des 30 juillet 2007 et 9 juin 2009 sont expressément mentionnés par la convention d'occupation du domaine public de telle sorte qu'ils en constituent le périmètre d'application ; en refusant le permis de reconstruire à l'identique le restaurant, la commune fait nécessairement obstacle à l'occupation privative du domaine public dans les conditions fixées par la convention conclue ;

- en ce qui concerne le caractère déloyal des motifs de résiliation, d'une part, ils n'ont pas cédé leur autorisation d'occupation du domaine public à la SARL Harotzen Costa, cette société dont ils étaient cogérants et uniques associés, avait pour objet de constituer l'outil juridique permettant l'exploitation de l'activité de restauration de leur établissement ; cette situation a été autorisée par le maire de la commune ; d'autre part, quant au retard de paiement, en refusant la délivrance du permis de construire à l'identique de leur restaurant, la commune de Guéthary a, par son comportement fautif, causé l'impossibilité pour les requérants de faire face aux échéances prévues par la convention ; le principe de l'indépendance des législations ne saurait faire obstacle à ce raisonnement en ce que le permis de construire était expressément prévu dans la convention d'occupation du domaine public ;

Sur le fondement du fait du prince :

- le comportement de la commune refusant d'accorder un permis de reconstruire à l'identique alors que celui-ci était fondé, a engendré une perte substantielle d'exploitation ; en l'absence de faute dans les relations contractuelles, son comportement assimilable au fait du prince engage la responsabilité sans faute de la commune ;

Sur les préjudices :

- ils ont payé une redevance manifestement disproportionnée par rapport à leur occupation réelle ;

- d'un restaurant de 50 m² avec une terrasse de 122 m² dont 82 m² couverts, ils ont dû exploiter un restaurant d'une superficie de 29,5 m² avec une terrasse de 122 m² totalement dénuée de protection ; la réparation de ce chef de préjudice a été chiffrée à la somme de 236 462,95 euros ;

- la résiliation fautive leur a fait perdre toute exploitation pour les années 2017, 2018 et 2019, soit une perte commerciale entre 380 000 et 584 000 euros ;

- il ont subi un préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2019, la commune de Guéthary, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de MM. A... et G... d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par MM. A... et G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant MM. A... et G....

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 novembre 2007, la commune de Guéthary a conclu avec M. A... et M. G..., une convention d'occupation à titre exclusif de restauration d'un emplacement nu situé " Promenade des Alcyons " pour une durée de douze ans. Par un arrêté du 30 juillet 2007, un permis de construire leur a été délivré pour la construction d'un restaurant d'une surface hors oeuvre nette de 45 m² sur un terrain situé Jetée des Alycons. Par un arrêté du 9 juin 2009 leur a été accordé un permis de construire un local de rangement attenant au restaurant et une extension de la terrasse existante, pour une surface hors oeuvre nette de 5 m². A la suite d'intempéries en février 2014, le restaurant a été sinistré et le maire de Guéthary a " attesté ", le 13 mars 2014, autoriser la société " Harotzen Costa " à reconstruire le restaurant à l'identique. M. A... et M. G... ont entrepris la reconstruction à l'identique de leur restaurant. Toutefois, à la suite d'un procès-verbal d'infraction du 23 avril 2014 fondé sur l'absence d'autorisation d'urbanisme et sur la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a, par un arrêté du 15 mai 2014, ordonné l'interruption des travaux. Par un arrêté du 12 août 2015, le maire de Guéthary a refusé de leur délivrer un permis de construire permettant de reconstruire à l'identique leur restaurant. Cet arrêté a été annulé par un arrêt n° 16BX03937 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 septembre 2018. Par un courrier du 21 août 2015, reçu le 23 septembre 2015, M. A... et M. G... ont mis en demeure la commune de Guéthary de se conformer à ses obligations contractuelles en leur permettant de reconstruire à l'identique leur restaurant conformément au périmètre de la convention conclue le 19 novembre 2007. Par une lettre du 18 janvier 2016, ils ont sollicité auprès du maire de Guéthary le versement de la somme de 236 462,95 euros en réparation de leurs préjudices nés, selon eux, de la méconnaissance des obligations contractuelles de la commune. La commune a rejeté cette demande par un courrier du 4 mars 2016. M. A... et M. G... ont saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande, enregistrée sous le n° 1600089, tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Guéthary résultant de son refus de se conformer à ses obligations contractuelles. Par un courrier du 11 avril 2016, la commune de Guéthary les a mis en demeure de mettre un terme à plusieurs manquements constatés dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Par un courrier du 3 mai 2016, la commune de Guéthary a résilié la convention d'occupation du domaine public. M. A... et M. G... ont demandé au tribunal administratif de Pau, par une demande enregistrée sous le n° 1601323, la reprise des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, le versement d'une indemnité. M. A... et M. G... relèvent appel du jugement du 8 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes n° 1600089 et n°1601323.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'exécution des obligations contractuelles :

2. Il résulte de l'article 3 de la convention conclue le 19 novembre 2007 que la commune de Guéthary a autorisé M. A... et M. G... à occuper de manière privative un emplacement nu, situé " Promenade des Alcyons ". L'article 4 de cette même convention précise que " l'occupant installera sous sa responsabilité des structures sur l'emplacement objet des présentes ". En outre, l'article 7 indique que " l'occupant fait son affaire personnelle d'obtenir toutes les autorisations nécessaires à l'exercice de son activité. En aucun cas, la commune ne saurait être tenue pour responsable dans le cas où l'une de ces autorisations ferait défaut " et l'article 10 de la même convention prévoit que " si les locaux viennent à être détruits partiellement ou en totalité par un évènement indépendant de la volonté de la commune, l'occupant ne pourra réclamer aucune indemnité pour trouble de jouissance ". Ainsi, il résulte de ces stipulations que l'objet de la convention du 19 novembre 2007 réside dans l'utilisation privative du seul emplacement nu. Si la convention mentionne que " les travaux seront conformes au permis de construire tel que délivré le 30 juillet 2007 " et si l'avenant à cette convention, signé le 1er février 2010, indique que " le 9 juin 2009, un permis de construire a été accordé pour la création d'un local de rangement attenant au restaurant et l'extension de la terrasse pour une S.H.O.N. créée de 5 m² portant la S.H.O.N. totale à 50 m² ", ces seules mentions ne permettent pas de considérer que l'objet de la convention portait sur les constructions édifiées sur la parcelle en cause. Dans ces conditions, si l'illégalité du refus de permis de construire du 12 août 2015, telle qu'elle a été relevée par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n° 16BX03937 du 27 septembre 2018, était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Guéthary, elle n'engage pas sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. A... et M. G.... Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a jugé que le refus de délivrance ultérieure d'un permis de construire ne constituait pas, en lui-même, une violation des obligations contractuelles nées de la convention d'occupation du domaine public.

3. M. A... et M. G... font valoir qu'en ne délivrant pas l'autorisation afin de reconstruire le restaurant à l'identique la commune de Guéthary a modifié le périmètre de la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 novembre 2007. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 2, l'objet de la convention conclue le 19 novembre 2007 résidait dans la seule occupation privative d'un emplacement nu et il résulte de l'instruction que M. A... et M. G... ont pu occuper jusqu'à la date de résiliation de la convention, une partie de la parcelle cadastrée section AH numéro 126 correspondant au lot B situé Promenade des Alcyons. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la commune aurait modifié unilatéralement le périmètre de la convention. C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le refus de permis de construire opposé le 12 août 2015 n'emportait par lui-même aucune modification des clauses de la convention d'occupation du domaine public.

4. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité contractuelle pour faute de la commune de Guéthary n'est pas engagée à l'égard de M. A... et M.G....

En ce qui concerne la résiliation de la convention d'occupation du domaine public :

5. Pour résilier la convention d'occupation du domaine public du 19 novembre 2007, la commune de Guéthary s'est fondée, d'une part, sur la cession des droits de M. A... et M. G... à la SARL Harotzen Costa, en l'absence d'accord exprès de la commune en violation de l'article 4 de la convention et, d'autre part, sur le défaut de paiement des redevances d'occupation du domaine public dues au titre de l'année 2015, en violation de l'article 11 de cette même convention.

6. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article 11 de la convention du 19 novembre 2007 : " La présente occupation du domaine public est autorisée moyennant le paiement d'une redevance de 15 000 euros et d'une partie variable de 3% du chiffre d'affaire. (...) / La partie fixe de la redevance sera versée au plus tard le 25 août de chaque année. La partie variable de la redevance (3% du CA) sera versée 3 mois maximum après la clôture comptable de la société (...) ".

7. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat.

8. M. A... et M. G... ne contestent pas s'être abstenus d'acquitter le montant des redevances dues au titre de l'année 2015. S'ils soutiennent que la résiliation est infondée dès lors que le comportement fautif de la commune refusant de leur délivrer un permis de reconstruire le restaurant à l'identique à la suite des intempéries de février 2014 a fait obstacle à l'occupation privative du domaine public dans les conditions fixées par la convention et est ainsi à l'origine de l'impossibilité pour eux de s'acquitter des redevances, toutefois les appelants ne peuvent se prévaloir des fautes de la commune pour se soustraire à leurs obligations contractuelles. En outre, la démolition partielle du restaurant ne peut être regardée comme constituant un cas de force majeure dès lors que cette hypothèse était prévue à l'article 10 de la convention d'occupation du domaine public et alors au surplus que l'activité de restauration s'est poursuivie en 2015 en dépit du refus de permis de construire. Par suite, le défaut de paiement de la redevance, en méconnaissance de l'article 11 de la convention, justifiait à lui seul la résiliation du contrat.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a jugé que le maire de Guéthary pouvait légalement décider de résilier la convention d'occupation du domaine public après avoir mis en demeure M. A... et M. G... de se conformer à leurs obligations contractuelles.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle sans faute :

10. L'objet de la convention résidait en l'autorisation d'occuper un emplacement nu. Par suite, le refus de délivrer un permis de construire opposé par la commune de Guéthary n'a pas été de nature à modifier les conditions d'exécution de la convention. Au surplus, il résulte des termes de l'article 10 de la convention du 19 novembre 2007 que le risque d'une destruction partielle ou totale des locaux à la suite d'un événement indépendant de la volonté de la commune n'était pas imprévisible. En outre, l'article 7 de cette même convention prévoyait l'hypothèse dans laquelle une autorisation nécessaire à l'exercice de l'activité de restauration pouvait faire défaut. Ainsi, M. A... et M. G... ne sont pas fondés à demander la condamnation de la commune de Guéthary sur le fondement de la responsabilité contractuelle sans faute.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et M. G..., qui, dans leurs écritures, n'ont recherché que la responsabilité contractuelle de la commune, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Guéthary, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. A... et M. G... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit à la demande de la commune de Guéthary tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Guéthary tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. E... G... et à la commune de Guéthary.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

H... Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04193
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-02 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BEDEL DE BUZAREINGUES ET BOILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;18bx04193 ?
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