Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du maire de Jurançon du 21 octobre 2016 prononçant son licenciement au 1er octobre 2016.
Par un jugement n° 1602497 du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2018 et le 6 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Jurançon du 21 octobre 2016 prononçant son licenciement au 1er octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Jurançon une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a nécessairement un intérêt à agir dès lors qu'elle n'a pas demandé son licenciement mais qu'il lui a été imposé compte tenu de l'absence de reclassement raisonnable qui lui aurait été proposé ;
- la procédure suivie préalablement à la décision attaquée est irrégulière en l'absence d'entretien préalable et d'avis de la commission administrative paritaire, cela en méconnaissance du décret du 15 février 1988 ; la décision est illégalement rétroactive ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit car la commune n'a pas cherché à la reclasser, d'erreur de fait car elle n'a pas donné son accord à un licenciement et d'erreur d'appréciation car le motif économique du licenciement n'est pas fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2018 et le 25 septembre 2018, la commune de Jurançon, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante est dépourvue d'intérêt à agir contre une décision qu'elle a elle-même sollicitée à trois reprises ;
- aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant Mme A..., et de Me D..., représentant la commune de Jurançon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par un contrat du 2 janvier 1992, par la commune de Jurançon, en qualité d'assistante maternelle dans le cadre d'une crèche familiale. A partir de la fin de l'année 2015, la commune de Jurançon a souhaité renforcer l'accueil des enfants en crèche collective et a envisagé la fin du service de crèche familial à compter du 1er juillet 2017. Mme A..., informée de cette issue, s'est vue proposer trois options : soit le maintien de son statut avec seulement deux enfants accueillis dans le cadre de son contrat et la possibilité d'accueillir un troisième enfant hors crèche familiale, soit l'intégration dans la fonction publique territoriale et une affectation dans un service orienté vers l'accueil des enfants, soit de se placer sous un statut libéral. Mme A... a alors accepté son licenciement mais a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 21 octobre 2016 du maire de la commune de Jurançon prononçant ce licenciement. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 18 mai 2018 rejetant sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Jurançon a proposé à Mme A... une alternative consistant, soit en une modification substantielle de son contrat de travail ou une intégration dans la fonction publique territoriale, soit en une démission pour lui permettre une activité libérale. L'intéressée, qui n'a pas démissionné, a expressément refusé les autres propositions, conduisant nécessairement la commune à prononcer son licenciement. Dans ces conditions, alors même qu'elle a déclaré l'accepter, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester cette mesure de licenciement. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2016 du maire de la commune de Jurançon prononçant son licenciement au motif qu'elle n'avait pas intérêt à agir à l'encontre de cet acte.
3. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Pau.
Sur la légalité de la décision du 21 octobre 2016 :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les articles L. 423-3 à L. 423-13, L. 423-15, L. 423-17 à L. 423-22, L. 423-27 à L. 423-33 et L. 423-35 s'appliquent aux assistants maternels (...) employés par des personnes morales de droit public (...) ". Selon l'article L. 423-10 de ce code : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel (...) qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Selon l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ". L'article L. 1232-4 du même code dispose que : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition ". En vertu de ces dispositions combinées, le licenciement d'une assistante maternelle engagée par une personne morale de droit public doit être précédé d'un entretien préalable auquel l'agent doit avoir été convoqué par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge au moins cinq jours ouvrables avant cet entretien. Par ailleurs, la lettre de convocation doit mentionner l'objet de l'entretien préalable et lui indiquer qu'il peut se faire assister lors de son audition.
6. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... aurait été régulièrement convoquée, dans les conditions prévues aux articles précités du code du travail, à un entretien préalable à son licenciement. Si la commune de Jurançon fait valoir que plusieurs entretiens avec la requérante ont eu lieu et avaient pour objet son licenciement économique qu'elle avait d'ailleurs accepté, cette circonstance ne saurait se substituer aux prescriptions des articles L. 1232-2 à 4 du code du travail. Une telle omission d'entretien préalable au licenciement, qui a privé l'intéressée d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision attaquée.
7. Par suite, la décision du 21 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Jurançon a prononcé le licenciement de Mme A... est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision du 21 octobre 2016 licenciant Mme A... doit être annulée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'elle n'est pas dans la présente instance la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Jurançon une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2018 et la décision du maire de la commune de Jurançon du 21 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : La commune de Jurançon versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Jurançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Jurançon.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme C... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.
La rapporteure,
Fabienne F... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
3
N° 18BX02818