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20/10/2020 | FRANCE | N°20BX00020

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 octobre 2020, 20BX00020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an et d'ordonner l'effacement de son signalement dans le fichier européen de non-admission.

Par un jugement n° 1902792 du 13 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de cet arrêté et a enjoint au préfet d'effacer les données conc

ernant M. E... du système d'information Schengen.

Procédure devant la cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an et d'ordonner l'effacement de son signalement dans le fichier européen de non-admission.

Par un jugement n° 1902792 du 13 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de cet arrêté et a enjoint au préfet d'effacer les données concernant M. E... du système d'information Schengen.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2020, le préfet de la Dordogne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1902792 du 13 décembre 2019 du tribunal administratif de Pau et de rejeter les conclusions présentées par M. E... devant les premiers juges.

Il soutient que :

- le premier juge a commis une erreur de droit en estimant que l'obligation de quitter le territoire français du 8 octobre 2018 n'avait pas été notifiée régulièrement à M. E... ; l'arrêté du 8 octobre 2018 était opposable à M. E... dès lors qu'il a été envoyé à la dernière adresse fournie par celui-ci à l'administration et que le pli lui a été retourné avec la mention " avis non réclamé " ; M. E... devait lui signaler tout changement d'adresse ;

- la décision du 8 octobre 2018 était toujours exécutoire ; le maintien irrégulier de l'intéressé sur le territoire justifiait le prononcé de l'interdiction de retour sur le territoire ;

- l'interdiction de retour sur le territoire était suffisamment motivée ;

- la décision contestée ne méconnait ni les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du préfet de la Dordogne ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 15 octobre 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre et d'enjoindre au préfet de la Dordogne de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier européen de non-admission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de saisir la cour de justice de l'union européenne d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- à supposer que la Cour annule le jugement, la décision portant interdiction de retour méconnait les principes généraux du droit de l'Union européenne, et parmi eux, les droits de la défense et le droit d'être entendu ; la décision ne pouvait donc intervenir sans information préalable du fait qu'il pourrait faire l'objet d'une interdiction de retour, de la durée maximale de cette interdiction et de ce qu'une telle décision implique (inscription au fichier SIS) ;

- il appartient à la cour de surseoir à statuer et transmettre à la CJUE la question préjudicielle suivante : " Le droit d'être entendu dans toute procédure, principe général du droit de l'Union, combiné à l'article 11 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, impose-t-il que préalablement à l'édiction d'une décision portant interdiction de retour, les autorités nationales informent les intéressés de ce qu'une telle mesure peut accompagner une décision d'éloignement, et les mettent à même de présenter spécifiquement leurs observations sur son principe et sa durée ' "

- la décision est manifestement disproportionnée au regard de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 8 octobre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a fait obligation à M. E..., de nationalité arménienne, dont la demande d'asile a été définitivement rejetée le 29 mai 2018, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. E... qui s'est maintenu sur le territoire français, a fait l'objet d'un contrôle de police à Bergerac le 14 octobre 2019 au terme duquel il a été constaté qu'il résidait irrégulièrement en France. Par un arrêté du 15 octobre 2019, le préfet de la Dordogne a prononcé à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen, fichier européen de non-admission pendant cette durée. Le préfet de la Dordogne relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 15 octobre 2019 portant interdiction de retour de M. E... et inscription dans le système d'information Schengen.

Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées... ". Ainsi, sauf circonstances humanitaires, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire peut faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en application des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'il s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire.

3. En premier lieu, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet d'Ille et Vilaine du 8 octobre 2018 faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à M. E..., a été envoyé par courrier recommandé avec accusé de réception à la dernière adresse communiquée par ce dernier à l'administration lors de sa demande renouvellement de son attestation de demande d'asile et que, après présentation et dépôt d'un avis de passage, le 15 octobre 2018, ce pli, mis en instance en bureau de poste, a été retourné à la préfecture pour dépassement du délai d'instance le 31 octobre suivant. La circonstance que M. E... ait dû quitter le centre d'accueil pour demandeur d'asile postérieurement à la décision rejetant définitivement sa demande d'asile est indifférente, dès lors qu'il n'est pas établi que les organismes ayant assuré la nouvelle domiciliation de M. E..., ou celui-ci, aient porté cette information à la connaissance de l'administration. Par suite l'arrêté du 8 octobre 2018 a été régulièrement notifié à M. E... le 15 octobre 2018. Le préfet de la Dordogne est donc fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat délégué a estimé que l'obligation de quitter le territoire français du 8 octobre 2018 n'ayant pas été régulièrement notifiée à M. E... ne pouvait fonder la décision d'interdiction de retour.

4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule, pour ce qui intéresse le litige, que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre (...), ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a déclaré être entré en France accompagné de son épouse en 2016 à l'âge de 24 ans, et a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire par un arrêté du 8 octobre 2018 suite au rejet de sa demande d'asile. L'intéressé, qui a déclaré n'avoir plus aucune famille en Arménie, a également admis être isolé en France avec son épouse, laquelle a également fait l'objet d'une décision du 8 octobre 2018 du préfet d'Ille et Vilaine lui faisant obligation de quitter le territoire, notifiée le même jour, et leur enfant. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France et alors que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, l'arrêté en litige, qui fait interdiction au requérant de revenir en France pendant une durée d'un an ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

6. En troisième lieu, dès lors qu'aucun de ses parents n'a vocation à rester sur le territoire français et que rien n'empêche leur fille âgée de 3 ans de les suivre dans leur pays d'origine, le préfet est fondé à soutenir que la décision ne méconnait pas les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que, le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'arrêté méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 1. de la convention internationale des droits de l'enfant et qu'il a annulé pour ces motifs son arrêté du 15 octobre 2019.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E... devant le tribunal administratif de Pau et la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. E... en première instance et en appel :

9. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est fondée sur la méconnaissance par M. E... du délai de départ volontaire qui lui était accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français, mesures prévues par l'arrêté du 8 octobre 2018 du préfet de l'Ille-et-Vilaine mais ne constitue pas une mesure d'exécution de cette décision. Quel que soit son lieu de résidence habituel, M. E... se trouvant dans le département de la Dordogne lors de son interpellation, le préfet de la Dordogne était donc territorialement compétent pour adopter la mesure en litige et M. Lesage, secrétaire général de la préfecture de la Dordogne, avait reçu, par un arrêté du 16 septembre 2019 publié le même jour, délégation pour la signer. Le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ". Aux termes de l'article L. 611-1-1 du même code : " I. - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1,78-2,78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l'article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue./ L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : / 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; / 2° Du droit d'être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d'office par le bâtonnier, (...) ".

10 La circonstance que les conditions de l'interpellation et de l'audition de M. E... par les services de police auraient méconnu les règles régissant la vérification de son droit au séjour sur le territoire français édictées par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en litige. Au surplus, M. E... ayant admis parler le français, il ne peut utilement soutenir que l'absence d'interprète était de nature à vicier la procédure suivie.

11 En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : (...) - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

12 Les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la possibilité pour l'administration de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français constituent la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'interdiction d'entrée, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.

13 Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision prévue par la directive du 16 décembre 2008 implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, sur celle le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement ou prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

14 Si M. E... fait valoir qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une mesure d'interdiction de retour, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de son audition par les services de police le 14 octobre 2019, que l'intéressé a, en l'espèce, été entendu sur sa situation personnelle et familiale en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les démarches administratives qu'il aurait accomplies, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement. Il a ensuite été avisé de la possibilité de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et a été invité à présenter des observations sur cette éventualité et sur les modalités de sa mise en oeuvre notamment quant au choix de l'Arménie comme pays de destination. Il a ainsi été mis à même de faire part de ses observations sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective d'éloignement et d'apporter tous éléments de nature à faire, le cas échéant, obstacle à une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. M. E..., qui avait déjà fait l'objet d'une précédente mesure portant obligation de quitter le territoire français et a été informé, lors de son audition, qu'il pourrait faire l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement, n'établit d'ailleurs pas avoir été privé de la possibilité de présenter, de manière utile et effective, des éléments pertinents, liés à des circonstances humanitaires, qui auraient pu influer sur le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français susceptible d'être prise à son encontre.

15 Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen tiré d'une méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

16 En quatrième lieu, compte tenu de l'arrivée récente de M. E... sur le territoire, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant en fixant à un an la durée pendant laquelle l'intéressé ne pourra revenir sur le territoire français.

17 En dernier lieu, la mention selon laquelle il a été remis à M. E... un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français en date du 14 octobre 2019, au lieu du 15 octobre 2019, constitue une erreur de plume sans conséquence sur la légalité de l'arrêté critiqué.

18 Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de son arrêté du 15 octobre 2019 et à en demander l'annulation. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E... doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

19 Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que réclame M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902792 du 13 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Pau et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane C... La présidente,

Evelyne A...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00020
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DUMAZ ZAMORA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-20;20bx00020 ?
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