Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer
un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays
de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 1904577 du 28 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé à une formation collégiale les conclusions
à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2019 et un mémoire enregistré
le 10 septembre 2020, M. D..., représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions de la préfète de Lot-et-Garonne du 2 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- les décisions sont entachées d'incompétence en l'absence de preuve de l'existence d'une délégation de signature non générale et régulièrement publiée ;
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- la préfète n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle, notamment au regard de sa vie privée et familiale en France ;
- dès lors que la proposition de formation constituait un préalable obligatoire
à l'embauche, elle devait être regardée comme une promesse d'embauche sous contrat à durée déterminée ; ainsi, les décisions sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ;
- il est bien intégré socialement en France, notamment dans le domaine sportif, a suivi une formation professionnelle dans le domaine des installations électriques, vit en concubinage depuis le 1er mai 2019, s'est marié le 22 août 2020 et se trouverait isolé en cas de retour
en République démocratique du Congo ; ainsi, l'obligation de quitter le territoire français
et l'interdiction de retour portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 12 mars 2020.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2020, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a déclaré être entré en France en avril 2015 à l'âge de 17 ans. Le 11 février 2017, le préfet du Pas-de-Calais lui a délivré un titre de séjour portant la mention " étudiant ", renouvelé jusqu'au 10 février 2019. M. D... a ensuite sollicité auprès des services de la préfecture de Lot-et-Garonne son changement de statut et la délivrance d'un titre portant la mention " travailleur temporaire ".
Par un arrêté du 2 septembre 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement
du 28 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour.
2. M. Morgan E..., secrétaire général de la préfecture de Lot-et-Garonne,
a reçu délégation, par un arrêté de la préfète de Lot-et-Garonne du 23 septembre 2019,
publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de l'Etat dans le Lot-et-Garonne n° 47-2019-09-23-001, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la délivrance
de titres de séjour relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile ainsi que toutes les décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du livre V de ce code. Par suite, M. E... avait compétence pour prendre les décisions contestées.
3. Les décisions visent les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiquent, notamment, que l'examen détaillé de la situation personnelle de M. D... montre qu'il ne peut se voir délivrer le titre sollicité, qu'il ne peut se prévaloir d'aucune des protections contre l'éloignement prévues à l'article L. 511-4 de ce code, que son comportement représente une menace pour l'ordre public, que son entrée en France est récente, qu'il ne justifie ni d'un domicile fixe et stable, ni de ressources propres pour subvenir à ses besoins, qu'il n'apporte pas la preuve qu'il ne lui serait pas possible de retourner en République démocratique du Congo où il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans, et qu'au vu de l'examen de sa situation, l'interdiction de retour d'une durée d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener sa vie privée et familiale. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. Il résulte de la motivation résumée au point précédent que la préfète
de Lot-et-Garonne, qui a longuement détaillé la situation de M. D..., y compris les faits qui ont conduit à son incarcération, a procédé à l'examen particulier de sa situation, notamment
au regard de sa vie privée et familiale. La circonstance qu'elle n'a pas mentionné
un concubinage depuis mai 2019, que le requérant ne démontre au demeurant pas avoir porté
à la connaissance de l'administration, ne caractérise aucune irrégularité.
5. Si M. D... reprend en appel le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", il ressort des termes mêmes de l'attestation de la société qui lui proposait une formation préalable à l'embauche
que son recrutement serait subordonné aux résultats de cette formation. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a estimé, pour statuer sur l'exception d'illégalité du refus de séjour qui lui était présentée, que cette attestation ne pouvait être regardée comme équivalente à un contrat à durée déterminée, dont la présentation était requise par le 2° de l'article L.313-10 du code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger
qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France
doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. M. D... ne justifie pas être dépourvu d'attaches en République démocratique du Congo où il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. A le supposer établi, le concubinage dont il se prévaut depuis le 1er mai 2019 ne pouvait, eu égard à son caractère très récent, être regardé comme caractérisant une attache stable au 2 septembre 2019. A cette date, M. D... résidait en France depuis quatre ans et demi et n'y justifiait pas d'une intégration particulièrement remarquable dès lors qu'il a été écroué le 8 août 2019 à la maison d'arrêt d'Agen pour des faits non contestés de transport et détention de stupéfiants réputés importés en contrebande.
Le mariage célébré le 22 août 2020, postérieurement à l'arrêté contesté, ne peut être utilement invoqué pour en contester la légalité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français sans délai et l'interdiction de retour d'une durée d'un an ne peuvent être regardées, à la date de cette décision, comme portant au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi
du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme H... G..., président,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... F..., conseillère.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
La rapporteure,
Anne C...
La présidente,
Catherine G...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04532