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13/10/2020 | FRANCE | N°20BX00214

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 octobre 2020, 20BX00214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901463 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, M. D..., r

eprésenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901463 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, M. D..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 29 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée au regard de sa situation personnelle, ce qui démontre que son dossier n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- il est père d'un enfant français né le 12 mars 2018, qu'il justifie prendre

en charge depuis sa naissance ; ainsi, il a droit à un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard à sa présence en France depuis le 31 juillet 2011, à son intégration professionnelle et à ses attaches familiales, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il justifie contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, de sorte que la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits

de l'enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il travaille depuis son entrée en France et justifie de la réalité de sa relation

avec la mère de son enfant de nationalité française ; ainsi, la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur

sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public,

sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité congolaise (République du Congo), est entré en France le 31 juillet 2011 sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenu malgré deux arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, pris respectivement le 24 mai 2012 par le préfet de l'Essonne et le 15 janvier 2016 par le préfet du Val-de-Marne.

Il a sollicité à nouveau son admission au séjour le 31 juillet 2017 auprès des services de la préfecture de l'Essonne, puis le 12 mars 2018 auprès de ceux de la préfecture de Lot-et-Garonne, et enfin le 5 mars 2019 auprès de ceux de la préfecture de la Vienne. Par un arrêté

du 29 mai 2019, la préfète de la Vienne a rejeté cette dernière demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision fait état des conditions d'entrée en France de M. D..., des mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ainsi que des demandes de titre de séjour qu'il a présentées. Elle précise que M. D... déclare être célibataire et père de quatre enfants dont deux résident en France, qu'il n'apporte pas la preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de nationalité française né le 12 janvier 2018, et qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident deux de ses enfants, sa mère, son père et son frère. Cette motivation, qui comporte des considérations relatives à la situation personnelle de l'intéressé, est suffisante en fait. Il en ressort que la préfète de la Vienne a procédé à l'examen particulier du dossier.

3. En deuxième lieu, en indiquant que M. D... n'apporte pas la preuve

de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de nationalité française

né le 12 janvier 2018, la préfète doit être regardée comme lui refusant la délivrance de la carte

de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue au 6° de

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au bénéfice de " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ". Les attestations produites, peu circonstanciées, ne sont corroborées par aucune pièce de nature à démontrer que M. D..., qui réside à Poitiers et ne justifie que de quelques déplacements à Agen où résident la mère et l'enfant, contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour en qualité de père d'un enfant français.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit

au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Si M. D... se prévaut de ses attaches familiales en France, il ressort seulement des pièces du dossier qu'alors qu'il a laissé deux enfants dans son pays d'origine, il est le père d'un enfant né le 13 mars 2016 résidant en région parisienne avec sa mère titulaire d'un titre

de séjour, et a reconnu prénatalement, le 7 novembre 2017, l'enfant de nationalité française

né le 12 janvier 2018. Les pièces produites, constituées par des virements de faibles sommes d'argent aux mères, postérieurs pour la plupart à la décision contestée, des attestations non circonstanciées et les justificatifs de quelques déplacements de Poitiers à Agen, ne suffisent

pas à faire regarder comme établies les relations alléguées avec les enfants et avec la mère

du second. Dans ces circonstances, et alors même qu'il réside en France depuis près de huit ans

à la date de la décision et qu'il justifie de ses capacités d'insertion professionnelle, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées, ni qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions

qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles

qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

Dès lors que M. D... ne justifie entretenir de relations avec aucun des deux enfants mentionnés au point précédent, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour

qui lui est opposé méconnaîtrait leur intérêt supérieur.

7. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent

être utilement invoquées dès lors que la demande de titre de séjour de M. D... n'était

pas présentée sur ce fondement.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

9. En l'absence de preuve de la réalité et de l'intensité des liens privés et familiaux en France dont se prévaut M. D..., qui n'est pas dépourvu d'attache en République du Congo où il a laissé deux enfants mineurs, l'obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... F..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine F...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX00214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00214
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : REYNOLDS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;20bx00214 ?
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