La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2020 | FRANCE | N°19BX01220

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 octobre 2020, 19BX01220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Salcouden a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Dax à lui verser la somme de 82 539 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des travaux d'aménagement de l'avenue Saint-Vincent-de-Paul à Dax.

Par un jugement n° 1400809 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Pau

a condamné la commune de Dax à lui verser

la somme de 24 389 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2013 et mis le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Salcouden a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Dax à lui verser la somme de 82 539 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des travaux d'aménagement de l'avenue Saint-Vincent-de-Paul à Dax.

Par un jugement n° 1400809 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Pau

a condamné la commune de Dax à lui verser la somme de 24 389 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2013 et mis les frais d'expertise à la charge de la commune.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2019 et un mémoire enregistré le 26 août 2019,

la commune de Dax, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Salcouden une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué qualifie de " sensible " la baisse de chiffre d'affaires qualifiée de " significative " par le jugement avant dire droit, ce qui caractérise une contradiction de motifs ; il est insuffisamment motivé en tant qu'il omet de préciser en quoi une baisse de chiffre d'affaires de 14 % excéderait les sujétions normales pouvant être imposées aux riverains d'une voie publique ;

- les travaux ont restreint la circulation et le stationnement à proximité du commerce en cause sur de courtes périodes représentant au total 40 jours ; les accès au commerce ont toujours été maintenus, et les clients pouvaient stationner au parking Cap dou Poun, situé à 300 mètres ; la SARL Salcouden était dans une situation financière fragile avant les travaux du fait d'un cumul de pertes annuelles, mais n'avait pas ajusté ses effectifs ; quand bien même elle serait en lien avec les travaux, une baisse du chiffre d'affaires de 14 % ne constitue pas un préjudice anormal ; le préjudice n'est pas spécial dès lors que tous les commerces de l'avenue

Saint-Vincent-de-Paul pratiquant la vente à emporter se trouvaient dans la même situation ;

ainsi, c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser une indemnité à la SARL Salcouden.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2019, Me D..., mandataire liquidateur de la SARL Salcouden, représenté par la SELARL Biais et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Dax une somme

de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la commune de Dax ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant la commune de Dax, et de Me J..., représentant Me D..., mandataire liquidateur de la SARL Salcouden.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un projet urbain d'aménagement dénommé " Coeur de ville ", des travaux de réhabilitation de l'avenue Saint-Vincent-de-Paul à Dax ont été réalisés

de janvier 2010 à août 2011 sous la maîtrise d'ouvrage de la commune. La SARL Salcouden, qui exerçait une activité de vente de pizzas à emporter, par livraison et sur place au numéro 137

de cette avenue sous l'enseigne " La Boîte à Pizza ", a présenté en 2013 une demande d'indemnisation auprès de la commission amiable de règlement des litiges instituée par la commune, en invoquant des difficultés d'accès et de stationnement ayant entraîné une chute de ses ventes à emporter. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Pau, lequel, après avoir ordonné, par un jugement avant dire droit du 6 juin 2017, une expertise

dont le rapport a été déposé le 11 mai 2018, a condamné la commune à lui verser une indemnité de 24 389 euros par un jugement du 29 janvier 2019, qui met également à sa charge les frais

de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 8 692,08 euros. La commune de Dax relève appel de ce jugement, à l'exécution duquel il a été sursis par une décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 19BX01221 du 7 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. L'appréciation à laquelle s'est livré le tribunal en estimant qu'une baisse de chiffre d'affaires de 14 % était constitutive d'un préjudice anormal et spécial n'appelait pas d'autres développements, et le jugement est suffisamment motivé. La circonstance que le tribunal a évoqué une baisse " significative " dans le jugement avant-dire droit, puis une baisse " sensible " dans le jugement au fond, ne caractérise aucune contradiction de motifs, laquelle n'affecterait au demeurant pas la régularité du jugement.

Sur la responsabilité :

3. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Le riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics, à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, doit établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages allégués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

4. Les travaux de rénovation de l'avenue Saint-Vincent-de-Paul effectués pour le compte de la commune de Dax, maître d'ouvrage, ont le caractère de travaux publics, à l'égard desquels la SARL Salcouden a la qualité de tiers. Ils ont consisté à équiper la voie de bordures et contre-bordures en granit, à réaliser des places de stationnement longitudinales, à créer deux pistes cyclables unidirectionnelles et à réaménager les trottoirs. Il résulte de l'instruction que ces travaux ont été réalisés par tronçons de 80 mètres sur l'avenue d'une longueur totale

de 800 mètres, en laissant toujours libre au moins une voie de circulation, ce qui a nécessité de nombreuses modifications des règles de circulation et de stationnement. Des interdictions temporaires de circulation et de stationnement au droit de l'établissement de la SARL Salcouden ont ainsi perturbé l'accès des automobilistes à " La Boîte à Pizza " durant quatre périodes

d'une durée cumulée de 235 jours, du 11 janvier au 26 février 2010, du 27 septembre

au 10 novembre 2010, du 3 janvier au 1er avril 2011 et du 26 avril au 22 juin 2011. Cet accès a toujours été possible pour les piétons, même s'il s'est avéré inconfortable lorsque la réfection du trottoir leur a imposé de marcher sur un sol dépourvu de revêtement, d'emprunter une passerelle pour entrer dans l'établissement, et de laisser leur véhicule sur un parc de stationnement situé à environ 300 mètres. De telles conditions d'accès, qui ont d'ailleurs affecté l'ensemble des commerces de l'avenue Saint-Vincent-de-Paul, ne peuvent être regardées comme excessivement difficiles. Il est constant que les travaux n'ont pas eu d'incidence sur l'activité de livraison de pizzas de la SARL Salcouden. Quand bien même la baisse du chiffre d'affaires au cours des quatre périodes mentionnées plus haut, résultant de la diminution des ventes à emporter et ayant contribué selon l'expert à une perte de marge sur coût variable d'un montant total de 24 389 euros, serait imputable aux difficultés d'accès à l'établissement, ces dernières, telles qu'elles sont documentées par les photographies versées au dossier, n'ont pas occasionné une gêne excédant les sujétions normales imposées aux riverains de la voie publique. Par suite, la commune de Dax est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a estimé que

la SARL Salcouden avait subi un préjudice anormal et spécial et l'a condamnée, pour ce motif, à indemniser cette société et à lui verser des frais au titre de l'instance.

Sur les dépens :

5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient

qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...). "

Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit n° 1400809 du 6 juin 2017, liquidés et taxés à la somme de 8 692,08 euros, à la charge de la commune de Dax.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. La SARL Salcouden, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la commune de Dax à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1400809 du

29 janvier 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Salcouden devant le tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions d'appel des parties sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dax et à Me H... D..., mandataire liquidateur de la SARL Salcouden.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... F..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine F...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX01220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01220
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;19bx01220 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award